** Investir dans les forêts, c’est comme le cassoulet : c’est meilleur quand ça a mijoté longtemps. Le temps est aussi l’ami de l’investisseur dans les forêts
– Les forêts, en plus de leur attractivité de longue date (provenant d’un long historique de rendements positifs), tombent également à point nommé en ce moment. C’est un investissement à l’épreuve des crises, parce que la croissance des arbres n’évolue pas au rythme des cycles économiques. Inutile de moissonner quand la demande est faible. On laisse les arbres pousser ; leur valeur augmentera de toute façon. Des arbres plus grands = plus de profits.
– La forêt en tant qu’investissement opportun et utile en cas de crise peut sembler une idée bizarre, étant donné ses liens avec le marché immobilier. En fait, la demande de bois en tant que matériau de construction est faible en ce moment aux Etats-Unis.
– Le marché immobilier US atteint des planchers qu’il n’avait plus vus depuis bien longtemps, et la fin de l’effondrement de la bulle du logement semble encore loin. A la fin juin, les invendus aux Etats-Unis se montaient à 4,9 millions de maisons, soit environ 12 mois d’offre — on n’avait pas vu pareille accumulation depuis 1981. Les mises en chantier frôlent un plus bas de 17 ans. Et plus étonnant encore, même si les prix de l’immobilier ont déjà beaucoup chuté, il leur reste probablement pas mal de chemin à faire, si l’on se base sur au moins un bon indicateur historique : le prix par rapport au revenu.
– Le prix d’une maison individuelle US représente 3,4 fois le revenu médian, un chiffre historiquement haut — même après que les prix de l’immobilier sont redescendus de leurs sommets. La moyenne de long terme est proche des 2,9 fois, ce qui signifie que les prix de l’immobilier doivent chuter de 17% simplement pour retrouver leur ligne de tendance. Et l’on part là du principe que les revenus resteront les mêmes. Etant donné l’environnement récessionniste, ce principe n’est peut-être plus exact. De plus, bien entendu, les marchés ne s’arrêtent généralement pas aux lignes de tendance. Ils les franchissent à la hausse ou à la baisse. Tout cela signifie que les mauvaises nouvelles ne sont pas terminées pour l’immobilier US.
** Pourtant, en dépit d’un marché immobilier faible et d’une absence totale de signes de renversement imminent, les valeurs forestières ont continué à grimper. Pourquoi ?
– Il y a trois raisons à cela, qui font toutes de la forêt un bon investissement aujourd’hui. Il y a la rareté, la demande mondiale et l’intérêt des institutionnels. Examinons-les une par une, à commencer par la rareté croissante d’espèces de bonne qualité. L’infestation de dendroctone du pin a eu un effet bien réel sur l’offre. L’Amérique du Nord perdra environ 20% de son bois d’épinette, de pin et de sapin au cours des cinq à huit prochaines années. En outre, une bonne partie des forêts boréales du Canada ne sont pas compétitives, à cause des coûts élevés et des taxes canadiennes — et cette situation perdurera, à moins que les prix du bois n’augmentent sensiblement. Bon nombre d’entreprises ont déjà fermé. Le gouvernement US continue de son côté à isoler de grandes zones forestières afin de les conserver — environ 1,4 millions d’acres par an. Additionnez ces trois facteurs, et vous avez de bonnes raisons de voir l’offre rester serrée.
– L’autre problème principal, en dehors de l’Amérique du Nord, est la réduction de la production russe. Traditionnellement, la Russie était un fournisseur de bois bon marché, mais les taxes sur les exportations de bûches ont augmenté à tel point que cela a éliminé une bonne partie de son bois du marché. A mesure que l’offre russe diminuait, les prix ont grimpé en flèche sur les marchés dont la Russie était le principal fournisseur.
– Dans les états baltes, par exemple, les prix du bois ont récemment atteint des sommets de 18 ans. Les prix des conifères étaient 57% plus élevés qu’un an auparavant.
– La demande mondiale devrait quant à elle augmenter. La Chine est un géant en la matière. C’est le plus grand importateur de bûches au monde. Son appétit a été multiplié par 16 rien qu’au cours des 12 dernières années ! A mesure que les Chinois construisent plus de maisons, ils auront besoin de plus de bois.
– Parallèlement à la Chine, la demande d’éco-carburants a un impact sur les forêts. L’utilisation de boulettes de bois et d’éthanol cellulosique pour le carburant, par exemple, fournit une source de demande croissante pour les produits dérivés du bois. Le bois est un produit écologique, qui pourrait prendre de l’importance à mesure que nous réduisons les émissions de carbone.
– Enfin, l’intérêt institutionnel pour les forêts augmente. Une bonne quantité d’argent stocké dans les coffres institutionnels — comme ceux des fonds de pension, par exemple — est vouée à être investie dans les forêts. Selon certaines estimations, 10 milliards de dollars au moins pourraient être alloués à des investissements dans les forêts. Les avantages habituels du bois — des rendements constants, supérieurs à l’inflation — ont attiré l’attention des pachydermes de la finance. Cela fournit une base pour la demande de bois.
– Ces trois facteurs maintiennent la vigueur des prix du bois alors même que les marchés immobiliers faiblissent.
– Il y a un dernier point intéressant. Le bois n’a pas encore vraiment rejoint le cycle des matières premières. Ses cours sont à la traîne par rapport à de nombreuses autres commodities. Il est même en retard par rapport aux matériaux de construction qui lui font concurrence. L’écart entre les prix du bois et ceux du béton et de l’acier, par exemple, est actuellement le plus large de ces 20 dernières années. Si bien que le bois — une ressource de plus en plus rare — devrait se joindre tôt ou tard à la fête.