Jerome Powell et la Fed multiplient les interventions et les coups de com’, et prétendent diriger le sort de l’économie et des marchés. C’est en réalité tout l’inverse qui se produit – et la Fed fait donc plus de mal que de bien.
C’est tout le système qui devient faux.
Prenez un exemple : les reverse repos de la Fed ; la dernière opération en date a eu lieu mi-juin. C’est, quand on y regarde de plus près, un montage fascinant.
Une réunion cruciale du FOMC deux jours avant l’expiration trimestrielle des options et autres produits dérivés (la fameuse « journée des quatre sorcières ») ; une action de com’ quelques semaines avant la fin d’un trimestre ; ajoutez à cela qu’il y avait eu une période de couverture des risques en mai, suivie d’un relâchement des couvertures puis de la réémergence d’une dynamique de short squeeze.
Le moment a été bien choisi : il y avait des dizaines d’instruments vulnérables à de brusques retournements.
Il a pour ainsi suffi d’un mot ou d’une expression pour réussir ce bon – ou mauvais coup, selon le côté où on se place !
Dans l’énoncé de politique post-réunion, le changement le plus important a été de remplacer « en cours » par « avoir couru » dans la description d’une inflation constamment inférieure à l’objectif.
L’avènement du dot plot
Et puis il y a eu le « dot plot » du FOMC, un diagramme « résumant » les anticipations autour de l’évolution des taux directeurs de la Fed.
Pour être sûr que ce serait efficace, les sources non identifiées de la Fed avaient briefé les journalistes avant la réunion en leur disant que le plus important à surveiller serait le dot plot.
Les prévisions individuelles pointent désormais en moyenne vers deux augmentations des taux d’ici la fin de 2023. Dans les prévisions précédentes, les augmentations ne devaient commencer qu’en 2024.
Ce changement a surpris la plupart des analystes. Jerome Powell, le président de la Fed, a suggéré de prendre ce diagramme de points « avec un grain de sel ». Les marchés ne l’ont pas suivi.
Les attentes sont maintenant pour une annonce de taper (réduction des achats de la part de la Fed) en septembre, avec la première tranche commençant à la fin de cette année.
La prévision médiane du PIB US de la Fed a augmenté à 7% pour l’année. Le taux de chômage devrait tomber à 3,8%.
L’inflation de base devrait augmenter temporairement à 3,0% cette année, avant de revenir juste au-dessus de son niveau cible de 2,0% pour les deux prochaines années.
La Fed « baisse son pantalon »
Dans une volte-face plutôt dramatique, la Fed voit maintenant une économie « chaude »… à moins que ce ne soit une économie « en chaleur ».
La Fed a « baissé son pantalon », titre en gros le comité de rédaction du Financial Times :
« La Réserve fédérale change habilement de cap. L’économie américaine est en plein essor, les pressions inflationnistes s’intensifient et les marchés du travail se resserrent rapidement. Il était plus que temps que la banque centrale cligne des yeux. »
Pour ma part je ne vois pas le changement cap de la Fed : pour qu’il y ait un véritable changement de cap, il faudrait qu’une nouvelle analyse soit mise en place, popularisée.
Ce n’est pas le cas : on reste dans le même scénario mais avec des dosages différents, ajustés en fonction d’ailleurs non pas des réalités, que tout le monde ignore, mais en fonction des narratives, des récits – que ce soit ceux des marchés, des gourous, ceux des journaux ou ceux des faiseurs d’opinion.
Crêpe ou girouette ?
Tout ceci me renforce dans ma piètre opinion de Powell, qui est une crêpe ou une girouette façon Edgar Faure. Souvenez-vous, quand après avoir dit il y a quelques années que la réduction des soutiens monétaires était en auto-pilote, Powell était allé à Canossa : quelques semaines plus tard il avait mis un genou à terre et desserré sa politique.
Notez son changement de ton actuellement :
« Si vous regardez le marché du travail et que vous regardez la demande de travailleurs et le niveau de création d’emplois et que vous réfléchissez à l’avenir, je pense qu’il est clair, et je suis convaincu, que nous sommes sur la voie d’un marché du travail très solide, d’un marché du travail qui montre un faible taux de chômage, une forte participation, une augmentation des salaires pour les personnes à travers le spectre. Et si vous examinez la période actuelle et réfléchissez à un ou deux ans, nous allons voir un marché du travail très, très fort.«
Il continue encore :
« Je pense que nous devons être humbles quant à notre capacité à comprendre les données. Ce n’est pas le moment d’essayer de tirer des conclusions fermes sur le marché du travail, sur l’inflation, sur la voie de la politique.
[…] Le problème maintenant, c’est que la demande est très, très forte. Les revenus sont élevés. Les gens ont de l’argent sur leur – dans leurs comptes bancaires. La demande de marchandises est extrêmement élevée et n’a pas diminué. Nous assistons à la réouverture du secteur des services, et vous voyez donc que les prix remontent par rapport à leurs plus bas là-bas. »
Au fond de lui-même Powell sait qu’il ne sait rien, que l’avenir est totalement inconnu, plus qu’incertain.
Il sait qu’il n’y comprend rien et qu’il ne cesse de se tromper, mais au lieu d’en tirer la conclusion qu’il ferait mieux de s’abstenir de piloter sans carte et sans boussole, il prétend continuer, continuer à dériver, vers la grande chute qui engloutira et fracassera le radeau.
Powell comme ses collègues apprentis sorciers est condamné à toujours et sans relâche mener la dernière guerre, jusqu’à la catastrophe qui révèlera le pot aux roses : ils sont impuissants, ce sont des démiurges, des illusionnistes.
La Fed refuse de voir la réalité : elle fait plus de mal que de bien. Elle nuit !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]