Je suis en train de voler le record de lecteurs mécontents à Bill Bonner. En écrivant que la sortie de l’euro nous vaudrait à chacun une ardoise citoyenne bien salée, je me suis attiré un tir de missiles bien nourri.
Beaucoup de lecteurs pensent qu’un pays est souverain et que s’il a contracté une dette dans une monnaie, il est libre de la rembourser dans une autre qu’il choisit. Dans un sens, c’est vrai. Mais ce choix a des conséquences très coûteuses.
La complexité de la dette en euro tient au fait que des pays souverains se sont endettés dans une monnaie non souveraine, l’euro. Ne pas rembourser en euro reviendrait cependant à un défaut. Dès lors, le financement du déficit de l’État français obèse et refusant toute cure complétée par un peu de gymnastique se ferait par la planche à billets.
Nul besoin d’une grande imagination pour anticiper les effets d’une telle politique. Il suffit de regarder ce qui se passe (ou s’est passé) au Venezuela, en Argentine ou au Zimbabwe, heureux pays dotés d’une monnaie de singe souveraine dans lesquels les gouvernements ont cru à la solution de la planche à billets.
Un euro ou un franc est un bon d’achat sans valeur intrinsèque dont l’usage vous est imposé
Qu’est-ce qu’une monnaie et à quoi sert-elle ? Un euro est un bon d’achat dans la zone monétaire dans laquelle l’euro a cours légal. Un billet de 10 euros est une créance du porteur (un bon d’achat) valable dans n’importe quel pays de l’Union monétaire. C’est la signature de M. Mario Draghi sur ledit billet qui fait la validité de votre créance. Un euro est par conséquent un moyen de paiement sans valeur intrinsèque (un bout de papier coloré) valable dans une grande zone géographique.
Un franc-front-national (FFN) signifierait que le moyen de paiement en France serait modifié. La valeur intrinsèque du franc resterait tout aussi nulle que celle de l’euro.
Si un étranger a acquis une dette en euro remboursable en euro et qu’on lui donne des francs, son bon d’achat n’est valable qu’en France. Nul besoin d’avoir fait de hautes études de politique internationale pour comprendre que ce n’est pas la même chose : les étrangers préfèrent les bons d’achat les plus acceptés dans le monde.
Si on vous a promis un bon d’achat pour tous les magasins de la chaîne Monoprix et qu’on vous rend un bon d’achat pour le Lidl de Trifouilly-les-oies-pas-sauvages, vous n’êtes pas content.
La confusion entre monnaie et richesse
Comme je m’use à l’écrire, ce n’est pas parce qu’on remplace une monnaie supranationale malhonnête par une monnaie nationale tout aussi malhonnête qu’on règle les problèmes économiques d’un pays.
Les monnaies sans valeur intrinsèque sont attirées vers la malhonnêteté comme la souris vers le gruyère. C’est ce qu’Aristote avait déjà démontré en son temps. La raison est très simple : pour que ces monnaies soient au départ acceptées, l’État émetteur doit user de la force légale.
Ensuite, les gouvernements desdits États pensent invariablement que pour être plus riche, ou pour boucher un trou dans la caisse publique, il suffit d’émettre plus de monnaie, soit directement soit sous forme de crédit. Leur création monétaire est légale, contrairement au faux-monnayage. Au passage, signalons qu’en France le crime de faux-monnayage est plus sévèrement réprimé que le meurtre… 30 ans de réclusion criminelle plus 450 000 € d’amende dans le premier cas. Seulement 30 ans dans le second.
Le faux-monnayage public est cependant légal. Inexorablement, votre bon d’achat perd donc de sa valeur parce qu’il est en concurrence avec de plus en plus de bons d’achat mais que la marchandise, elle, ne s’est pas multipliée. Car aucun gouvernement ne sait la multiplier ! L’État n’est pas le Père Noël… même si les électeurs ont tendance à le croire.
Le bitcoin : une monnaie anarchique bien sympathique
Le bitcoin présente un avantage certain par rapport à ces monnaies malhonnêtes. Le bitcoin se revendique « réseau de paiement » et « nouvelle forme d’argent ». Comprenez argent au sens de monnaie. Son atout est d’être privé, par conséquent exempt de manipulation gouvernementale. C’est une monnaie anarchique, au sens étymologique.
Nul besoin de promulguer une loi pour que les gens adoptent le bitcoin. C’est simplement un choix personnel. Le bitcoin est admis dans une communauté internationale de plus en plus vaste.
