▪ La guerre monétaire que nous vivons aujourd’hui a commencé en 2010. Mon premier ouvrage, Currency Wars ["Les guerres monétaires", NDLR] est sorti peu après. L’une des théories que je développais dans le livre est que le monde n’est pas toujours en situation de guerre monétaire mais lorsque c’est le cas, cette dernière peut durer très longtemps, cinq, dix, voire quinze ans — et parfois plus.
Il n’est donc guère surprenant que nous nous trouvions à parler en 2015 de guerre monétaire, puisqu’il s’agit toujours de la même. Beaucoup d’informations que vous lisez ou voyez à la télé seront présentés comme des décisions politiques, par exemple le Japon qui affaiblit le yen. Les journalistes diront alors : "une guerre monétaire est en cours", ou "une nouvelle guerre monétaire est déclarée". Alors je lève les yeux au ciel : "non, il s’agit de la même guerre monétaire ; c’est juste une nouvelle phase ou une nouvelle bataille".
Les guerres monétaires ont un grand pouvoir explicatif |
Les guerres monétaires ont un grand pouvoir explicatif — en fait, elles sont l’une des choses les plus importantes qui se passe dans l’économie aujourd’hui. Je suis prêt à parier que d’ici un an, on en parlera encore.
▪ Qu’est-ce qu’une guerre monétaire ?
Généralement, une guerre monétaire éclate lorsqu’il n’y a pas assez de croissance dans le monde pour répondre aux obligations de toutes les dettes. En d’autres termes, lorsque la croissance est trop faible par rapport aux fardeaux de la dette.
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Lorsque la croissance est suffisante, peu importe si certains pays essaient de rendre leur taux de change un peu meilleur marché pour encourager les exportations. C’est trop insignifiant pour s’en préoccuper dans ce contexte.
Mais lorsqu’il n’y a pas assez de croissance, alors là tout d’un coup, c’est comme des affamés se battant pour des miettes. Ce qui se passe aujourd’hui est un bon exemple de cela.
Aujourd’hui, tout le monde s’intéresse aux taux de conversion entre devises parce qu’ils sont un moyen soit de promouvoir les exportations, soit d’importer de l’inflation sous la forme de prix d’importations plus élevés. Il ne faut pas oublier que lorsqu’un pays abaisse son taux de change, les citoyens de ce pays doivent payer plus pour les biens importés.
Combien de fois avons-nous entendu la Fed dire qu’elle veut une inflation à 2% ? |
Les Etats-Unis, par exemple, sont un importateur net. Ils achètent plus de l’étranger qu’ils ne vendent. L’impact immédiat d’un dollar meilleur marché est donc d’augmenter le coût de ce qu’achètent les Américains. Si les Etats-Unis abaissent le taux de change du dollar, ils importent de l’inflation, ce qui est exactement ce que souhaite la Fed. Combien de fois avons-nous entendu la Fed dire qu’elle veut une inflation à 2% ? Elle ne cesse de marteler cet objectif.
Et pourtant, les Etats-Unis n’ont pas une inflation à 2% en ce moment. Ils en sont même loin. La Fed a besoin d’y parvenir — et l’un des moyens est de rendre le dollar meilleur marché.
▪ L’autre effet de la dépréciation de la monnaie est bien sûr d’encourager les exportations
Prenons encore une fois l’exemple des Etats-Unis. Boeing Aircraft, qui traite des gros montants, est en concurrence avec Airbus, avec une entreprise brésilienne, Embraer, et avec une société canadienne, Bombardier. Il existe peu d’avionneurs à travers le monde mais les Etats-Unis sont en concurrence avec tous. Par conséquent, un dollar moins cher, en théorie, aide Boeing à vendre un peu plus d’avions et crée des emplois et de la croissance aux Etats-Unis. Les avantages perçus sont donc nombreux. Toutefois, la plupart de ces avantages sont illusoires.
Cela est extrêmement tentant pour les politiques parce qu’un politique peut alors déclamer le discours que je viens de vous donner, à savoir : "il est bon d’avoir un dollar bon marché parce que cela permet de créer des emplois".
En fait, on est plus riche avec une monnaie forte |
Toutefois, la réalité est que cela ne favorise pas la création d’emplois mais uniquement l’inflation. En fait, on est plus riche avec une monnaie forte parce que cela attire le capital de l’étranger. Les gens veulent investir dans une zone de monnaie forte et ce sont ces entrées de capital et ces investissements qui créent en fait des emplois. Donc, comme d’habitude, les politiques et les banquiers centraux se trompent sur toute la ligne. Mais ils ne m’écoutent pas, ni ne lisent mes bouquins.
Ils pensent que c’est une combine à moindre coût. Donc, à travers le monde, on peut voir des pays déprécier leur monnaie, en réduisant les taux d’intérêt ou en intervenant sur les marchés. Ils le font ostensiblement, pour aider la croissance. Cela n’aide pas vraiment la croissance, cela entraîne juste de l’inflation.
Nous verrons la suite dès lundi.