L’idée d’une Europe unifiée refait surface, mais dans un contexte de crise et de division. Mario Draghi, ancien président de la BCE, plaide pour un fédéralisme renforcé – une vision qui semble plus chimérique que jamais.
L’idée d’une Europe puissante existe depuis plus d’un demi-siècle et elle demeure chimérique depuis autant d’années. Pourtant, certaines voix continuent de réclamer une intégration européenne plus poussée.
Dans une récente déclaration, l’ancien Premier ministre italien et ex-président de la BCE, Mario Draghi, désormais hors de la scène politique, a réitéré son désir de voir l’Europe se constituer en « Etat ». La rentrée, comme à l’accoutumée, est l’occasion de remettre au goût du jour de vieux projets…
Mais à quoi pourrait ressembler un tel projet ? Qui en déciderait ? Les représentants de Bruxelles ? Les 27 dirigeants européens ? Ou bien les citoyens, par référendum ?
En 2005, en France et aux Pays-Bas, l’exécutif proposa la mise en place d’une Constitution européenne commune, mais la réponse fut unanimement négative. Pourtant, deux ans plus tard, le traité de Lisbonne était signé. Cette nouvelle proposition semble, encore une fois, prendre la forme d’un coup de force antidémocratique, d’autant plus qu’elle est présentée par un ancien technocrate non élu.
Les propos de Mario Draghi, prononcés devant le Parlement européen il y a quelques jours, étaient clairs : « L’Union européenne doit réformer radicalement son mode de fonctionnement afin de pouvoir se comporter comme un Etat à part entière face aux immenses défis qui l’attendent. »
Les faiblesses européennes sont évidentes pour tous : désindustrialisation, perte de compétitivité, croissance faible, fracture démocratique, divisions politiques, etc. Mais est-ce réellement en renforçant un cadre qui fonctionne déjà mal que l’on répondra à ces défis ? C’est pourtant ce que des personnalités comme Draghi suggèrent… au risque d’un naufrage collectif.
Pour comprendre ce concept d’Etat unique, il faut d’abord distinguer « deux Europe ».
La première – l’Europe culturelle qui se définit par son histoire, sa géographie, ses valeurs communes celles qu’Ernest Renan a tracées. Si elle avait perduré, cette Europe serait devenue une puissante alliance de nations aux intérêts communs, malgré des divergences multiples. Mais l’Europe d’aujourd’hui n’est plus celle-là. Elle a évolué sous l’idée que « le nationalisme, c’est la guerre », comme le disait Mitterrand, et qu’il fallait donc tout faire pour parvenir à un projet fédéral.
Or, c’est tout le contraire qui se passe aujourd’hui : l’Europe n’a jamais été aussi fédérale, mais la guerre est à ses portes, en Ukraine. Quelle illusion que cette promesse de « l’Europe de la paix » !
L’échec, partagé par tous les pays européens, est d’avoir accepté les règles (ou plutôt l’absence de règles) du marché. Cette soumission a donné naissance à la seconde Europe – l’Europe financière, politique et juridique, l’Union européenne telle que nous la connaissons, qui ne cesse de montrer ses failles.
Cette Europe n’est pas autonome : elle est sans vision, intégrée dans un système extérieur, celui de la mondialisation financière. Depuis 1945, puis les années 1980, l’économie mondiale est dictée par le marché, la libéralisation à outrance, l’ouverture à la concurrence et la quête du profit sans fin. L’Europe s’est développée sur cette voie, avec ses premiers traités économiques et politiques, puis avec le sacro-saint Traité de Maastricht et les diverses constitutions qui ont suivi.
Elle n’est que la conséquence de cette idéologie hégémonique et prédatrice, lancée au siècle dernier par les Etats-Unis (et bien avant, si l’on étudie l’histoire longue) et qui s’est ensuite étendue dans le reste du monde. Le « fédéralisme européen » s’est imposé de lui-même : l’intégration des pays européens dans la mondialisation n’a fait que pousser l’Europe à étendre ses frontières, jusqu’à 27 pays aujourd’hui. Les enjeux sont désormais européens, et non plus seulement nationaux.
De même, les richesses se sont concentrées et le pouvoir a migré du secteur public vers le secteur privé, jusqu’à faire des plus grandes entreprises, en particulier les banques, des entités « trop grosses pour faire faillite ». La voix du peuple et sa souveraineté, incarnées par l’Etat, se sont affaiblies et soumises à la volonté des grandes entreprises, dont les dirigeants naviguent d’un côté comme de l’autre pour maintenir le statu quo, comme l’illustre Mario Draghi, ancien banquier et ex-fonctionnaire d’Etat.
