La normalisation de la politique monétaire américaine va s’arrêter pour soutenir les marchés. Mais cela sera insuffisant pour vous protéger de la Grosse Perte du siècle.
Selon le Bureau américain des statistiques de l’emploi (BLS), le mois dernier, deux fois plus d’emplois ont été créés aux Etats-Unis qu’attendu. Par ailleurs, le président de la Fed a annoncé qu’il n’était pas pressé de faire remonter les taux d’intérêt à un niveau normal.
A la Chronique, nous ne faisons pas confiance aux autorités ou à leurs statistiques.
L’année dernière par exemple, le très compétent Joe Withrow, notre analyste maison, a publié un rapport. Il démontrait que les chiffres officiels de la décennie passée donnaient une image parfaitement erronée de la santé économique des Etats-Unis : ils prétendaient qu’une reprise — quoique faible — avait lieu dans l’ensemble du pays.
Mais après avoir parcouru l’Amérique profonde, nous étions d’avis que c’était faux. Les chiffres de Joe sont venus confirmer que plus de 70% des comtés américains sont en moins bonne posture aujourd’hui qu’il y a 10 ans.
Les rapports du BLS sur l’emploi dissimulent plus qu’ils ne montrent. Nous soupçonnons que plus d’analyses, de révisions et d’inspections révéleront qu’ils ne sont en réalité que des sottises.
La normalisation monétaire n’aura pas lieu
Tandis que le BLS ment, la Fed se contente de ruser.
Jamais la Fed ne normalisera les taux d’intérêt par principe. Elle ne le fera que parce que c’est pratique. Or lorsque le marché boursier commence à s’affoler, augmenter les taux — aussi sensé, urgent ou nécessaire que ce soit — devient très peu pratique.
De Bloomberg :
« Il y a trois semaines, Jerome Powell pouvait encore balayer les événements sur les marchés financiers comme étant ‘un peu de volatilité’. Puis sont arrivés les 10 derniers jours de décembre.
Apparemment, cela a suffi à attirer l’attention du président de la Réserve fédérale, dont les annonces de vendredi, combinées aux meilleurs chiffres de l’emploi en 10 mois, ont suffi à remettre les actions en mode ‘reprise’. Le S&P 500 a pris jusqu’à 3,1%, effaçant la chute de la veille.
Le président de la Réserve fédérale Jerome Powell s’est engagé à faire preuve de patience pour toute future augmentation des taux »…
En d’autres termes, la Fed est prête à prendre ses jambes à son cou dès qu’elle pourra le faire sans donner l’impression qu’elle cède à M. Trump. Erreur n°3… nous voilà !
Les Etats-Unis deviennent japonais
La Fed et le président américain soutiennent encore les investisseurs — c’est du moins ce que pensent les intervenants boursiers.
Nous pensons aussi que tant Trump que Powell feront tout ce qui est en leur pouvoir pour sauver ce marché. Pour tous les deux, c’est leur réputation, leur pouvoir et leur statut qui est en jeu — et, dans le cas du président, sa fortune personnelle aussi.
Tous deux sont décidés à éviter un bain de sang sur les marchés financiers, parce que l’hémoglobine viendrait inévitablement maculer leurs chemises bien blanches.
Mais que peuvent-ils faire ? Si les autorités peuvent vraiment empêcher les marchés baissiers et les crises de dettes, pourquoi se produisent-ils ? Plus spécifiquement, qu’est-ce qui ne va pas chez les Japonais ?
Nos lecteurs qui nous subissent de longue date savent que nous gardons un oeil sur les Japonais. Nous n’aimons peut-être pas la direction qu’ils ont empruntée, mais nous avons l’impression que les Etats-Unis sont en train de prendre le même chemin.
Leur économie et leurs marchés ont connu un boom dans les années 1980. La Japan Inc. faisait envie au monde entier. Les termes de management japonais étaient à la mode. Les investisseurs japonais achetaient des immeubles légendaires, comme le Rockefeller Center à New York. Le Nikkei 225 a atteint 39 000 points en 1989.
