Comme dans toute guerre, les dégâts collatéraux risquent d’être nombreux – et imprévus.
La guerre commerciale reste le grand sujet des marchés financiers.
Et les guerres ne sont jamais des affaires anodines. Les Nations ont tendance à s’emporter quand elles sentent que leur confort matériel… ou leur puissance militaire… sont en danger.
Le Japon a bombardé Pearl Harbor après que les Etats-Unis ont coupé son approvisionnement en pétrole. Napoléon a envahi la Russie parce qu’il estimait qu’elle sapait ses sanctions économiques contre l’Angleterre. Hitler a envoyé la 6e armée à Stalingrad, dans le but d’accéder au pétrole.
Les tarifs douaniers étaient la pierre angulaire de la stratégie économique de l’administration Trump. Ils représentent sans doute le plus grand défi infligé à l’économie mondiale depuis la panique du Covid.
Et pourtant, personne ne semble vraiment savoir ce qui se trame. Quel est l’objectif ? Quelle est l’idée ? Même le « pourquoi » reste flou. Quel est le problème que l’équipe de Trump tente de résoudre ?
Le Springfield News-Leader rapporte :
« Dans un message publié le 13 avril sur Truth Social, M. Trump a affirmé que les Etats-Unis devaient produire leurs biens sur leur propre sol, et ne pas se laisser ‘prendre en otage par d’autres pays, en particulier des Nations commerciales hostiles’ comme la Chine. Il a ajouté que Washington examinait les droits de douane sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement technologique.
‘Personne n’est à l’abri’, a-t-il poursuivi dans un autre message le même jour. ‘Ceux qui profitent d’un commerce injuste ou utilisent des barrières non tarifaires contre nous, en particulier la Chine, qui est de loin la plus abusive, ne doivent s’attendre à aucun traitement de faveur.’
Aucune exemption tarifaire n’a été annoncée vendredi. Les produits concernés sont déjà soumis à des droits existants de 20 % sur le Fentanyl. Ils sont simplement déplacés dans une autre ‘catégorie’ tarifaire. »
Le Fentanyl ? La désindustrialisation ? Le travail des enfants ? La manipulation monétaire ? Les catégories tarifaires ? Les déficits commerciaux ?
Les griefs à l’encontre du commerce international semblent infinis dans la vision du « commerce juste » de Trump – quoi qu’elle puisse signifier. Difficile de savoir à quoi on assiste ici : une comédie ? Une tragédie ? Une farce ?
« Une farce », répondent de nombreux commentateurs.
Lors d’une conférence de presse très suivie, le président a détaillé ses nouveaux droits de douane, différenciés par pays selon leur contribution aux besoins des ménages américains. Plus un pays exportait, plus il était puni. Pour enfoncer le clou, les droits n’étaient même pas calculés à hauteur de l’injustice alléguée : un déficit de 50 % avec l’Islande n’impliquait qu’un tarif de 25 %.
Puis, les marchés ont chuté. Le Grand Timonier a dû paniquer. Ce fut comme si Eisenhower avait reporté le débarquement en Normandie pour cause de quelques nuages au-dessus de la Manche. « La libération attendra ».
Mais au lieu d’accorder à la Chine les mêmes traitements qu’aux autres, le premier exportateur mondial s’est vu infliger des tarifs encore plus élevés. Certains y ont vu un acte de génie : isoler Pékin du reste du monde.
En réalité, cela revenait à désigner un détenu pour lui infliger une correction exemplaire : le geste a surtout fait prendre conscience aux autres de leur propre vulnérabilité. Résultat : ils ont commencé à se rapprocher, à faire front commun… en laissant les Etats-Unis sur la touche.
Le Daily Express écrit :
« L’Europe semble détourner son regard de l’ouest vers l’est. Ses dirigeants se tournent vers la Chine pour conclure de nouveaux accords commerciaux, plutôt que de s’aligner sur les Etats-Unis de Donald Trump – une dynamique accélérée par une récente décision économique majeure de Pékin, qualifiée d’’acte de guerre hybride’ visant à ‘punir Trump’.
Et selon Euronews, après le discours musclé de Trump sur les ‘tarifs réciproques’ – auquel Pékin a répondu par d’énormes hausses de droits de douane sur plusieurs produits –, le premier appel téléphonique d’Ursula von der Leyen a été adressé… à la Chine.
