Les autorités prétendent diriger les cycles économiques – mais aussi les perceptions et les réactions des intervenants à ces mêmes cycles. Sauf qu’elles ne comprennent rien aux phénomènes qu’elles sont censées orchestrer…
La grande affaire, c’est l’inflation, celle des prix des biens et des services et celle des salaires.
L’inflation primaire, celle de la masse de monnaie, n’intéresse personne, et l’inflation des prix des actifs financiers et patrimoniaux est considérée comme normale, comme allant de soi.
C’est cela, l’idéologie dominante, la sélection de ce qui est intéressant ou pas – et la dissimulation du reste, du résidu.
Comme beaucoup de choses, l’inflation est le refuge de l’ignorance des soi-disant savants, économistes, experts, autorités monétaires et gouvernements.
Ils ne vous le disent pas, mais l’inflation, ils ne savent pas ce que c’est, comment cela marche, comment cela se forme, comment cela s’emballe ou comment cela se fait désirer.
Pourquoi ?
Parce que ce concept est lui-même conçu pour être obscur et constituer un voile.
La vraie inflation, c’est celle des signes monétaires, c’est la création de monnaie en dehors de toute proportion raisonnable… et cela il ne faut pas en parler. Non, il faut parler de ses conséquences apparentes, à savoir la hausse des prix et de salaires.
Il y a aussi le fait que l’inflation de notre époque ne se manifeste pas dans les prix des biens et services mais dans le prix des actifs financiers et patrimoniaux : la monnaie est donnée aux ultra-riches. Ils ne la consomment pas, ils achètent des « actifs » – ou plutôt des droits de propriété, des contrevaleurs. Ce sont donc les prix des actifs qui subissent/bénéficient de l’inflation.
Pas de théorie cohérente
L’économie traditionnelle n’a pas de théorie cohérente de l’inflation.
Charles Goodhart, professeur à la Bourse de Londres et ancien membre du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre, a fait remarquer :
« Le monde à l’heure actuelle est vraiment dans un état assez extraordinaire parce que nous n’avons pas de théorie générale de l’inflation. »
Les deux principales théories proposées – la théorie monétariste selon laquelle la masse monétaire entraîne l’inflation, et la théorie keynésienne selon laquelle l’inflation est causée par des marchés du travail tendus faisant grimper les coûts salariaux – ont été démystifiées par les preuves et les constats historiques.
Le dernier avatar de la théorie keynésienne de l’inflation est tombé ces dernières années avec la prise de conscience du fait que la loi de Phillips ne servait à rien. Il faut dire que c’est une loi idiote qui exprime une tautologie à savoir que si le facteur le travail est demandé son prix monte !
Note : mise en évidence en 1958, la courbe de Phillips est une courbe illustrant une relation empirique négative (c’est-à-dire décroissante) entre le taux de chômage et l’inflation ou taux de croissance des salaires nominaux.
Ainsi, le courant dominant s’est replié sur une théorie de l’inflation basée sur les « anticipations ». Les grands prêtres interprètent les signaux de fumée que constitueraient les anticipations, c’est-à-dire… les croyances.
Comme le remarque Goodhart, ceci est « une théorie de pure tautologie ». Elle dit que tant que les anticipations d’inflation restent ancrées, l’inflation elle-même restera ancrée. Mais les anticipations dépendent de la situation actuelle de l’inflation et n’offrent donc aucun pouvoir prédictif.
Il n’y a plus de valeur
Un article de Jeremy Rudd à la Réserve fédérale conclut :
« Les économistes et les décideurs économiques pensent que les anticipations d’inflation future des ménages et des entreprises sont un déterminant clé de l’inflation réelle.
Un examen de la littérature théorique et empirique pertinente suggère que cette croyance repose sur des bases extrêmement fragiles, et il est avancé qu’y adhérer sans critique pourrait facilement conduire à de graves erreurs politiques. »
Les économistes dominants ne peuvent plus comprendre l’inflation parce qu’ils nient la notion de valeur en soi ou valeur objective des choses.
Pour eux la valeur objective n’existe pas : elle n’est que dans la tête des gens. Donc il n’y a pas de référent, il n’y a que des prix, c’est-à-dire des expressions en monnaie qui dépendent à la fois de l’attrait des biens et de l’attitude relative que l’on a vis-à-vis de cette monnaie.
Faute de référence objective à la notion de valeur, tout est suspendu dans les airs, sans valeur fondamentale. C’est le caprice, la frivolité, l’incertitude, la fragilité.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
On peut croire que toutes ces braves élites ne maîtrisent pas l’alpha et l’oméga de l’inflation.
Ils ont néanmoins parfaitement compris, et c’est leur ligne de conduite, que c’est le con-tribuable, le pauvre pékin moyen, le sans dent, qui sera toujours le dindon de la farce