C’est précisément à cette Europe que fait référence Mario Draghi lorsqu’il parle de l’idée d’un « Etat européen ». C’est aussi pourquoi il propose des mesures exclusivement européennes : augmentation du budget fédéral, amélioration du marché unique, emprunts communs… Tout devient plus européen, car l’Europe est soumise à ce système hégémonique, où les nations sont vues comme des obstacles à éliminer au profit d’un grand projet unifié – peu importe les conséquences.
Mais ces « deux Europe » sont opposées. L’une évolue dans la diversité, l’autre dans la concentration. A quoi ressembleraient les pays européens s’ils partageaient les mêmes règles, symboles, politiques, citoyenneté, où il ne serait plus question de populations françaises, allemandes, italiennes, grecques, polonaises… mais simplement européennes ? Quelle langue serait parlée dans cet Etat unique ? Le seul choix possible serait l’anglais, du fait de sa portée internationale, alors même que le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union européenne. Les incohérences de cette vision sont multiples.
Si l’idée d’un Etat européen revient aujourd’hui, c’est aussi parce que l’Europe actuelle, telle que nous l’évoquions, est en état de mort imminente. Elle fait partie intégrante de la mondialisation, et suit son évolution : la crise des subprimes en 2008 a entraîné la crise des dettes souveraines au début des années 2010 en Europe. Les deux ont été retardées de la même manière : par un endettement massif qui n’a cessé de croître, repoussant ainsi les conséquences à plus tard.
De plus, dans sa déclaration récente, Mario Draghi a précisé que « la réponse à la nouvelle situation autour de l’UE doit être rapide […] et se concentrer sur les secteurs qui stimuleront la croissance future ». Evidemment, avec des dettes en constante augmentation, une croissance atone ne peut que mener à un désastre financier. Pour que l’Europe survive, il est nécessaire de trouver de nouveaux relais de croissance.
La réponse la plus évidente serait donc d’investir dans des secteurs à forte croissance, comme la défense, l’intelligence artificielle, etc., afin de générer de nouveaux revenus. Mais cela ne résoudra pas le problème fondamental, car ces investissements seraient financés par la dette (et peut-être même par des emprunts communs).
Pour continuer d’exister, l’Europe ne doit pas se tourner vers plus de fédéralisme et se dissoudre dans un seul Etat. Au contraire, elle doit prendre la voie inverse et incarner un continent où chaque nation conserve sa souveraineté, dans une coopération parfaitement libre, sans déléguer le pouvoir à des autorités supranationales. Construite ainsi, l’Europe pourra rester ce qu’elle a longtemps été : une terre de cultures, de savoirs, où la raison, la philosophie et la religion s’entrelacent, un espace d’avenir unique au monde.
3 commentaires
le rital mario draghi est un banquier americain donc un traitre alors qu il se taise
Bravo! Cessons de prétendre Centraliser au nom de l’Europe, de l’Occident, de la Démocratie, du Monde, de l’Homme… sinon nous allons à la catastrophe du » Meilleur des Mondes ». Laissons parler et vivre les différences et les oppositions ethniques et culturelles. Mais à une condition : qu’elle s’enracinent dans un territoire et un passé commun. Pas en mélangeant tout et n’importe qui au nom du Profit et du Mondialisme. L’ultranationalisme a généré, en Occident, deux catastrophes. Son contraire le Mondialisme conduit manifestement à une autre épouvante. La France en est une illustration évidente;
Une Europe des Nations, certainement, mais les valeurs de croissance comme la Défense et l’IA, rien n’est moins sûr. Les armes ne sont pas de la richesse et l’IA , c’est comme le réchauffement climatique et la transition énergétique : mensonges et gabegie, bref, entourloupes ruineuses.
Notre malheur vient beaucoup de notre asservissement à Washington et de la transformation de la démocratie en dictature totalitariste, sous l’emprise de Bruxelles. L’UE est un monstre ruineux qu’il faut abattre, elle nous a conduit à la guerre en Ukraine : guerre de l’Otan contre la Russie par Ukraine interposée. Voir mon livre : « La guerre en Ukraine – Un dôme de mensonges au-dessus d’un gouffre d’horreurs » Chez les 3 Colonnes à Paris, Amazone, FNAC.com, etc. et tous les libraires.