Sous couvert d’un « cadre équitable », Bruxelles a accepté un accord commercial qui ressemble davantage à une capitulation qu’à une victoire.
Une photo pour le moins étrange : la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et Donald Trump, tous deux faisant le signe du pouce levé caractéristique de Trump, entourés de leurs équipes respectives chargées des négociations commerciales. Trump s’était arrangé pour que l’équipe de Bruxelles se rende en Ecosse pour le rencontrer pendant qu’il jouait au golf, ce qui – si l’on y réfléchit bien – est une façon phénoménale de dire : « La balle est dans mon camp. »
Les deux blocs se sont affrontés pendant des mois au sujet des droits de douane déraisonnables que Trump avait imposés unilatéralement à l’Europe, dans le but d’obtenir un « traitement plus équitable » de la part des Européens. Selon la logique simpliste de Trump, la Maison-Blanche considère qu’il est possible d’augmenter indéfiniment les droits de douane pour finir par obtenir gain de cause.
Qu’avons-nous obtenu en Ecosse ? Un « cadre pour un commerce réciproque, équitable et équilibré ».
Concrètement, les Etats-Unis appliqueront soit un droit de douane forfaitaire de 15 % sur tous les produits originaires de l’UE, soit le droit de douane de la nation la plus favorisée, le plus élevé des deux étant retenu. Seuls quelques secteurs, tels que l’aéronautique et les produits pharmaceutiques, seront exemptés.
Qu’allons-nous obtenir en échange ? La promesse de supprimer les droits de douane sur les produits industriels américains et la vague promesse d’un investissement privé européen de 600 milliards de dollars aux Etats-Unis. En outre, l’Europe s’engage à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine, y compris du combustible nucléaire.
Vous avez bien lu : cette négociation revient à dire que je vous appelle pour acheter votre voiture, mais qu’au lieu de l’acheter, je la prends et je garde tout mon argent. Difficile de comprendre ce que Bruxelles avait en tête, sinon peut-être l’illusion d’une stabilité commerciale plus durable – ce qui, s’agissant de Trump, paraît hautement improbable. Même dans les secteurs bénéficiant d’exemptions, les associations professionnelles ont qualifié le dernier accord de véritable capitulation.
Et, comme prévu, il y a à peine une semaine, Donald Trump a de nouveau modifié les termes de l’accord. Il a annoncé que les Etats-Unis imposeraient des droits de douane de 100 % sur les importations de médicaments de marque ou innovants à partir du 1er octobre, alors qu’il avait négocié avec l’UE un plafond bien plus bas en début d’année. Dans un message publié sur Truth Social, il a précisé qu’une exception serait possible : certaines entreprises pourraient être exonérées si elles annonçaient de nouveaux investissements de production aux Etats-Unis.
On comprend l’inquiétude de Bruxelles : une guerre commerciale menée à la manière de Trump serait, en pratique, suicidaire. Personne ne sait jusqu’où il pourrait aller, ni combien de centaines ou de milliers de pourcents de droits de douane il pourrait décider d’imposer pour forcer ses partenaires commerciaux « amicaux » à céder.
Mais ne nous berçons pas d’illusions : l’accord d’Ecosse n’est en rien une victoire.
Le levier le plus sensible reste celui des produits pharmaceutiques : si leurs prix flambent, Trump ne pourra pas contenir l’inflation intérieure, ce qui réduira d’autant les chances électorales de son camp républicain. En revanche, l’engagement européen d’acheter massivement de l’énergie américaine constitue un argument plus solide : c’est de toute façon une décision que nous aurions dû prendre depuis longtemps, compte tenu des trois années de guerre brutale menée par la Russie en Ukraine.
En réalité, nous faisons face à une Commission européenne impuissante, qui préfère jouer la prudence et n’a aucune vision pour renforcer la compétitivité du continent. Elle se contente de sanctions contre les géants américains de la tech – comme Google, condamné récemment à 3 milliards d’euros pour « abus de position dominante dans la publicité en ligne ». Mais Trump a déjà annoncé que la Maison-Blanche préparerait une riposte commerciale.
Il existe malgré tout quelques signaux positifs à Bruxelles. La commissaire à l’environnement, Jessika Roswall, affirme avoir identifié 57 actes législatifs liés à l’écologie qui pourraient être supprimés, au moment où la Commission promet de réduire la bureaucratie et de simplifier les règles existantes. Mais elle admet aussi que 253 actes secondaires restent nécessaires, dont 196 jugés incontournables…
L’Europe se trouve à un tournant. Soit elle accepte de n’être qu’un bloc de consommateurs, qui ne négocie que ses achats avec ce qu’il lui reste de capital, soit elle choisit de relancer sa productivité et de se donner enfin les moyens de formuler de véritables exigences.