Puis tout s’arrêta. Le Japon commença à s’effondrer en janvier 1990. Il ne s’est jamais relevé depuis, malgré toutes les interventions.
La banque centrale japonaise a inventé l’assouplissement quantitatif — le rachat de dette — pour faire baisser les taux d’intérêt. Le taux directeur est sous le zéro depuis trois ans.
Comme cela n’avait pas suffi, la Banque du Japon a aussi commencé à acheter des actions. Elle possède désormais près de 78% du marché des ETF à Tokyo.
Sur le front budgétaire également, les Japonais ont une bonne longueur d’avance sur les Etats-Unis. Le Premier ministre Shinzo Abe a imposé à l’économie un programme « en trois flèches » : relance budgétaire, relance monétaire et réformes.
La relance monétaire était vertigineuse. La relance budgétaire — les déficits — a été si agressive qu’elle a porté la dette gouvernementale japonaise au chiffre de 236% du PIB, un record mondial. Les réformes n’ont jamais été nulle part… et de toute façon, personne ne savait de quoi il retournait.
Rien de tout cela n’a fonctionné. Comme nous l’avons mentionné vendredi, les actions japonaises sont toujours 50% inférieures à leur niveau d’il y a 30 ans. S’il arrivait la même chose aux Etats-Unis, le Dow Jones chuterait à 12 000 et y resterait jusqu’en 2049 !
Qui est prêt à subir la Grosse Perte ?
Oui, cher lecteur, il n’y a pas de garanties que la stratégie « acheter et conserver » vantée par l’industrie financière fonctionne.
Les économistes et politiciens japonais ont dégainé les plus gros revolvers qu’ils ont pu trouver. Ils ont vidé le chargeur. Mais ils n’ont pas pu prendre le dessus sur M. le Marché japonais.
Il voulait chuter — et rester au plancher. C’est ce qu’il a fait. Nous ne serions pas surpris si M. le Marché américain faisait la même chose.
Mais attendez… nous ne connaissons pas l’avenir. Nous ne faisons que des hypothèses.
Tout ce que nous savons vraiment, c’est que pour la plupart des gens, éviter la Grosse Perte est essentiel. C’est la Grosse Perte qui condamne les investisseurs. Peu d’entre eux peuvent s’en remettre.
Et voici une autre chose à garder en tête : dans la mesure où nous ne connaissons pas la direction que va prendre M. le Marché, imaginons que les chances sont égales, à la hausse ou à la baisse. Que devriez-vous faire ?
Vendre ! Premièrement, parce que vous éviterez la Grosse Perte que vous pourriez subir si vous restez investi. Deuxièmement, parce qu’un dollar perdu vaut plus qu’un dollar gagné. Telle est le principe du « déclin de l’utilité marginale ».
Le premier dollar est d’une importance vitale. Vous devez manger pour survivre. Il vous faut donc quelques dollars pour acheter votre nourriture.
Mais qu’en est-il si vous êtes déjà millionnaire ? Vous gagnez quelques dollars de plus : qui s’en soucie ? Vous ne mangez pas plus. Vous n’emménagez pas dans une maison plus grande. Vous avez déjà la voiture de vos rêves. Plus de dollars ont un effet zéro sur votre vie.
Chaque dollar que vous gagnez a de moins en moins d’utilité, ce qui revient à dire qu’il vaut moins — pour votre qualité de vie — que le dollar qui l’a précédé.
Logiquement, donc, le dollar que vous pourriez perdre lors d’un effondrement boursier vous sera plus précieux que le dollar que vous pourriez gagner en restant investi.
Lors d’un marché haussier, c’est « achetez pendant les creux » qui est la formule gagnante. Dans un marché baissier (ou dans un marché qui menace de devenir baissier), en revanche, c’est « vendez les rebonds » qui fonctionne.
Le rebond entamé vendredi dernier semble se poursuivre. Sortez tant que les conditions vous sont favorables.