Certes Aristote déplorerait toujours que le bitcoin soit sans valeur intrinsèque, mais son atout est que sa quantité est limitée.
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Le bitcoin est donc un moyen de paiement sans valeur intrinsèque mais qui possède une garantie de pouvoir d’achat au cas où vous voudriez le conserver un certain temps. En effet, M. Mario Draghi fait naître 80 Mds€ tous les mois mais il n’a aucun pouvoir sur le bitcoin. La Chine promulgue des lois pour contrôler les capitaux mais les Chinois les détournent en transférant de l’argent à l’étranger grâce au bitcoin. En revanche, imaginez une grande panne de réseau informatique et vos bitcoins deviennent inutiles.
La relique barbare : une monnaie à valeur intrinsèque
L’or est une monnaie. Cette monnaie marchandise à valeur intrinsèque a été en son temps une innovation majeure. Avant l’apparition de l’or et de l’argent, la monnaie n’était que du crédit. Des « autorités » (scribes, prêtres, souverains) tenaient les registres de dette. L’or et l’argent ont permis de multiplier les échanges en supprimant la notion de témoin officiel, de tiers certificateur.
Personne n’a jamais refusé de l’or en paiement de quelque chose, nous a rappelé Greenspan lorsque nous l’avons vu. Mais un jour quelqu’un, quelque part, refuse une monnaie sans valeur intrinsèque. Alors, le mythe est détruit ; la spirale infernale du défaut et de l’inflation se met en place, et la monnaie platonicienne se meurt. Platon, contrairement à Aristote, défendait que la monnaie ne pouvait être que mythe social.
[NDLR : Savez-vous qu’il existe des monnaies d’or (et d’argent) ayant cours légal ? Si vous voulez détenir de l’or physique, vous avez intérêt à choisir ces monnaies. Pour savoir pourquoi, cliquez ici.]
La monnaie idéale ? Un bitcoin adossé à de l’or, autrement dit un bitgold. Encore faudrait-il que les gens soient convaincus de l’intérêt d’une monnaie honnête échappant aux manipulations des pays souverains pour qu’ils l’adoptent librement…
10 commentaires
Stratégie de Simone Wapler
Simone Wapler est ingénieur de formation. Elle a travaillé dans le secteur de l’ingénierie aéronautique. Cette double casquette ingénieur/analyste financier est un véritable atout qu’elle met au service des abonnés.
Elle aborde les marchés avec l’oeil du professionnel, de l’ingénieur, de l’industriel, et non celui du financier.
Son expertise, notamment dans le secteur des métaux de base et des métaux précieux, lui donne une longueur d’avance, une meilleure compréhension des vrais tenants et aboutissants du marché des ressources naturelles — un marché par ailleurs en pleine expansion, dont Simone Wapler connaît parfaitement tous les rouages, notamment au niveau de l’offre et de la demande.
Pour en savoir plus sur Crise, Or & Opportunités et La Stratégie de Simone Wapler.
Bonjour Mme Wapler,
Je comprends bien vos arguments sur la dette en cas de retour au franc … mais j’ai lu et écouté vincent Brousseau (15 ans à la BCE) et aussi lu cette article https://altereconomie.wordpress.com/2014/09/07/la-lex-monetae/
qui dit bien (comme M. Brousseau) que la dette en cas de sortie de l’euro sera payé en franc. De toute façon, si la France sort de l’euro, il n’y aura plus d’euro. Donc comment payer dans cette monnaie.
Ensuite et très important, les taux d’intérêt sont en France ou Italie par exemple, plus haut que celui de l’Allemagne, car ces pays paient (pour une partie du taux) une prime de risque; justement en cas de monnaie plus faible après d’éclatement de la zone euro. (conférence de presse de Draghi en 2012)
Donc ce qui achètent de la dette savent qu’il y a un risque d’être remboursé en franc, lire ou pesetas.
Bonjour,
Militer, comme vous le faites utilement, contre la suppression du cash est-il compatible avec la promotion du Bitcoin?
Le Bitcoin, déjà concurrent de l’or, ne risque-t-il pas d’être une arme de plus dans la mise à mort du cash.
« En revanche, imaginez une grande panne de réseau informatique et vos bitcoins deviennent inutiles. »
Faux, il faudrait une panne mondiale de tous les ordinateurs tournant pour le réseau Bitcoin.
