Un concept inédit, à bien assimiler pour mieux comprendre les difficultés dans lesquelles se trouvent les marchés… les banques centrales… et le système dans son intégralité.
Pour comprendre, enfin, le Système, voici un éditorial que je considère comme fondamental. Si vous assimilez ce que j’explique, vous aurez compris plus de choses en matière monétaire ou financière qu’un simplet comme Bruno Le Maire ne comprendra jamais.
Je pars d’un constat de Christophe Barraud, chef économiste et stratégiste chez Market Securities. Selon lui, la corrélation entre les actions et les obligations est au plus haut – la plus forte depuis 1999.
Contrairement à beaucoup de corrélations qui ressortent de la magie ou des perceptions, celle-ci est organique. Elle traduit ce qui se passe dans le réel, à savoir : si les actions et les obligations sont corrélées et vont dans la même direction, c’est parce qu’elles sont corrélées à quelque chose de tiers, la monnaie.
C’est le même mouvement, la même force qui les meut.
En 2007, le sous-jacent des actifs financiers était le prix de l’immobilier. Quand les prix de l’immobilier se sont effondrés, tout s’est effondré : tout leur était relié, tout leur était corrélé.
La croyance que les prix de l’immobilier ne pouvaient que monter était ce qui alimentait la liquidité du système – et cette liquidité enflait le prix des actifs.
Une définition de la liquidité
Souvenez-vous de cette définition de la liquidité fournie par l’économiste Donald Kohn, ex-vice-président du conseil des gouverneurs de la Fed :
« La liquidité, c’est quand on croit que l’on va pouvoir vendre plus cher. »
La croyance en la hausse perpétuelle des prix de l’immobilier assurait la « monnaie-itude » des dettes, du crédit – c’est-à-dire qu’elle garantissait que toujours on pourrait les vendre, trouver un acquéreur, les échanger contre de la monnaie.
La croyance en la monnaie-itude de ces actifs financiers – qui en fait n’étaient pas aussi bons que la monnaie – permettait d’en émettre plus et surtout de faire de la transformation. On pouvait transformer de l’argent court en investissement long puisque la liquidité était garantie.
Assimilez bien ceci : la monnaie-itude, c’est ce que l’on confère artificiellement aux investissements longs afin d’attirer les capitaux et les faire s’immobiliser au-delà de leur propre disponibilité temporelle.
On confère la monnaie-itude afin, en quelque sorte, de transformer des capitaux spéculatifs en capitaux d’investissement.
Avant, cette fonction était assurée par les banques mais maintenant, pour émettre plus, on l’a mise sur les marchés. Mais cela ne marche que si on garantit la monnaie-itude.
Ce n’est plus les banques qu’on vient sauver…
Exemple, les banques centrales achètent des dettes des gouvernements en continu (les QE) afin que ceux-ci puissent en émettre plus : les banques centrales assurent la monnaie-itude des actifs financiers souverains.
Je soutiens d’ailleurs que c’est la monnaie-itude des actifs financiers souverains qui est le sous-jacent actuel de tout le système financier mondial, mais c’est une autre histoire.
Vous commencez à comprendre qu’avant la dérégulation on sauvait les banques mais que maintenant, dans le nouveau système, c’est… le marché qu’il faut sauver – ce qu’on a d’ailleurs fait sans discontinuer depuis 2008 et qu’on a refait de façon spectaculaire encore en mars 2020. Et qu’on refera encore d’ici quelque temps…
La monnaie-itude est le concept de base – que j’ai dû forger – que jamais on n’étudie, et pour cause : il faut cacher que c’est le pilier du système qui a été mis en place par la dérégulation des années 80.
La dérégulation financière a consisté à mettre le crédit sur les marchés, c’est-à-dire à le rendre liquide ; le marché fait la transformation du long et court.
Le marché transforme ce qui n’est pas vraiment de la monnaie, les actifs financiers, en monnaie à la demande. Nous sommes dans l’alchimie, on transforme le plomb en or et l’eau des égouts en eau claire ; et on le fait périodiquement quand le système se stresse…
… Or il se stresse de plus en plus souvent.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]