▪ La semaine passée n’a pas été brillante sur les places européennes. Elle s’est soldée par quatre séances de repli sur une série de cinq et une perte cumulée de 3,6% en moyenne. Cela dit, Wall Street n’apparaît pas mieux loti avec un S&P qui recule de 3,7% d’un vendredi sur l’autre. Le Nasdaq en particulier ne s’est pas remis des 4% perdus en 48 heures mercredi et jeudi, puisque le Composite lâchait encore 0,6% en clôture vendredi. Il affiche -4% sur la semaine.
Ce qui saute aux yeux, c’est que si la crise des dettes souveraines a sévi sur le Vieux Continent, Wall Street a clairement pris conscience qu’à l’image des subprime trois ans auparavant, un accès de stress sur les marchés de taux pourrait asphyxier l’ensemble du système financier dont New York (pour les actions) et Chicago (pour les bons du Trésor) constituent les deux poumons.
Vous le constatez, les scores hebdomadaires se sont avérés parfaitement comparables de part et d’autre de l’Atlantique… L’Europe ne s’en tirait finalement pas si mal, surtout après la flambée des taux italiens et espagnols.
Paris en revanche se troue complètement, avec une perte cumulée de 4,85%. Le CAC 40 a même raté pour trois petits points d’indice (0,1%) la préservation du seuil psychologique des 3 000 points — contre 3 003 à 17h29 et 59 secondes.
Outre le manque total de réactivité des opérateurs durant le fixing, cette piètre séance de vendredi — placée sous le signe d’une spectaculaire envolée des taux en Espagne — restera tout de même marquée par un singulier record à Paris : celui du plus faible volume d’échanges depuis trois ans pour une journée des « Trois sorcières », avec seulement 2,35 milliards d’euros négociés.
Les chartistes retiendront surtout que le CAC 40 n’a ni préservé les 3 030 points (son niveau de compensation du 16 septembre dernier), ni comblé le gap des 2 973 points. Cela alors que l’Euro-Stoxx 50 (-0,2% vendredi) échappe à la cassure des 2 235 points (MM50) après qu’un plancher de 2 225 points a été testé en matinée. Les indices européens flirtent avec d’importants supports moyen terme mais ils ont évité de commettre un faux pas irréparable.
▪ Aujourd’hui débute le mois de décembre pour tous les usagers des marchés dérivés. C’est la période des habillages de bilan ; après un mauvais mois de novembre (déjà -7,6% en trois semaines), les opérateurs espèrent l’amorce d’un rally de fin d’année.
Un rebond des marchés — et de Wall Street en particulier — serait d’autant plus apprécié que se profile d’ici 48 heures la grand-messe consumériste de Thanksgiving puis du « Black Friday« , qui marquera le coup d’envoi du week-end des soldes d’automne.
A un mois des fêtes de Noël, l’Amérique va pouvoir prendre le pouls de la consommation en grandeur nature. Notez que les chiffres du mois d’octobre ont été dopés par le lancement de la nouvelle version de l’iPhone 4 que les fans d’Apple se sont arrachés. Sans cet électrochoc de pur marketing, les ventes de détail se révèlent globalement ternes, sans marquer de fléchissement alarmant.
C’est assez logique : les Américains se sont remis à consommer à crédit, par le biais de la plastic money (cartes de crédit) dont les encours progressent nettement depuis plusieurs semaines. En d’autres termes, ils se sont remis à vivre au-dessus de leurs moyens.
▪ L’exemple vient d’en haut puisque le déficit fédéral américain atteint de nouveaux sommets. La « super-commission » du Congrès américain chargée réduire la dette n’a plus que 48 heures pour faire adopter des mesures ciblées par la chambre des représentants.
Faute d’accord entre démocrates et républicains, notamment sur l’augmentation de la fiscalité des plus riches (les fameux 1% que dénoncent les participants au mouvement Occupy Wall Street), la super-commission — composée de 12 élus républicains et démocrates — n’aura plus d’autre choix que d’activer le mécanisme de coupes automatiques dans les dépenses.
Elles devraient engendrer 1 200 milliards de dollars d’économies et la mise au chômage technique ou pur et simple de dizaines de milliers de fonctionnaires. Ce serait un très mauvais signal envoyé aux créanciers de l’Amérique et aux agences de notation… mais cela ne fera pas fléchir les « refuzniks » du Tea Party.
Quelles que soient les circonstances, au mépris des intérêts supérieurs de la nation, ils s’opposent à toute augmentation des impôts au nom d’une posture idéologique qui constitue leur marque de fabrique. Plus cyniquement, le Tea Party ne se cache même pas de vouloir envoyer le pays dans le mur pour détruire d’un coup les derniers vestiges d’un contrat social trop redistributif à ses yeux, inspiré des vieilles démocraties européennes.
Pour vous situer le niveau de blocage des négociations sur la dette, Jeb Hensarling, le leader républicain de la super-commission a déjà baissé les bras. Il considère qu’il est temps d’admettre que « la réalité d’un échec commence à prendre le pas sur l’espoir, tant les difficultés restant à régler apparaissent décourageantes ».
Soyons réalistes : le véritable problème depuis le début n’était pas déterminer à partir de quand il apparaîtrait que les discussions budgétaires au Congrès sont dans l’impasse… mais bien comment faire passer cet échec auprès des agences de notation !
▪ Pendant ce temps, la droite conservatrice remportait sans surprise une large victoire en Espagne. Elle a promis de l’austérité, des coupes dans toutes les dépenses sociales, une diminution des salaires des fonctionnaires, une refonte du droit du travail (afin de rendre la législation plus flexible)… et surtout une opération-vérité sur la situation comptable des banques et des caisses régionales.
En ce qui concerne ce dernier point, nous espérons que le nouveau gouvernement de M. Rajoy en restera au stade des promesses électorales… vous savez bien, celles qui ne sont jamais tenues parce qu’elles ne sont pas tenables.
En l’occurrence, dévoiler la véritable ampleur des pertes latentes des institutions financières espagnoles sur les créances hypothécaires (la majorité des prêts consentis à des acheteurs –souvent à peine solvables — étant à taux variables) pourrait créer un vent de panique sur les bons du Trésor ibériques. A côté de cela, le pic de défiance survenu vendredi ferait figure de simple péripétie.
Etats-Unis y España… même combat !