▪ Les conditions économiques réelles ne se reflètent pas sur les marchés. Au contraire, toute mauvaise nouvelle, et elles sont nombreuses, passe par la case « cela aurait pu être pire ». L’immobilier américain ne s’améliore pas mais s’enfonce, chacun se disant qu’un jour viendra où le fond sera touché et, qu’à partir de là, l’immobilier pourra rebondir. Il en va de même pour toutes les statistiques : chômage, pouvoir d’achat, consommation des ménages… toutes les statistiques sont perçues comme « moins pires que prévu », et comme étant un argument pour que les banques centrales maintiennent des taux bas, fassent marcher les presses à billets et inondent ainsi les marchés de liquidités fraîchement pressées.
Malheureusement, si cet argent facile comble les marchés… il en va tout autrement de sa pertinence pour l’économie réelle, les stratégies économiques et financières à mettre en place au niveau national afin de redresser la barre… et, à terme, pour votre capital et votre pouvoir d’achat. Car vous l’aurez bien compris : dans un contexte de non croissance, d’hérésie budgétaire et d’endettement monstrueux des Etats, qui dit plus d’argent, dit risque d’inflation et donc dit… appauvrissement des ménages.
▪ Les économistes commencent à ouvrir les yeux
Nous marchons sur la tête et j’ai l’impression que le vent tourne. Il y a un an, tout le monde criait hourra à la sortie de crise ; les prudents (que nous étions) voire circonspects (que nous sommes toujours), passaient pour les rabat-joie de service. Peut-être. Sauf qu’il semblerait que nous avions raison. Les économistes interrogés dans les médias grand public font désormais preuve d’un peu moins d’optimisme qu’avant. Regardez.
Fin 2010, les institutions anticipaient une croissance aux Etats-Unis de 3,2% pour une inflation de seulement 1,8%. Puis, dès novembre, « la Banque centrale américaine a annoncé, mardi 23 novembre, qu’elle avait revu en forte baisse sa prévision de croissance pour 2011, entre 3 et 3,6%, contre une fourchette de 3,5 à 4,2% précédemment »,relate l’AFP. C’était donc fin novembre 2010. Mais dernièrement, « selon les ‘Perspectives économiques mondiales’ de printemps du FMI publiées à Washington, le FMI a revu ainsi en baisse de 0,2 point sa prévision de croissance pour l’économie américaine par rapport à ce qu’il avait annoncé en janvier, mais il a revu en hausse de 0,2 point son estimation pour 2012, à 2,9% ». Enfin, l’OCDE a relevé ses prévisions de croissance pour les Etats-Unis, de 2,2% à 2,6%… Moins que ce que la Fed attend, mais elle partait de loin !
En quelques mois, la tendance optimiste s’est brutalement inversée. La croissance mondiale attendue pour 2011 passe à 2,8%, laminée par l’inflation (sur les chiffres officiels) qui dépasserait 3%. Et l’emploi continue à caler. Or seul l’emploi est le catalyseur d’une véritable reprise. Le modèle américain ne fonctionne plus — que dire du modèle européen ! Retrouver un nouveau modèle économique n’est pas chose aisée. Cela demande du temps et des moyens, or les Etats-Unis sont en train de les perdre.
▪ L’économie mondiale sous le pouvoir du Tea Party américain
Les républicains ont voté contre l’autorisation de relèvement du plafond de la dette. Impossible de faire encore plus de chèques en blanc ! Poussés par une minorité virulente, le Tea Party, ils exigent dans cette lutte contre les dettes, un quasi-abandon pur et simple des mesures sociales — Medicare, Medicaid, enfin tout ce qui a été mis en place par Obama.
Le Tea Party, qui s’emploie à mettre en place un gouvernement fédéral avec moins de pouvoirs, détient aujourd’hui certaines clés ; et obtenir un prochain vote pour relever le plafond de la dette sous-entend de faire plier la Maison Blanche, pas moins. Moody’s fait également pression en menaçant clairement de dégrader la note américaine si le gouvernement n’arrive pas à un accord.
Tous ces éléments préfigurent, il faut bien le reconnaître, l’avènement d’un double dip de l’économie. Oui, je suis partisan de ce que les économistes appellent un double dip : c’est-à-dire qu’après une période de récession/rebond, nous entrerions à nouveau en phase de recul de l’économie. Certains persistent à penser que les Etats, les marchés, trouveront une solution au problème des dettes souveraines, et impulseront de quoi relancer l’économie. Si l’on se réfère ne serait-ce qu’à la Grèce… l’exemple donne envie : aujourd’hui, encore aucune solution n’est réellement trouvée, le peuple est dans la rue, manifestant contre les années de rigueur à venir. Réjouissant en effet. Et ce n’est que la Grèce…
Les Etats-Unis — et pourquoi pas bientôt la Grande-Bretagne, la France — se trouvent ainsi à deux doigts du défaut de paiement. On peut imaginer que la Chambre des représentants finira par accepter de relever le plafond de la dette pour éviter l’infamie suprême — l’impossibilité de rembourser. Mais pour l’heure, il ne reste que six semaines maximum avant que le couperet ne tombe.
Et pour l’instant, les marchés ne semblent guère y prêter attention. Les actifs les plus liquides au monde, les fameux T-bonds américains retiennent leur souffle : et si les Etats-Unis ne payaient pas ? Le fantôme de Lehman viendrait lécher les pieds des hauts dirigeants américains dans la nuit en leur rappelant de douloureux souvenirs. Car les conséquences financières — que je n’ose imaginer à ce jour — seraient tout simplement… incalculables.
▪ La Grèce pour cacher des dettes obèses
Vous commencez à suspecter que le problème des dettes souveraines européennes — et de la Grèce en ce moment — est peut-être mis en exergue par les Américains pour détourner l’attention du monde.
Sans doute, mais le problème n’est malheureusement pas simple, reconnaissons-le. Pour Moody’s, qui a à nouveau dégradé de trois crans la note du pays le 2 juin, la Grèce a une chance sur deux d’être en défaut de paiement d’ici cinq ans. Difficile pourtant d’annoncer aux marchés financiers qu’en fait la probabilité est plus proche de 99,99%. Toujours est-il que les dieux de l’Olympe se préparent réellement à voir leurs plus beaux sites archéologiques vendus au plus offrant. Une sorte de diversification pour les réserves de la banque centrale chinoise, qui sait ? Après le Pirée, une diversification « culturelle » ne déparerait sans doute pas la planification voulue par les dirigeants chinois. Car il s’agit bien d’une planification orchestrée sur le long terme.
Conséquences : mardi 31 mai, les Bourses mondiales ont salué par de fortes hausses les annonces faites sur des ententes concernant le problème de la Grèce. Depuis le 2 juin, finalement, c’est la crainte qui refait surface. Il faut à mon avis vous habituer à ces changements d’humeur. Il y a fort à parier que le(s) mois à venir soi(en)t fortement agité(s). Les conclusions de l’Union européenne et du FMI sont attendues d’ici huit ou quinze jours et le nouveau plan d’aide (s’il a lieu) devrait être annoncé lors du prochain sommet européen du 24 juin.
[NDLR : Mettez votre capital à l’abri avant que le vent tourne : Frédéric a trié sur le volet cinq valeurs solides et claires à mettre de toute urgence dans votre portefeuille. Pour les découvrir, c’est par ici…]