▪ A part peut-être le CAC 40 et l’AEX à Amsterdam, les places européennes ont perdu hier l’intégralité de ce qu’elles avaient gagné la veille. Ce n’est pas très inquiétant en soi mais les indices les plus emblématiques ne sont pas parvenus à inscrire de nouveaux plus hauts annuels, mettant ainsi un terme à une série de six séances de progression consécutives.
Une correction de 1,2% succédant à une envolée de 5% à 6% à Paris, Francfort ou Milan… Voilà qui ne va pas empêcher les bulls haussiers de dormir sur leurs deux cornes bien affûtées. Mais prenez une place comme Londres et le tableau vous apparaîtra aussitôt un peu différent : sur les cinq dernières séances, le bilan des actions britanniques y apparaît proche de zéro.
Il n’est pas nécessaire de rechercher des explications très alambiquées pour expliquer cette contre-performance. La livre sterling vient de reperdre 2% face à l’euro en trois séances, passant de 0,92 à 0,94. Cela entraîne un affaiblissement relatif des actifs libellés dans cette devise très vulnérable à la faiblesse du dollar.
Le billet vert, qui rechute sous les 1,48/euro, inscrit un nouveau plancher annuel à 1,4840. Il enfonce ainsi le support des 1,4830 testé les 22 et 23 septembre 2008 puis ce 23 septembre 2009 — soit à un an de distance jour pour jour.
La plupart des cambistes, graphiques en main, s’accordent à pronostiquer une rechute imminente vers les 1,60/1,61/euro (le plancher historique testé du 16 avril au 15 juillet 2008).
▪ Vous ne serez pas étonné que le pétrole se prépare symétriquement à déborder la forte résistance des 74 $… Cependant, il y a 15 mois, dans des circonstances similaires de défiance vis-à-vis du billet vert, il valait plus du double de son cours actuel.
Mais à l’époque, le mensonge à la mode était l’imminence d’une reprise en "V". L’opinion publique était priée de croire que l’éclatement de la bulle du crédit n’affecterait en aucun cas l’économie réelle. Cela pouvait bien créer quelques turbulences sur les indices boursiers, priver les banques de quelques marges de manoeuvre… cela n’allait pas empêcher le commerce mondial de prospérer et la demande d’énergie de croître sans limite — à l’image du PIB de la Chine, de l’Inde ou du Brésil (la Russie étant de l’autre côté de la barrière en tant qu’exportateur net de pétrole).
Aujourd’hui, quelques stratèges essayent encore de nous faire croire que la demande chinoise (encore elle) soutenait le cours de l’or noir… Mais des porte-parole de l’AIE et des études indépendantes de firmes opérant sur le NYMEX parviennent à cette même conclusion : il n’y a pas de gonflement avéré ou prévisible des livraisons de pétrole d’ici la fin de l’année. En effet, l’activité industrielle demeure historiquement faible dans les pays développés et la Chine n’hésite pas à recourir massivement à l’hydroélectricité et au charbon qu’elle produit — ou importe à bas coût — pour faire tourner ses usines.
Les besoins grandissants en essence et en kérosène sont compensés par une moindre consommation de fioul. La Chine a besoin de davantage de produits distillés mais cela n’implique pas l’importation de quantités supplémentaires de brut… tout du moins pas dans la conjoncture actuelle, marquée par un sévère ralentissement des exportations (-20 milliards de dollars à destination des Etats-Unis, -15 milliards de dollars à destination de l’Europe).
En Europe, peu d’éléments apparaissent susceptibles de soutenir les cours du pétrole — et certainement pas l’indice ZEW du sentiment économique en Allemagne en octobre. Il recule de -1,7 point à 56, alors que les économistes tablaient en moyenne sur une petite hausse vers 58 ; il aurait ainsi pu dépasser ses meilleurs niveaux depuis avril.
En conclusion, et contrairement à une théorie largement répandue dans les salles de marché à Wall Street, ce n’est pas la croissance qui fait grimper l’or noir mais bien la peur du dollar.
▪ La preuve nous en est apportée par l’envol de l’once d’or. Le métal jaune en a profité pour établir un nouveau record algébrique à 1 068,6 $ mardi… alors que les statistiques d’inflation au Royaume-Uni et dans l’Euroland continuent de traduire une contraction des prix des services et des biens de consommation au mois de septembre, avec des scores annuels négatifs.
Le facteur dollar a donc fini par doucher l’optimisme ambiant. Cela s’est traduit par un repli de 1,15%. Le CAC 40 perd ainsi ce qu’il avait gagné la veille. Le test des 3 860 points s’avère plus que jamais décisif — les opérateurs semblent estimer que le newsflow n’est pas assez positif pour effacer cette résistance moyen terme malgré les anticipations favorables relatives aux résultats du troisième trimestre 2009.
▪ A Wall Street, les gains initiaux ont fondu en quelques secondes. Les indices américains ont connu un petit passage à vide après une heure de cotation. Ils revenaient à l’équilibre en clôture, sauf le S&P (-0,3%), plombé par le secteur financier. En cause, la parution d’une étude de l’influente analyste Meredith Whitney ; elle abaisse sa recommandation à "neutre" sur Goldman Sachs, qui devrait pourtant divulguer des profits historiques ce jeudi.
Ces petits nuages ont été vite balayés quelques minutes après la clôture par le vent d’euphorie soulevé par les trimestriels d’Intel. L’entreprise a dévoilé un bénéfice net de 1,9 milliard de dollars, soit 0,33 $ par action, supérieur de 20% aux 0,28 $ anticipés.
Le chiffre d’affaires est ressorti à 9,4 milliards de dollars et devrait progresser au-delà des 10 milliards au quatrième trimestre 2009 — tandis que la marge brute demeurerait très élevée à 62%.
Rien que du bon… et ce n’est pas tout ! Stacy Smith, le CFO d’Intel, a fait la déclaration que les investisseurs auraient voulu rédiger eux-mêmes pour figurer à la Une des quotidiens économiques datés de mercredi : "le marché des PC et le secteur technologique dans son ensemble montrent la voie du retour à la croissance économique".
Nul doute que ce discours, associé à un fléchissement du dollar sous les 1,4850/euro qui soutient les valeurs exportatrices, devrait faire le plus grand bien aux marchés américains aujourd’hui… Il pourrait aussi y avoir un florilège de nouveaux records annuels que les ventes de détail, même en repli au mois de septembre, ne devraient pas remettre en cause — puisque l’électronique grand public se porte paraît-il pour le mieux.
La flambée du pétrole devrait soutenir le secteur des valeurs énergétiques… à condition que les marchés ne se mettent pas à anticiper une résurgence de l’inflation et un resserrement de la politique monétaire de la Fed.
Wall Street aborde donc cette séance de mercredi avec un acquis de +1% engrangé quelques minutes après la clôture. L’impact de la bonne fortune d’Intel devrait s’avérer au moins aussi favorable que celui d’Alcoa — dont les bénéfices comportaient une bonne part d’artifices… et d’argent des contribuables.
Reste à évaluer la part de fait accompli dans les cours de Bourse. Le pari d’un Dow Jones à 10 000 points avant ce vendredi semble tellement évident…