▪ "Comment pouvez-vous continuer à parler de dépression", nous demande un lecteur, "alors que l’économie se remet ? Oui, d’accord, vous avez raison. L’économie devrait être en dépression. Mais ce n’est pas le cas. Passez à autre chose".
Ah ha ! Nous pensions bien que vous étiez de cet avis, hommes de peu de foi…
C’est vrai qu’il y a des signes de "stabilisation", notamment aux Etats-Unis. Le taux de chômage ne se détériore pas aussi rapidement qu’il y a quelques mois. Et les prix des maisons semblent avoir cessé de chuter — pour le moment. Dans certains endroits, ils semblent même grimper un peu.
C’est vrai également que l’économie a réussi à enregistrer une "croissance" positive au dernier trimestre… en majeure partie grâce aux dépenses gouvernementales et au phénomène de restockage.
Le problème, c’est que toutes ces choses sont cohérentes avec une dépression — en particulier une dépression contre laquelle les autorités luttent avec acharnement. Durant les années 30, on a assisté à plusieurs périodes de croissance… et il y a également eu quelques phases brillantes pour le marché boursier. Puis tout s’est effondré. A la fin des années 30, les Etats-Unis n’avaient pas un sou de plus qu’au début. En ce sens, les Etats-Unis sont déjà en dépression depuis 10 ans.
La dépression japonaise dure depuis 20 ans. Le pays a connu de bonnes années et des années mauvaises également, depuis que les vaches maigres ont commencé en 1990. Il est intéressant de constater que la population japonaise chute… si bien qu’en termes per capita, la crise japonaise n’a pas été si épouvantable. Par personne, les Japonais se sont en fait enrichis au cours des 10 dernières années. Tout de même, selon un calcul, les Japonais ont perdu une quantité colossale de richesse — équivalant à trois fois leur PIB. C’est comme si les Américains perdaient 39 999 milliards de dollars sur leurs actions et leur immobilier. Nous appellerions ça une dépression, pas vous ?
▪ Il est vrai qu’à la Chronique Agora, nous utilisons le terme "dépression" un peu différemment de la plupart des économistes. La plupart d’entre eux pensent que la croissance du PIB représente une augmentation de la prospérité. Ils pensent qu’une dépression n’est qu’une récession s’accompagnant d’une croissance négative du PIB — durant plus longtemps, et plus profondément, que la normale.
Notre définition est plus difficile à appliquer, mais plus significative.
Une récession est une pause durant une période de croissance. Une dépression marque la fin de la période de croissance… donnant à l’économie une chance de s’adapter de manière à ce qu’une nouvelle période de croissance puisse commencer.
La seule croissance du PIB est une fraude. Le chiffre brut ne dit tout simplement rien qui vaille la peine d’être connu. Son contenu, en termes d’information, est en fait trompeur. Ce qui compte vraiment, c’est la vitesse à laquelle la richesse réelle croît par personne.
La croissance, ce n’est pas la même chose que la prospérité…
Un jour, promis, les économistes modernes seront catalogués comme inférieurs aux charlatans qui saignaient leurs patients jusqu’à la mort au XVIIIe siècle, et aux sorciers qui jetaient des vierges dans des volcans pour essayer de faire tomber la pluie.
Ces imposteurs pensent pouvoir réparer une récession et empêcher une dépression. Les simplets pensent que lorsque le secteur privé cesse de dépenser, le secteur public peut intervenir et remplacer la demande privée manquante. C’est là, en deux mots, la théorie de Keynes.
Deux mots, c’est la quantité appropriée. Parce qu’il y a un monde de différences entre les dépenses privées et les dépenses gouvernementales. Les dépenses privées sont volontaires ; les gens choisissent de dépenser leur argent pour des choses qu’ils veulent vraiment. Lorsque le gouvernement dépense, en revanche, il ne fait que diviser et gaspiller le butin qu’il a dérobé. Cela peut ressembler d’assez près à des dépenses privées. Mais ce n’est pas du tout la même chose. On peut distribuer des chèques aux gens ; ce n’est pas comme si les gens gagnaient de l’argent. On peut construire des ponts et des aéroports, aussi… mais ils n’ont de valeur que s’ils sont utilisés efficacement. Et on peut embaucher tous les fonctionnaires qu’on veut, ils n’augmentent pas forcément la somme de richesse ou de bonheur humain (il est plus probable qu’ils la réduisent !).
Il suffit de voir les sociétés qui ont mis tout le monde au travail. Il n’y avait pas de chômage au Cambodge, selon les Khmer rouges… ni en Union soviétique… la Corée du Nord est un autre bon exemple aujourd’hui. Tout le monde travaille. Mais mettre les gens au travail pour le gouvernement ne les rend pas riches… ça les rend pauvres.
Et pourtant, ces économistes modernes — allez, soyons fous, donnons des noms : Martin Wolf au Financial Times, Paul Krugman du New York Times, Bernanke, Summers et Geithner à Washington — pensent pouvoir contrôler et guérir une dépression. Ils pensent qu’il n’y a qu’à maintenir le PIB en expansion… et empêcher le chômage de grimper. Comment ? Il suffit de dépenser de l’argent !
Les calculateurs de PIB ne peuvent faire la différence entre une dépense bidon et une dépense réelle. Les petits génies du PIB ne savent pas faire la différence. Ils pensent qu’un dollar dépensé en vaut bien en autre…
… même si c’est un dollar qui n’existait pas ! (Ne commençons pas avec ça…)
Les économistes modernes ne se donnent même pas la peine d’y penser. Tout ce dont ils se soucient, c’est du taux de chômage… non de savoir si l’emploi est effectivement utile ou efficace. Faire grimper l’emploi ? Facile. Il suffit d’embaucher. Est-ce que ça améliore la situation des gens ? Bien sûr que non.