Les mesures de relance monétaires et budgétaires perdent de leur efficacité, et les marchés ne tiennent que par la grâce d’une poignée d’actions : 2021 s’annonce délicate pour les investisseurs.
Un nouvel effondrement des marchés est possible, disions-nous hier – pour plusieurs raisons, aussi bien politiques que boursières.
Après avoir abaissé les taux d’intérêt à zéro et indiqué qu’ils ne bougeraient pas avant 2023 (ou plus tard), la Fed n’a plus de marge de manœuvre pour les abaisser. Techniquement, elle pourrait entrer en territoire de taux négatifs mais elle a indiqué qu’elle ne le souhaitait pas. Selon les preuves les plus tangibles, les taux négatifs n’ont pas plus d’effet stimulant que les taux à zéro.
Légalement, la Fed pourrait élargir son bilan, mais il semblerait qu’il n’y ait aucune pénurie de liquidité restant à combler. Les banques ont des milliers de milliards de dollars de réserves excédentaires en dépôt à la Fed et n’ont pas besoin d’en avoir plus.
Le véritable problème
En outre, le problème au sein de l’économie réelle n’est pas la masse monétaire, qui est abondante, mais la vélocité (la vitesse de circulation de l’argent dans les transactions).
Voici pourquoi…
La vélocité est en baisse depuis 1998 et s’est effondrée au cours de la crise actuelle. La Fed n’a pas le pouvoir d’augmenter cette vélocité (l’émission d’argent frais n’y peut rien). La Fed a fait tout ce qu’elle pouvait. L’effet de sa politique a été positif de mars à septembre, mais il ne peut plus être stimulant. De fait, la Fed a botté en touche et n’est plus utile aux marchés actions.
C’est également vrai pour le Congrès US. Les mesures de sauvetage en réponse à la pandémie ont été colossales, mais ne peuvent être renouvelées. Lorsque les 3 000 Mds$ auront alourdi une dette publique s’élevant déjà à 22 000 Mds$, et que l’on aura revu à la baisse le PIB par rapport à cette nouvelle dépression, le ratio dette/PIB des Etats-Unis devrait rapidement atteindre 135%.
C’est le ratio le plus élevé de l’histoire des Etats-Unis (supérieur à celui de la fin de la Seconde guerre mondiale) et il place les Etats-Unis au même niveau que des pays super endettés tels que le Japon, le Liban, la Grèce et l’Italie.
Il n’y a plus d’effet stimulant
Ce ratio dette/PIB de 135% représente plus qu’un chiffre élevé. Après tout, légalement, rien n’empêche d’augmenter encore les niveaux d’endettement, si le Congrès le souhaite. Le problème, c’est qu’il n’y a plus d’effet stimulant, juste davantage de dépenses.
Les études montrent qu’un ratio dette/PIB de 30% est soutenable et que, même à 60%, le fameux multiplicateur keynésien est supérieur à 1. C’est-à-dire que, dans ce cas, 1 $ emprunté et dépensé crée plus de 1 $ de PIB, du moins temporairement.
Une fois que le ratio dette/PIB dépasse les 90%, le multiplicateur chute en-dessous de 1. Dans ces circonstances, lorsque vous empruntez et dépensez 1 $, vous créez moins de 1 $ de PIB.
C’est le stade auquel une augmentation des dépenses ne produit pas plus de croissance, et où l’on va simplement se retrouver sur la paille. Les seules façons de sortir de cette spirale infernale de la dette, ce sont les défauts de paiement, l’inflation ou une fiscalité confiscatoire qui pénalisent encore plus la croissance.
Pour anticiper ces éventualités, les citoyens dépensent moins et épargnent plus. Cela tue la consommation et la croissance. Bref, le Congrès ne pourra pas emprunter pour s’extirper de la Nouvelle Dépression.
Attention aux grandes valeurs technos
Le biais des grandes valeurs technologiques, sur les marchés actions, est une source de danger supplémentaire. Alors que les principaux indices ont effacé les pertes enregistrées lors de la crise de la pandémie, ce n’est pas le cas de la plupart des actions.
Les indices S&P 500 et Nasdaq 100 sont tous les deux pondérés des capitalisations (selon des formules différentes). L’indice DJIA n’est pas pondéré des capitalisations, mais 40% de ses 30 valeurs appartiennent aux secteurs technologiques, du divertissement ou de la finance, soit les moins affectés par la pandémie.
Résultat de cette concentration (soit par acteur, soit par capitalisation), les principaux indices boursiers reflètent véritablement la performance d’une poignée d’entreprises.
Environ 30% de la performance du S&P 500 ne repose que sur les six actions mentionnées plus haut. Les 494 autres actions du S&P 500 n’ont pas enregistré de gains significatifs depuis les plus bas du 23 mars. Le Nasdaq 100 est encore plus lesté de valeurs technologiques que le S&P 500.
Tout dépend des Big 6
Ce risque de concentration extrême se transpose dans le monde de l’investissement passif et indiciel. Lorsque les investisseurs achètent un fonds indiciel (basé sur le S&P 500, en général), ils achètent en réalité les six grands acteurs technologiques (« Big 6 ») et les 494 valeurs qui sont à la traîne.
On a l’impression que cela fonctionne bien quand les Big 6 sont en hausse. Mais la situation peut rapidement s’inverser. Si les Big 6 fléchissent, les indices de marché et les fonds indiciels fléchiront également.
Qu’est-ce qui pourrait faire fléchir les Big 6 (et les dizaines d’autres grandes valeurs axées sur les technologies, les services numériques et le streaming) ? La liste est longue.
Une fois que les marchés se rendront compte que la Fed n’a plus de munitions et que le Congrès est en panne de stimulus, les pires effets économiques de la pandémie – qui ont largement été évités au printemps 2020 – réapparaîtront.
La guerre technologique avec la Chine s’intensifie de telle sorte qu’elle va priver les fabricants de semi-conducteurs américains de la possibilité de vendre leurs produits à des géants des télécommunications tels que Huawei et ZTE.
De plus, à mesure que la situation s’aggravera en Chine, les entreprises américaines vont perdre de vastes opportunités de croissance.
La prudence s’impose pour l’investisseur boursier.