La croissance de la masse monétaire a atteint son plus haut niveau depuis 27 mois. Faut-il y voir les prémices d’une nouvelle phase inflationniste ?
La croissance de la masse monétaire s’est accélérée en glissement annuel pour le quatrième mois consécutif à fin novembre 2024, une première depuis octobre 2022. La tendance actuelle de la croissance de la masse monétaire suggère un retournement significatif et durable, après plus d’un an d’un repli d’une ampleur historique entre 2023 et le premier semestre 2024. A présent, la masse monétaire semble entrer dans une nouvelle phase de croissance accélérée.
Au mois de novembre, la croissance annuelle de la masse monétaire s’établissait à 2,35%, son plus haut niveau depuis 27 mois. C’est aussi la plus forte augmentation en glissement annuel depuis septembre 2022. Le taux de croissance de la masse monétaire constaté au mois de novembre était en hausse par rapport à celui d’octobre, qui s’élevait à 1,45%. C’est un retournement majeur par rapport à la baisse de 8,5% enregistrée en novembre 2023.
Avant que cette nouvelle tendance ne débute, la masse monétaire aux Etats-Unis connaissait la plus forte contraction observée depuis la Grande Dépression. Avant 2023, jamais au cours des soixante dernières années la masse monétaire n’avait connu une chute d’une telle ampleur.
Cette tendance déflationniste semble désormais bel et bien terminée. En effet, en observant les variations mensuelles de la masse monétaire, on constate également un retournement à la hausse. La masse monétaire a augmenté chaque mois entre juillet et novembre 2024. Elle a progressé de 0,95% entre octobre et novembre, atteignant ainsi un sommet de neuf mois et enregistrant la troisième plus forte augmentation depuis mars 2022.
L’indicateur utilisé sur ce graphique mesure de la « véritable » masse monétaire, ou MMR (Masse Monétaire Réelle). Il a été développé par Murray Rothbard et Joseph Salerno pour mesurer plus précisément les fluctuations de la masse monétaire que l’agrégat M2 habituellement utilisé. L’Institut Mises fournit désormais des mises à jour régulières de cet indicateur et de son évolution.
Au cours des derniers mois, le taux de croissance de la masse monétaire M2 a suivi une évolution similaire à celui de la MMR, bien que la M2 progresse plus rapidement que la MMR. En novembre, le taux de croissance de la M2 s’élevait à 3,73%, en hausse par rapport aux 3,13% enregistrés en octobre. Le taux de croissance de novembre était également en hausse par rapport au taux négatif de 3,27% observé en novembre 2023. La M2 a augmenté de 0,94% entre octobre et novembre, enregistrant ainsi son plus fort taux de croissance mensuel en neuf mois.
L’évolution de la croissance de la masse monétaire est souvent un indicateur avancé de l’activité économique et potentiellement d’une récession à venir.
Pendant les périodes de forte expansion économique, la masse monétaire a tendance à croître rapidement, car les banques accordent davantage de crédits. A l’inverse, deux ou trois ans avant le début d’une récession, on observe généralement un ralentissement de la croissance de la masse monétaire, voire une contraction. Il convient de souligner que la masse monétaire n’a pas nécessairement besoin de se contracter pour signaler une récession à venir. Comme l’a démontré Ludwig von Mises, une récession est généralement précédée par un simple ralentissement de la croissance de la masse monétaire.
Cela étant dit, les récessions ne deviennent généralement visibles qu’après que la masse monétaire a recommencé à accélérer après une période de ralentissement. Ce fut le cas lors de la récession du début des années 1990, de l’éclatement de la bulle Internet en 2001 et de la crise de 2008. Il se pourrait que nous observions actuellement une tendance similaire.
En effet, l’accélération de la croissance de la masse monétaire observée ces derniers mois coïncide avec la nouvelle orientation de la politique de la Réserve fédérale visant à abaisser son taux d’intérêt directeur, favorisant ainsi une reprise de la création monétaire. En septembre, le FOMC a réduit le taux directeur de la Fed de 50 points de base. Une baisse aussi significative est généralement suivie d’une récession, car la Fed ne procède généralement à un ajustement aussi important que lorsqu’elle anticipe une récession. La Fed a de nouveau abaissé son taux directeur au mois de novembre, puis une nouvelle fois en décembre.
De plus, le retour de la Réserve fédérale à une politique accommodante suggère clairement qu’elle n’a pas l’intention de réduire la taille de son bilan, après avoir injecté des milliers de milliards de dollars dans l’économie au cours des cinq dernières années. Malgré la baisse importante de la masse monétaire totale observée en 2023, elle reste particulièrement élevée. Au mois de novembre dernier, la masse monétaire totale restait encore supérieure de plus de 35% (soit environ 5 000 milliards de dollars) à son niveau de janvier 2020.

M2 vs. MMR, en milliards de dollars
Depuis 2009, la masse monétaire réelle (MMR) a augmenté de plus de 192%, pendant que la M2 a progressé de 150% sur la même période. Sur la masse monétaire actuelle de 19 300 milliards de dollars, près de 26% a été créée depuis janvier 2020. Depuis 2009, plus de 12 000 milliards de dollars ont été ajoutés à la masse monétaire. En d’autres termes, près des deux tiers de la masse monétaire totale existante a été créée au cours des treize dernières années seulement.
Nous verrons dans notre prochain les raisons pour laquelle la Fed privilégie des taux bas, alors qu’une quantité massive de liquidités injectées lors de la période COVID circule encore dans l’économie.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
1 commentaire
Merci pour ces données et cette synthèse. Le monde vit un « progrès technique » comme jamais dans son histoire et ce n’est, sans doute qu’un début. Donc c’est la croissance, mais quand ? Un décalage et c’est l’inflation. Par ailleurs la question à laquelle des spécialistes, comme vous, peuvent répondre, c’est : ou vont ses liquidités ? Si « les marchés » collectent cette création artificielle, une baisse brutale fera disparaitre cette masse sans trop de dommage, peut être. C’est ma question.