La Commission européenne, qui avait déjà mis en garde Trump sur les risques de ses mesures, a déclaré officiellement:
‘En réponse aux perturbations généralisées provoquées par les droits de douane américains, la présidente von der Leyen a rappelé la responsabilité conjointe de l’Europe et de la Chine – deux des plus grands marchés du monde – de soutenir un système commercial solide, réformé, libre et fondé sur des règles équitables.' »
Et le week-end dernier, après avoir promis qu’il n’y aurait « aucune exemption », l’équipe Trump a finalement annoncé des exemptions… pour certains produits électroniques. Coïncidence : leurs fabricants sont d’importants contributeurs républicains.
Mais à peine les acteurs du marché commençaient-ils à s’ajuster, un nouveau décret est tombé : le sursis ne serait que temporaire.
L’agence AP rapporte :
« Les exemptions annoncées vendredi pour des produits comme les smartphones ou les ordinateurs portables ne sont qu’un répit, le temps que l’administration Trump élabore une stratégie tarifaire spécifique pour le secteur des semi-conducteurs, a déclaré dimanche le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick. »
Mais toute cette improvisation pourrait bien tourner à la tragédie, selon Oxford Economics. City AM explique :
« Si M. Trump met en œuvre ses tarifs, le volume des échanges commerciaux pourrait chuter à des niveaux comparables à ceux de la pandémie de 2020, ou de la récession de 1975. Et encore, ces estimations sont jugées ‘prudentes’, vu l’imprévisibilité des représailles et l’incertitude autour des réactions des consommateurs et des entreprises. »
Le FMI estime que la pandémie a coûté 12 500 Mds$ à l’économie mondiale. Fortune chiffre l’impact sur l’économie américaine à 14 000 Mds$.
Alors, que va-t-il se passer ?
Peut-être que les droits de douane ne seront jamais appliqués comme promis. Doit-on s’attendre à d’autres trêves ? Des délais ? Des exceptions ?
Peut-être Trump cherche-t-il simplement à flatter son électorat, à jouer au dur en punissant les étrangers qui « les arnaquent depuis des décennies ». Ou peut-être essaie-t-il de déclencher des « négociations « … qui mèneraient à quoi ? On l’ignore.
Ou bien, son véritable objectif est-il de faire baisser le dollar, pour doper les exportations américaines ? Si c’est le cas, c’est une manœuvre risquée, dans un pays affichant 2 000 Mds$ de déficit budgétaire… et 37 000 Mds$ de dette. Les investisseurs pourraient bien perdre leur appétit pour les obligations américaines.
Mais comme dans toutes les guerres, les conflits commerciaux ne se déroulent jamais comme prévu.
1 commentaire
LA GUERRE COMMERCIALE ?
Trump serait l’inventeur de la guerre commerciale avec sa politique protectionniste ?
Le Libre Échange, la Concurrence, est une guerre commerciale permanente depuis des décennies, et même près de deux siècles.
Le Libre Échange n’est pas un Dieu devant lequel il faudrait se prosterner. Seulement une opportunité pour certains à un moment donné, et une dépendance pour d’autres au même moment.
Le Libre échange des noirs africains vers les USA entre le 16è et le 19è siècle ?
Le Libre échange de l’Opium vers la Chine, au 19è siècle, par les Britanniques, au nom de la Liberté du Commerce ?
Le Libre échange, au 20è siècle, des populations pauvres du Tiers-Monde vers l’Europe ?
Le Libre échange au 21è siècle, des routiers de l’Europe de l’Est vers l’Europe occidentale au détriment de toutes les règlementations économiques et sociales ?
Le Libre échange de la voiture électrique chinoise ?
Le Libre échange qui oblige une partie de la classe moyenne US à dormir sur les trottoirs ou dans leurs voitures ?
Le Libre échange concurrentiel est depuis les années 1990 contemporain d’une régression des niveaux de vie des peuples en Europe et aux USA.
Le Libre échange et la Concurrence une évidence civilisatrice ? Ou un totalitarisme du Profit de quelques uns ?
En 2025 les Occidentaux vont devoir penser le Monde autrement que dominé par leurs Profits.
Certes les Occidentaux ont décolonisé, politiquement, dans les années 1945-1960. Mais pas du tout économiquement.
C’est fini: Les Occidentaux ne sont plus la source exclusive des « Richesses du Monde ».
C’est ce que Trump pourrait avoir compris : il fait du Protectionnisme et se replie un peu, sur le territoire américain.
Trump n’a pas inventé la guerre commerciale, il la mène autrement. C’est tout.
La Concurrence n’est pas nécessairement mauvaise. Mais la Concurrence est une guerre permanente
La Statue de la Liberté ne doit pas être confondue avec la statue du Libre Échange et de la Concurrence.