** Vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que les investisseurs européens tirent les marrons du feu au moment même où leurs homologues américains enfournaient leurs dindes ! Les cours de bourses sont peut-être qualifiés de très bas par nombre d’analystes, mais chacun d’entre eux redoute qu’ils soient encore jugés trop chers, vus depuis l’autre bord de l’Atlantique.
Ce que les gérants américains perçoivent surtout depuis le dernier geste de la Fed fin octobre, c’est que l’euro affiche une vigueur réjouissante. Cette dernière se traduit par de copieuses plus-values, mais elles sont liées seulement au taux de change. Même si les indices du Vieux Continent perdent le contact avec leurs sommets annuels — ils se situent désormais entre -8% et -12% par rapport aux zéniths inscrits à la mi-juillet –, exprimés en dollar, ils n’ont reperdu au pire que 3% dans l’intervalle.
La meilleure illustration de ce phénomène nous est fournie par l’indice DAX, le baromètre de la bourse de Francfort. Par le jeu de la flambée de l’euro, il continue d’afficher une performance positive (cela se joue à quelques dixièmes de point près) depuis le 20 juillet.
Pour les gérants opérant depuis Paris, Londres ou le Luxembourg, la correction de Wall Street avoisine en revanche les -20% en à peine six mois. Et, à moins d’avoir concentré ses achats sur les seules valeurs du Nasdaq 100, les placements en actions américaines perdent de 9% à 13%, aussi bien du côté du Dow Jones que du S&P 500.
Souvenez-vous également que le billet vert valait encore un peu plus de 1,31 euro vers le 5 mars, une semaine seulement après le premier coup de semonce de la crise du subprime. Et ceci grâce à la formidable campagne de désinformation déclenchée — avec la complicité des médias — par les économistes des plus grandes banques d’affaire de Wall Street et les « sherpas » de la Maison-Blanche. De ce fait, les indices américains n’allaient pas tarder à prendre 15% en quatre mois, tandis que le dollar ne cédait que 5%.
Si jamais la correction du Dow Jones devait s’arrêter comme par enchantement vers 12 800 points, si le S&P rebondissait après fermeture du gap des 1 406 points du 16 août dernier, alors les gérants américains pourraient considérer que la sanction boursière consécutive à l’éclatement de la bulle des créances hypothécaires et des produits structurés se résume à une simple stagnation de Wall Street. Le tout agrémenté, pour les plus chanceux, d’un gain de 10% dans le compartiment des valeurs dites de croissance.
** Voir s’évaporer des gains, c’est frustrant, certes. Mais c’est loin d’être aussi pénible psychologiquement et financièrement que de subir des pertes sèches. Pour l’épargnant moyen, l’année 2007 — qui s’achèvera dans tout juste trois semaines — se solde par un coup nul. Doit-il se plaindre de ce contretemps alors que rien ne l’empêchait de vendre ? Bien sûr, c’était sans compter sur les mensonges officiels au sujet de la non-contagion de la crise du subprime. Rappelons que le 20 juillet 2007, le Dow Jones affichait un score de 14 000 points (le 20/07/2007, tiens ! Cela donne 200720007 ou encore 2000 x 7 = 14 000 !).
Mais qui doutait à l’époque qu’il ne terminerait pas l’année sans avoir testé les 15 000 points ?
Nous prenons aujourd’hui le pari qu’il faudra déployer pas mal d’efforts et débourser beaucoup d’argent pour lui éviter de flirter avec les 12 000 points d’ici le 21 décembre prochain. Tiens ? Cela donne 21/12 ou 12/21/07, exprimé à la manière anglo-saxonne : constaterons-nous un score 12 210,7 points ce jour-là?
Nous n’allons pas devoir attendre très longtemps avant de découvrir si la glissade amorcée le 31 octobre va se prolonger en direction des planchers du mois d’août à Wall Street. Cette demi-séance de vendredi devrait être consacrée à colmater quelques brèches, mais le rebond pourrait s’avérer aussi timide qu’il le fut en Europe ce jeudi.
** Paris affichait une reprise qu’il est difficile de ne pas qualifier de technique. Le CAC 40 n’a repris que 0,65% (sur les 2,3% perdu la veille) dans des volumes ne dépassant pas les 5,8 milliards de dollars (soit deux milliards de dollars de moins que la veille).
L’absence des traders et gérants américains, en congé ce jeudi pour cause de Thanksgiving, explique cette chute de 30% de l’activité. Le CAC 40 n’aurait d’ailleurs peut-être pas gagné plus de 0,3% sans la spectaculaire envolée d’Air France KLM (11,85%) ni le ramassage appuyé du titre Carrefour.
Le CAC 40 a terminé la séance sous les 5 420 points, seuil qui était considéré en début de semaine comme un beau support potentiel à moyen terme. Mais il reste à la merci de mauvaises nouvelles sur le front des changes avec un dollar qui continue de tutoyer ses plus bas historiques (1,4860 euro).
Avec la cassure du support des 109,3 yens, le billet vert file tout droit vers les 150 yens. Et une banale règle de trois nous invite à anticiper un euro caracolant au-dessus des 152 $ d’ici fin 2007. Le baril de pétrole aura depuis longtemps franchi la barre des 100 $ et l’or pourrait bien avoir entamé sa marche triomphale en direction des 1000 $ l’once…
Philippe Béchade,
Paris