Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Prenez garde aux sirènes ultra-baissières
Le cash cost des mines cuprifères dépend étroitement des "co-produits", c’est-à-dire des autres métaux que les gisements permettent de récupérer : l’or, le zinc, et surtout le molybdène si prisé des sidérurgistes.
Si les cours du molybdène, "moly" pour les intimes, s’étaient envolés jusqu’à plus de 30 $/livre ($/lb : soit quelque 66 000 $/t) en septembre, ils sont brutalement retombés vers 10 $/lb depuis le début du mois d’octobre. L’un des grands mineurs de ce petit métal, le Chilien Molymet, a fait savoir le 21 novembre que la demande de "moly" risque de baisser de 20% en 2009 et qu’il n’attend guère d’amélioration des prix.
Ces co-produits pourraient devenir stratégiques
Et cela change tout : en excluant les co-produits, Southern Copper indiquait fin octobre que son cash cost cuprifère serait de 4 475 $/t. Soit 11 fois plus qu’avec le "moly" et autres co-produits. Certes, c’est un cas extrême, mais l’ordre de grandeur est cependant éclairant.
Bref, la baisse du pétrole entraînera certainement celle du cash cost, mais elle sera modérée par le décrochage des co-produits. Au final, le point bas du cuivre n’est vraisemblablement plus très loin.
Des prévisions venues du Chili, plus gros producteur de cuivre
Terminons avec les prévisions publiées très récemment par des pointures du secteur. Tout d’abord, la Cochilco, acronyme de la Commission chilienne du cuivre : c’est un organisme d’Etat, comme la Codelco, puisque le cuivre est un métal sensible pour le Chili, dont le sous-sol renferme près de 40% des réserves mondiales (données USGS).
La Cochilco a revu ses prévisions le 24 novembre. L’année prochaine, l’offre mondiale de cuivre devrait augmenter de 6,6%, alors que la demande ne prendrait que 3,4%. "Nous nous attendons clairement à un surplus en 2009", indique l’organisme d’Etat — qui a ramené ses prévisions de cours moyen pour 2009 de 7 500 à 3 500 $/t.
Les trois scénarios de la CESCO
Son de cloche similaire du côté du CESCO, un think tank dédié au cuivre basé à Santiago du Chili. Son directeur général, Juan Carlos Guajardo, a déclaré le 2 décembre : "ce qui se passe, c’est que les prix sont toujours déterminés par la panique ambiante. (…) Je ne pense pas que nous parlions ici des fondamentaux".
Autre élément : les variations de change. Alors que les autres devises mondiales se renforçaient contre le dollar jusqu’en milieu d’année, la tendance s’est depuis retournée. Or "le prix du cuivre dépend à 93% des variations dollar/euro", affirme J.C. Guajardo, le premier ayant repris 18% contre le second ces six derniers mois.
En 2009, le scénario central du CESCO table sur une tonne de cuivre qui cote de 3 500 $ à 4 500 $. Il est assorti de deux scénarios alternatifs :
– en cas de dépression prolongée aux Etats-Unis, ce serait plutôt 2 500 $/t ;
– en cas de reprise rapide, les financiers pourraient délaisser les T-Bonds pour revenir aux matières premières, et le cuivre retrouverait ses prix du premier semestre. "Ce n’est pas le plus probable, mais reste néanmoins possible", indique Juan Carlos Guajardo.
Faites vos jeux !
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.