Et encore, les bitcoins étant sur la blockchain, une fois que le réseau serait remis en fonction, vous pourriez récupérer vos bitcoins. Car pour dépenser un bitcoin, il faut signer avec une clé privée sur le résau Bitcoin.
C’est des inputs devenant des outputs, et on signe avec sa clé privée que maintenant le/les bitcoins ne peuvent plus être utilisé que par une certaine adresse « clé publique », et celui qui possède cette clé publique devra signé avec la clé privée qui est associé pour débloquer les fonds et les envoyer ailleurs.
Voir aussi les transaction coinbase, création ex-nihilo de la monnaie bitcoin. Bitcoin n’est pas sans valeur, c’est la première fois que l’on sait transférer de la valeur par Internet sans passer par un tier de confiance.
Bitcoin est basé sur les mathématiques et la cryptographie.
Tout ce qui est écrit dans la Blockchain Bitcoin ne peut plus être effacé une fois que le block est validé, chaque block est lié au précédent par un hash, ce qui à chaque confirmation de block renforce la blockchain.
Avant, aucun système informatique sur Terre permet de rendre une donnée électronique immuable et infalsifiable même par son créateur.
Bitcoin réussi cette prouesse technique, qui l’on peut le dire est une révolution.
Bitcoin peut donc servir de monnaie, mais grâce à cette capacité d’immuabilité et inaltérabilité, il peut servir à tout un tas d’autres choses.
Validation brevet, preuve de possession de documents, musique, vidéo, vote électronique, tracabilité, actes notarié, transfert action société, enregistrement casdastre,…
Si vous souhaitez plus d’information sur cette capacité, chercher du côté des colored coins, c’est une fraction de bitcoin qui sert à transférer d’autres valeurs.
Bitcoin va exploser dans les années à venir, c’est inévitable, sa valeur va grandir et très certainement dépasser les 30000$.
Dernier point, il est impossible de faire un faux bitcoin, alors que des faux lingots d’or circulent et la fausse monnaies encore plus. Il est impossible de bloquer une adresse
Bitcoin et lui empêcher de recevoir ou envoyer des fonds.
Bitcoin rivalise clairement avec l’or, le surpassant sur bien des points.
Je vous invite à lire le très bon livre Mastering Bitcoin d’Andres Antonopoulos.
Il est disponible gratuitement en format pdf et il a même été traduit en français.
Le Bitcoin est-il la monnaie idéal ? on peut en douter, sa consommation énergétique ne cesse d’augmenter, son besoin en calcul est toujours plus grand et demande d’énorme puissance de calcul, et le changement rapides des cartes électroniques, enfin la Chine fait la chasse à l’évasion des richesse via le Bitcoin en contrôlant tous les accès au Bitcoin. De plus, le Bitcoin est autonome et maintes mafia sont présentent pour vous arnaquer, le Bitcoin n’est pas une panacée, c’est de l’or qui coûte de plus en plus cher à produire (énergie et calcul) !
@emile
C’est le prix à payer pour la sécurité et la décentralisation. Personne ne contrôle le Bitcoin. De plus la difficulté de minage s’adapte toutes les 10 minutes à la puissance de hashrate du réseau.
Si elle diminue, la difficulté diminue, si elle augmente, la difficulté augmente.
Ceci afin qu’il puisse y avoir un block miné en moyenne toute les 10 minutes.
Comme l’or, il faut de plus en plus d’énergie pour en extraire.
Extraire de plus en plus de tonnes de terre pour en tirer de moins en moins d’or.
Les machines qui travaillent dans les mines ne fonctionnent pas à l’eau.
Pareil pour le Bitcoin, il ne peut y avoir de sécurité sans énergie dépensé.
Deuxième loi de la
De plus le réseau Bitcoin consomme moins que tous les ATM des banques installés dans le monde.
Si on ajoute tous les employés qui se déplacent chaque matin pour aller travailler au siège social, les gros buildings qu’occupent les banques dans le monde entier, les datacenters qu’elles utilisent, tout ca dépense de l’énergie, beaucoup d’énergie.
Pour quel résultat ?
Utiliser un compte dont vous n’êtes pas le propriétaire, alors qu’avec Bitcoin personne ne peut vous bloquer et vous empêcher de recevoir ou envoyer des fonds.
