Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Histoires tordues de stocks chinois
Le coup d’envoi date de début octobre : le très opaque Bureau des réserves d’Etat (BRE) de Chine, détenteur d’un stock de cuivre estimé à 1,15 million de tonnes (Mt), "pourrait avoir l’intention d’augmenter son stock au-delà de 2 Mt d’ici deux ans", écrivait alors la banque canadienne Scotia.
Rappelons que fin 2005, un courtier du BRE, Liu Qibing, avait fait perdre à son employeur de 200 millions à un milliard de dollars par des "positions directionnelles" baissières malheureuses sur 150 000 à 200 000 tonnes de cuivre. Depuis, Liu s’est évaporé — l’y aurait-on aidé ? –, et le BRE s’est fait des plus discrets. Serait-il de retour ?
La province chinoise du Yunnan jette un méga pavé dans la mare !
Si cette annonce n’a pas été confirmée, elle a été suivie de beaucoup d’autres. Jugez-en plutôt. Le 1er décembre, la province chinoise du Yunnan a fait sensation en annonçant la constitution d’un stock métallique allant jusqu’à un million de tonnes, selon l’agence (officielle) Xinhua.
Dans un premier temps, il compterait 2 000 tonnes de cuivre, 180 000 tonnes d’aluminium (0,5% de la production mondiale 2007, selon l’USGS), 236 000 tonnes de zinc (2,25%), 104 000 tonnes de plomb (3%) et 30 000 tonnes d’étain (diantre : 10% de la production mondiale de 2007, et deux fois celle de la Chine !).
Stocks stratégiques ou subventions ?
Mais gare aux détails, dans lequel le diable aime paraît-il à se nicher. D’abord, ce stock, dont la durée de vie serait limitée à 2009, sera constitué auprès de fondeurs et d’affineurs de métaux chinois, qui en conserveront tout ou partie chez eux. Ce qui est moins sûr, c’est sa nature : minerai et/ou demi-produits ? Et quid du financement ?
Selon les informations les plus précises (notamment de Bloomberg, du 30 décembre 2008, sous la plume de Li Xiaowei), il ne s’agirait pas d’un stock public. En fait, le Yunnan intercéderait auprès des banques pour qu’elles accordent aux industriels des prêts gagés sur leur stock de produits métalliques, que l’on peut supposer conséquents. Ensuite, la province bonifierait les taux d’intérêt en question. Il s’agirait donc de subventions aux métallurgistes afin de leur permettre de dégager du cash.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.