Par Frédéric Laurent (*)
A défaut d’être véritablement repartis dans une bulle d’optimisme et d’euphorie injustifiée, nous nous rendons pourtant bien compte au quotidien que les indicateurs que l’on nous donne ne rendent pas vraiment compte de la réalité économique.
Tenez, par exemple : pas plus tard que dimanche dernier, j’arrivai fort tard à la gare de Paris-Montparnasse. Aussitôt dans un taxi, le chauffeur engage la conversation : "y’a personne cette année, c’est sûr… les touristes ne sont pas là. Regardez, d’habitude, à cette heure-ci, la Tour Eiffel est blindée de monde. Les touristes font la queue pour avoir un taxi. Là, j’en viens, et c’est désert. A peine quelques Japonais et Américains qui traînent… C’est sûr, c’est la crise, va falloir faire avec mais bon"…
Pour combler 85% en deux ans… il faut 700% de hausse !
Bien. Oui, c’est la crise, vous le savez. Ce que je veux dire, c’est que depuis quelque temps, les signaux positifs qui nous sont envoyés sont un leurre ; je me demande même si l’on n’assiste pas à une désinformation en bonne et due forme. Vous lisez les journaux et vous voyez partout en première page que le marché automobile se reprend. Eh bien non. Il s’agit uniquement d’un répit dont nos constructeurs profitent grâce à la prime à la casse. Tant mieux.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, c’est temporaire, et loin d’être brillant. Les marges sont faibles et il ne faudrait pas oublier que les constructeurs ont commencé l’année dernière par procéder à des réductions de coûts. Alors effectivement, il y a une augmentation de 3% des ventes de voitures neuves sur un an… mais qu’en est-il du marché de l’occasion ? On en parle moins, et pour cause : il s’est effondré. Toute cette reprise est artificielle et due aux subventions.
Un autre élément nous met la puce à l’oreille : cette semaine encore, le PDG de Peugeot déclarait — non sans effet de manche — que les sous-traitants du secteur automobile étaient au bord du gouffre. Mais ça, les médias et le gouvernement n’en parlent pas.
Autre élément à prendre en compte : le secteur était descendu tellement bas depuis juin 2007 qu’une légère reprise est évidente. En deux ans, la chute a été de 85%. Je vous rappelle que pour revenir aux niveaux d’antan… il faudrait une hausse de 700% ! Certes, depuis le rebond boursier de mars dernier, nous avons déjà fait 100% de hausse… Mais tout comme pour le marché en général, cela ne signifie pas que le marché de l’automobile repartira fondamentalement à la hausse !
Regardez : General Motors a annoncé qu’il allait commencer à vendre ses voitures neuves sur eBay, le site de vente aux enchères. Le secteur se cherche, et doit d’abord trouver un nouveau business model ; il doit trouver une nouvelle manière de produire, mais aussi une nouvelle manière de vendre et de séduire les consommateurs. Encore faut-il que ces derniers se laissent séduire… Mais pour l’heure, le secteur souffle un peu… soulagé par les aides en tout genre.
Quel secteur tirera son épingle du jeu dans le contexte actuel ?
Alors vers qui se tourner ? Bien qu’elles aient relevé la tête ce premier semestre, les financières ont encore beaucoup d’incertitudes face à leur devenir. Beaucoup n’ont pas encore déclaré tous leurs actifs toxiques et bien des dépréciations d’actifs seront à l’ordre du jour dans les prochains semestriels. Une chose me paraît certaine : le risque y est beaucoup plus important que le potentiel de hausse. Donc à éviter.
L’industrie des biens et des services, mais également de construction de base ont certainement vécu leur période la plus noire des dernières décennies ; tout comme les matériaux de base ont vu leur capitalisation fondre l’année précédente. Il me semble pourtant trop tôt pour revenir sur ces sociétés. Ce n’est pas pour tout de suite, et j’aurai donc le temps de vous en reparler.
Même les valeurs du luxe sont concernées puisqu’un ordre nouveau, moins ostentatoire, est en train de se mettre en place. Fini le bling-bling : le luxe se fait plus discret et je pense que stratégiquement, il ne cherchera plus à se démocratiser, mais plutôt à se recentrer sur la plus riche partie de la population.
Je reste également confiant dans le secteur de l’énergie, qui est incontournable.
Dans cette pénurie économique un secteur me semble trouver de solides bases pour s’assurer sa croissance. Pourtant, cela fait 10 ans maintenant que ce secteur a émergé, mais à une vitesse et d’une manière telle qu’il fait désormais, à mon sens partie, des ressources de base de nos sociétés… au même titre que l’énergie, que nos véhicules, et notre consommation primaire. Vous l’avez compris, je veux bien sûr parler d’internet.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Frédéric Laurent
Pour la Chronique Agora
(*) Diplômé d’un DESS de Gestion Internationale de Fortune, Frédéric Laurent exerce ses activités de conseil et de gestion depuis une vingtaine d’années. Il a choisi de se mettre efficacement au service de l’investisseur particulier – bien souvent mal conseillé par les institutionnels. C’est dans ce but qu’il a rejoint les Publications Agora en intervenant régulièrement dans la rubrique Patrimoine de Vos Finances – La Lettre du Patrimoine.