La barre des 36 000 Mds$ de dette est franchie alors que la Fed se réunit.
L’élection de Trump – et la reconnaissance officielle de sa large victoire – remonte à 8 jours, et il n’est pas exagéré d’affirmer que sur les marchés financiers, l’élection du 47e président des Etats-Unis a déjà produit l’impossible avant même que l’élu/réélu – là aussi une grande première depuis un siècle – n’ait signé son premier décret.
La victoire de Donald Trump, qui se lisait déjà dans la trajectoire des marchés obligataires, a été saluée par un « bang » supersonique sur les actifs les plus spéculatifs, notamment les actions déjà les plus fortement valorisées comme Nvidia et Tesla – avec des PER de 65 à 115 pour la première (selon les modes de calcul) et 95 à 105 pour la seconde (fourchette plus resserrée). Puis bien sûr, le bitcoin, avec +28% à 93 300 $ en six séances (huit avec le week-end, préciseront les puristes).
Il s’agit d’un gigantesque « pump » qui profite essentiellement au bitcoin, car l’Ethereum à 3 200 $ est encore loin de son zénith des 4 090 $ du 10 mars dernier.
Il est difficile de prendre la pleine mesure de ce qui vient de se produire sur les marchés depuis le 6 novembre. Alors plutôt que d’essayer d’aligner une série de superlatifs, voici quelques chiffres qui en disent suffisamment sur Wall Street pour défier l’imagination :
- quatre records absolus consécutifs ;
- les trois principaux indices de référence au plus haut simultanément, à quatre reprises ;
- des records sous forme de « doublés intraday/clôture » ;
- le lundi 11 novembre, 1er quintuplé de records absolus simultanés de l’Histoire en incluant le Dow Transport et le Wilshire-5000 ;
- chaque record s’est accompli sur fond de dégradation des T-Bonds US (le 10 ans flirte avec les 4,50%) ;
- plus grand écart de l’Histoire en six séances entre le S&P 500 et l’Euro-Stoxx 50 (différentiel de +8%) ;
- 0% reperdu par Wall Street (en faisant la moyenne des cinq indices « larges ») depuis le 11/11.
Mais peut-être venons-nous d’assister mercredi soir au premier signe précurseur d’un essoufflement du « Trump-trade », avec un spectaculaire retournement en séance sur les small caps (massivement favorisées par l’espoir de relocalisation de l’industrie et de mesures protectionnistes). Le Russell-2000 avançait de +0,9% à 2 417 points vers 16h45 ce mercredi… et il termine aux antipodes, avec -0,9% vers 2 369.
Mais beaucoup d’investisseurs jugent « inarrêtable » le rallye haussier en vigueur depuis 15 semaines (il a démarré le 6 août, il s’est réactivé le 9 septembre, puis il s’est emballé de +5% le 6 novembre).
Une image nous vient en tête pour illustrer la dernière des trois vagues qui a propulsé le S&P 500 de 5 150 points à 6 015 points (soit +17%)… Ce marché ressemble à une voiture de Formule-1 : l’essentiel de ce qui se passe en dehors de la tenue du volant est géré à 99% par l’électronique de bord, à commencer par le régime moteur.
Et là, depuis le 6 novembre, avec une hausse supplémentaire de +22 points de base du T-Bond « 2034 », tout se passe comme si le système de gestion électronique qui limite le nombre de « tours minute » et empêche le surrégime (donc la casse du moteur) venait de faire court-circuit.
Le plafond des 15 000 tours imposé par la FIA en compétition (il permet tout de même d’atteindre les 330 Km/h en ligne droite) vient d’exploser, et la monoplace « Wall Street » rugit à 20 000 tours minute… et franchit les 440 Km/h (le Dow Jones dépasse les 44 000 points, le PER moyen du Nasdaq les 38 et celui des « Sept fantastiques », les 60).
Combien de tours de circuit le moteur en fusion va-t-il encore tenir ? Sommes-nous au 59e tour sur 60 du Grand Prix des Etats-Unis ? Ou y en a-t-il encore une trentaine à couvrir et le moteur va se transformer d’ici un ou deux kilomètres en une gigantesque boule de feu ?
Les plus optimistes prétendent que « ça va tenir encore quelques tours » parce que le moteur, « c’est du costaud »… mais la surchauffe ne date pas du 6 novembre : le 10 ans a vu son rendement se retendre de +88 points depuis mi-septembre (comme si la Fed s’apprêtait à relever ses taux par trois fois… et on est même plus près de quatre, désormais).
Même si le narratif prétend que la hausse des taux amorcée il y a 8 semaines est le signe précurseur d’une économie US rugissante l’an prochain (oublions les risques de récession et mettons de côté l’inflation, c’est un sujet secondaire pour Trump), cela sent le soufre depuis des semaines, et surtout depuis mardi dernier.
La décision de la Fed de baisser ou non les taux ce jeudi coïncidera avec le franchissement officiel de la barre des 36 000 Mds$ de dette… sur fond de taux à 4,50%.
Mais toutes les raisons de s’inquiéter de la situation pour un investisseur raisonnable, Wall Street les a conjurées en enchaînant les records absolus depuis le mercredi 6 novembre… illustrant la métaphore des marchés qui « escaladent » le « mur de la peur » (the Wall of Worry).
Et dans le climat de complaisance actuel… plus il est haut, plus c’est prometteur !