De plus comme dit plus haut: « Avant, aucun système informatique sur Terre permet de rendre une donnée électronique immuable et infalsifiable même par son créateur. Bitcoin réussi cette prouesse technique, qui l’on peut le dire est une révolution. Bitcoin peut donc servir de monnaie, mais grâce à cette capacité d’immuabilité et inaltérabilité, il peut servir à tout un tas d’autres choses. Validation brevet, preuve de possession de documents, musique, vidéo, vote électronique, tracabilité, actes notarié, transfert action société, enregistrement casdastre,… »
Le Bitcoin consomme donc très peu d’énergie face au pan enier qu’il va pouvoir révolutionner.
Concernant les arnaques, elles existent dans toutes les monnaies du monde et contrairement à ce que vous dite, les mafias carburent au dollars, euros, yuans, roubles,…
@Bitcoin plus qu’une monnaie
J’anticipe un peu mais il faut internet pour échanger du bitcoin, donc quand il n’y aura plus de charbon des Appalaches pour faire tourner les data centers aux états-unis, peu de pétrole comme autre source d’énergie, que les data centers français auront des problèmes pour s’alimenter car le changement climatique ne permettra pas de faire tourner les centrales nucléaires (il y a déjà parfois des problèmes en été) ALORS les bitcoins dans les câbles d’ordi vont s’évaporer. Comme parfois les monnaies. Et si, pour une raison quelconque il y a un problème sur le réseau, pareil, les bitcoins seront inutiles. Les pièces d’or ou d’argent seront là même si on ne peut plus en extraire. Le bitcoin sert de compte courant pas plus.
@baptiste
Bitcoin est décentralisé, pas besoin de datacenter pour qu’il fonctionne.
Internet n’a pas besoin de datacenter pour fonctionner, ne confondez pas Web et Internet.
Internet fonctionne avec TCP/IP, UDP,…
Demain si Internet comme vous le concevez venait à disparaitre, cela ne ferait pas disparaitre le Bitcoin, car sa Blockchain serait stocké sur des dizaines de milliers d’ordinateur dans le monde.
L’arrête d’Internet n’effacerait pas les informations contenue sur tous ces disques durs.
Là aussi, que d’erreurs de votre part.
Le tissage d’un nouveau réseau peut se faire très rapidement, car tous ce qui permet de faire fonctionner Internet est ouvert voir les RFC.
Il y a beaucoup de projet en cours, les liaison se ferait sans fil, et les appareils de routage consommerait bcp moins d’énergie.
Des panneaux solaires suffiraient amplement pour tout alimenter.
Ce serait un réseau sans doute plus lent que celui existant actuellement, mais il serait sans doute utilisé que pour des choses plus utiles, comme le transfert de valeur via le réseau Bitcoin.
En fait Bitcoin fonctionne sur Internet, mais il peut-être switché très rapidement sur un autre réseau créé par toute une communauté.
Pour votre information, tout ce que Google index n’est qu’une fraction de tout ce que contient Internet.
Désolé d’avance si bêtises, je suis newbie dans les cryptomonnaies 🙂
Bitcoin : contrôler 51% des blockchains suffit à contrôler le Bitcoin. C’est ce qu’a réussir à faire le pool de minage GHash.io le 12/06/2014 et ce durant 12 heures. La Chine produit les ASIsC de minage, un jeu d’enfant de créer une ferme pour modifier discrétement la blockchain. Les cryptomonnaies alternatives privilégiant le minage par GPU ou CPU (Litecoin, etc) ne me paraissent pas plus sûres.
Ether : suite à l’affaire DAO (smart-contract « buggé ») Ethereum a procédé à un hard-fork de la blockchain. Outre qu’il y a maintenant 2 blockchains dans la nature, la confiance me paraît compromise (à quand le prochain hard-fork suite à un autre bug ?).
Merci pour votre article et vos arguments détaillés et tout à fait justes, cependant à l’heure actuelle la problématique du bitcoin devient de plus en plus compliquée. L’idée principale de posséder une monnaie privée hors du contrôle des banques et des états est plus que séduisante, cependant si on se penche sur les contraintes techniques que rencontre la cryptomonnaies en ce moment, on s’aperçoit rapidement qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour stabiliser l’utilisation des cryptos-devises. Par exemple, la question du coût énergétique est assez préoccupante sur la question du minage. Voilà pourquoi chaque nouvel altcoin, doit venir répondre aux problématiques des devises précédentes. Mais dans combien de temps exactement pourrons-nous avoir totalement confiance dans ces monnaies virtuelles pour une utilisation quotidienne ?