La France encaisse une nouvelle dégradation de sa note souveraine par Standard & Poor’s, rétrogradée à A+ dans un contexte politique déjà vacillant.
Standard & Poor’s a annoncé ce vendredi 17 octobre qu’elle dégradait la note souveraine de la France de AA- à A+ (avec perspective stable). Le coup de semonce est survenu avec six semaines d’avance sur la date prévue, et une semaine avant que Moody’s ne se prononce (et s’aligne sur ses pairs).
L’empressement de S&P étonne. En effet, l’agence dégaine la sanction avant même la présentation, en début de semaine, du projet de budget 2026, citant « l’incertitude sur les finances publiques françaises, qui demeure élevée ».
Franchement, le zénith de l’incertitude n’avait-il pas été atteint avec la démission de Bayrou, puis celle de Lecornu (qui échappe à la censure à 18 voix près) ?
Dégrader la note de la France le lundi 13 aurait pu constituer un avertissement adressé à l’Elysée ; le faire suite à une « suspension » de la réforme des retraites lui rend, au contraire, plutôt service. Le timing de l’annonce sera jugé concomitant aux concessions accordées au PS par le gouvernement Lecornu.
Le nouveau ministre de l’Economie, Roland Lescure, saisit d’ailleurs la balle au bond et lançait dès samedi sur France Info un « appel à la lucidité, à la responsabilité », mais surtout présente la décision de S&P comme un « appel au sérieux »… sans mentionner expressément le report de la réforme des retraites.
Il ajoute à juste titre que « c’est la troisième dégradation en un an » et se lance dans les métaphores météorologiques : « On ne peut pas ignorer ce nuage. Au fond, c’est un nuage qui s’ajoute à un bulletin météo déjà assez gris. »
Il n’a pas osé aller jusqu’à évoquer un ouragan qui pointe à l’horizon, ni le fameux « winter is coming »… mais d’ici deux mois, ce sera d’actualité.
Notre troisième ministre de l’Economie en un mois a promis aux agences de notation de tenir l’objectif de déficit de 5,4 % du PIB pour 2025, et elles ont feint de le croire pour ne pas en rajouter à l’humiliation de vendredi soir. En revanche, S&P ne valide pas l’objectif de 4,7 % prévu l’an prochain et s’attend plutôt à un peu glorieux 5,3 %.
Du coup, si les agences ne croient pas une seconde à une réduction des déficits de -0,7 % l’an prochain – malgré la boucherie fiscale induite par le budget 2026, celui qui ne « passait » pas avec Barnier ou Bayrou – qu’ont pourtant approuvé 90 % des élus PS et une large majorité d’élus LR, dont leur leader Laurent Wauquiez, à quoi bon marteler que « le budget doit être voté » pour « rassurer les agences » ?
Elles ne sont manifestement pas rassurées… du tout.
Et pour finir, nous n’échappons évidemment pas à l’incontournable élément de langage du rappel « à la responsabilité ». Roland Lescure conclut par : « Je dis aux parlementaires : soyons responsables. Avec Amélie de Montchalin, on sera garants du respect du cadre et de la stabilisation de la dette publique pour qu’elle soit en dessous de 3 % en 2029. On doit accélérer le mouvement en 2026. »
Avec le report de la réforme des retraites, quelques milliards de déficit en plus sont à prévoir, tandis que la saignée infligée au pouvoir d’achat des Français rend les hypothèses de croissance plus qu’incertaines, pour ne pas dire illusoires.
Sans croissance – et c’est ce qui se profile pour la fin de l’année 2025 –, l’équation budgétaire deviendra insoluble, et le gouvernement brandira la menace de nouvelles dégradations début 2026 pour réclamer plus d’austérité et le renoncement à différer l’allongement des carrières imposé à coups de 49.3 par Elisabeth Borne.
Au fait, saviez-vous qu’elle n’est plus totalement opposée aux exigences du PS ? Qu’elle prône maintenant de la « souplesse » (elle qui n’en tolérait aucune) sur la mise en application… pourvu qu’elle conserve son siège de députée, maintenant qu’elle n’est plus ministre ?
Elle prétend avoir quitté l’exécutif « faute de connaître sa ligne politique », mais, en panne de légitimité à l’Education nationale et désavouée par le PS, son départ du gouvernement fut certainement une des conditions posées par Olivier Faure (patron du PS) pour soutenir l’hôte de Matignon.
Un soutien synonyme de mise en œuvre de ce qui lui paraissait inacceptable une semaine plus tôt, ainsi qu’aux traîtres du groupe LR, qui vient de signer sa désintégration en tant que parti politique et verra s’effondrer ses effectifs, tout comme le PS, en cas de dissolution — ce qu’ils ont évidemment voulu éviter à tout prix — en invoquant une revanche prise sur l’ex-Première ministre, championne toutes catégories des 49.3 depuis le début du XXIᵉ siècle.
L’escroquerie intellectuelle ne va pas tarder à éclater au grand jour, puisque la suspension de la réforme des retraites était déjà menacée — comme je l’avais rappelé dans une vidéo « coup de gueule » dès mardi dernier — par un veto du Sénat (majoritairement à droite), puis du Conseil constitutionnel, qui soulignera l’impossibilité de dissocier l’adoption du budget du volet « sécurité sociale ». Celui-ci voit ses équilibres financiers remis en cause avec la suspension de la réforme et rendra un avis défavorable sur le PLFSS 2026.
Mais, au cas où le Conseil constitutionnel trouverait une argutie juridique bien tordue – comme pour l’autorisation de l’apartheid sanitaire de 2021, au motif que la « situation exceptionnelle » pouvait justifier une mise entre parenthèses provisoire de notre Constitution – Bruxelles veille au grain et avertit que « la réforme des retraites doit être appliquée », au risque d’engendrer des conséquences financières pour la France.
Alors bien sûr, il y a débat sur le fait que Bruxelles puisse ou non nous sanctionner pour ce motif des retraites… mais ce qui est certain, c’est que beaucoup de partisans des retraites par capitalisation – solution qui intéresse au plus haut point BlackRock et les géants de l’assurance-vie – se font entendre depuis une semaine.
A commencer par Jean-Marc Daniel, « l’expert » qui se revendique comme le plus libéral parmi tous les experts de BFM Business et qui porte un projet de « retraite par points », ce qui n’a rien d’exotique ni de monstrueux, puisque c’est le système adopté par la plupart des pays de l’UE et du monde anglo-saxon.
Eh oui, le mot capitalisation est lâché, et je connais son caractère de repoussoir idéologique et d’épouvantail à néo-marxistes, enchaînés au totem de « la répartition solidaire de la richesse », alors qu’une large part de cette richesse échappe en grande partie à ceux qui la génèrent, au profit de ceux qui la confisquent… et l’aiguillent vers des destinations off-shore dont elle ne reviendra jamais.
Mais si le débat sur la refonte du système des retraites doit être engagé, il n’y a aucune chance qu’une réforme pertinente voie le jour si elle est engagée par ceux qui nous ont conduits à la situation de faillite actuelle et qui continuent de feindre de ne pas voir l’éléphant dans le corridor : le déficit abyssal du régime des fonctionnaires.
Or, ces derniers constituent une fraction importante, sinon le cœur, de la clientèle électorale des formations qui soutiennent Macron.