Par Simone Wapler (*)
Le bortsch, vous connaissez ? C’est la soupe populaire russe. Ce n’est pas succulent, ce brouet à la betterave mais ça réchauffe, et puis quand on n’a rien d’autre à se mettre sous la dent…
La Russie est actuellement dans une situation dramatique. Les capitaux ont déserté les grandes steppes. Une véritable hémorragie : 10 milliards de dollars chaque semaine, selon Michel Santi, de gestionsuisse.com. La Bourse accuse la plus lourde perte d’Europe : 72% de sa valeur en dollars.
Depuis novembre, le gouvernement se saigne pour soutenir le rouble et éviter une dévaluation. Le rouble avait un moment perdu plus de 20% de sa valeur. Les citoyens russes n’écartent pas la possibilité d’une dévaluation. La prime sur les pièces d’or atteint un niveau record : près de 31%. Les acheteurs sont prêts à payer l’or contenu dans une pièce de 5 roubles 30% de plus que le cours officiel comptant du métal jaune. Par comparaison, aux Etats-Unis, la prime est de l’ordre de 14%.
Les retraits en roubles ont été gelés par certains établissements bancaires. Limiter la convertibilité de la monnaie, c’est la bonne vielle recette des régimes totalitaires marxistes que les banquiers locaux ont conservé en mémoire.
Un plan anticrise de 200 milliards de dollars a été annoncé par le Kremlin mais n’a pas du tout rassuré le déposant de base.
La Russie était le mauvais élève des BRIC (les pays émergents : Brésil, Russie, Inde et Chine). Sa prospérité nouvelle reposait exclusivement sur ses exportations de pétrole et de gaz. Plus précisément sur des transactions à effet de levier.
Le budget de l’Etat se base sur un prix du baril de 95 $. Et le pétrole constitue presque tout le budget de l’Etat, les autres recettes fiscales étant anémiques.
Il ne vous a pas échappé que le baril se situait plutôt sous 40 $. Dans ces conditions, on comprend mieux que les Russes cherchent des poux dans la tête des Géorgiens et veulent à tout prix leur faire rendre gaz — pardon, gorge.
En résumé, l’Etat russe est au bord de la faillite. Selon Michel Santi, les credit default swap sur la Russie en novembre valaient 827, alors qu’en Hongrie, juste avant le sauvetage du FMI, ils valaient seulement 605.
Là où nous nous creusons du déficit, les Russes sont prêts à lâcher du pétrole à n’importe quel prix ! C’est une question de vie ou de mort : du pétrole pour se nourrir, pour un pauvre petit bortsch.
Pendant ce temps, l’OPEP peut rager et serrer ses robinets.
Aujourd’hui, les prix du pétrole ne dépendent que de la baisse de la demande. Les pays producteurs, inorganisés, n’ont plus leur mot à dire. Les acheteurs se sont évaporés.
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.