Pas de doute : la crise du crédit a impacté les valeurs de l’acier, pourtant cycliques. Leurs cours ont souffert ces derniers mois, à l’exception peut-être d’ArcelorMittal, meilleure performance du CAC en 2007.
La vitalité du marché de l’acier ne se dément pas
Pourtant, le marché de l’acier semble bien orienté. D’après une analyse du crédit suisse, la croissance de l’offre d’acier sur les dix derniers mois est en hausse de 5,6%, et la croissance de la demande est bien supérieure encore. La différence est telle que même un ralentissement de la croissance économique ne serait pas suffisant pour réduire significativement la demande d’acier, tant les besoins d’investissements dans les infrastructures des pays émergents sont gigantesques.
La demande reste forte
La demande d’acier est en progression de 7% par an depuis 2002. La production mondiale est ainsi passée de 850 millions de tonnes d’acier en 2001 à 1 344 millions de tonnes en 2007, soit une croissance de près de 60%. Pour vous donner un chiffre concret, en 2007, la planète a consommé près de 200 kg d’acier par personne. Enfin, l’Institut international du fer et de l’acier anticipe pour 2008 une hausse de la demande d’acier de 6,7%.
Le marché de l’acier est en pleine effervescence en Amérique latine. Et même si la demande faiblit aux Etats-Unis pour cause de ralentissement économique, la demande reste fortement tirée par les pays d’Asie, Chine, et bientôt Inde, en tête. Car les besoins de l’Inde sont eux aussi faramineux, même si ce pays s’éveille avec un peu de retard par rapport à la Chine.
Il faut d’ailleurs s’attendre à une baisse des exportations d’acier de Chine et d’Inde, leur gouvernement préférant privilégier la demande intérieure et la stabilité des prix aux exportations.
Concernant l’acier inoxydable, le fameux inox (acier noble qui comporte du nickel), l’Europe fournit actuellement les meilleures perspectives de marché. Au niveau mondial, le marché de l’inox devrait croître de près de 8,6% en 2008 contre une croissance de 1% l’an dernier, selon le CRU.
Les contrats à terme du LME confirment la tendance
Depuis leur création en février, les contrats à terme sur l’acier voient leurs prix s’envoler sur le LME. Ce qui montre bien que le marché est en plein essor et qu’il est très résistant aux menaces de ralentissement qui planent sur l’économie US. Lancé au cours de 750 $ la tonne, le contrat vaut actuellement près de 950 $ la tonne sur le LME : une hausse de plus de 25% en deux mois qui s’explique par des stocks d’acier faibles et par la hausse des matières premières qui servent à créer l’acier.
D’où vient le goulot d’étranglement qui limite la production d’acier ?
La production d’acier devrait rester très élevée en 2008, avec un rythme inchangé. Ceci dit, d’un point de vue purement technique, l’industrie de l’acier a été modernisée et dispose de suffisamment de capacité de production pour faire croître la production significativement, et ainsi satisfaire la demande. D’où vient alors le goulot d’étranglement qui rend le marché déficitaire ?
Le goulot pourrait bien venir des matières premières elles-mêmes. Ce serait donc la production insuffisante de charbon et de fer qui empêcherait l’offre d’acier de croître suffisamment pour satisfaire la demande ? Je crois bien que nous en sommes là.
Les prix du fer s’envolent
Depuis cinq ans, le prix du fer, constituant de base de l’acier, grimpe en flèche : +189%. A ce chiffre, il faut rajouter les incroyables hausses des prix du fer qui viennent juste d’être négociées pour l’année 2008 : de 65% à 71% !
Pourquoi de telles hausses ?
– Première raison : le marché du fer est déficitaire (de 50 millions de tonnes cette année). L’offre est insuffisante par rapport à la demande. Et le marché restera déficitaire en 2008. L’ajustement se fait donc par les prix. La situation restera tendue jusqu’en 2010. Au-delà, l’offre devrait commencer à affluer et à combler son retard.
– Seconde raison : les grosses minières productrices de fer, Rio Tinto, Vale et BHP Billiton sont dans une situation de quasi monopole. Elles contrôlent plus de 70% de la production mondiale de fer et peuvent donc imposer leurs conditions tarifaires, notamment aux Chinois qui absorbent à eux seuls 50% de la production mondiale de fer. Pire : les importations chinoises de fer n’en finissent pas d’augmenter : +20% cette année et probablement +25% l’année prochaine ! Mortelle dépendance…
Un prix du fer multiplié par cinq depuis 2002 !
Chaque année, ces trois producteurs de fer — Vale, Rio Tinto et BHP Billiton — discutent avec les plus importants sidérurgistes mondiaux pour négocier un prix pour les livraisons de fer qui s’imposera pour une année.
Le numéro un mondial du fer, le brésilien Vale (ex-CVRD), a imposé une hausse de 65% du prix du fer à ses clients, notamment le coréen Posco, les japonais Nippon Steel et JFE, l’allemand ThyssenKrupp ainsi qu’ArcelorMittal ; et ce à partir du 1er avril 2008. Un prix multiplié par cinq depuis 2002 !
Rio Tinto et BHP, deuxième et troisième exportateurs mondiaux de fer, réclament plus de 71% de hausse aux sidérurgistes chinois, pieds et poings liés.
Et ce n’est pas tout… car pour faire de l’acier, il faut non seulement du fer, mais aussi du charbon coke ! Nous verrons cela dès lundi.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières en cliquant ici.
Source : L’Edito Matières Premières