La dette publique américaine s’emballe et prend des proportions dantesques. Pendant ce temps, les autorités s’enfoncent dans l’irresponsabilité et le n’importe quoi le plus éhonté.
La dette publique américaine a commencé 2008 à 6 051 Mds$, soit 41% du PIB.
Elle a clôturé 2019 à 19 019 Mds$ soit 87% du PIB.
Et puis, en seulement trois trimestres de 2020, elle a bondi de 3 882 Mds$ supplémentaires, à 22 900 Mds$, soit 108% du PIB.
A cours du quatrième trimestre, on a dû passer à près de 23 500 Mds$, soit environ 110% du PIB.
Depuis la fin de 2007, la dette a donc gonflé de quelque 17 500 Mds$, ce qui représente une multiplication par trois.
En 2012, déjà…
Voici ce qu’on trouvait dans Politico le 2 février 2012 :
« Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a déclaré jeudi à un panel du Congrès que la réduction du déficit de l’Etat ‘devrait être une priorité absolue’ ; il affirme que les prévisions de dépenses au cours de la prochaine décennie sont ‘clairement insoutenables’. Bernanke a averti que la dette pourrait exploser au cours des 20 à 30 prochaines années à des niveaux qui pourraient paralyser l’économie.
Le gouvernement a-t-il dit est confronté à une population vieillissante, à une augmentation rapide des coûts des soins de santé et à l’incapacité de combler l’écart entre les impôts et les dépenses. »
Entre le commentaire de Bernanke qui qualifie la situation de « clairement insoutenable » en 2012 et la fin de sa présidence début 2014, le bilan de la Fed a progressé de plus de 1 000 Mds$.
La Fed de Janet Yellen a ajouté 1 000 Mds$ supplémentaires en 2014, à 4 470 Mds$ – et cela dans un environnement sans crise, il faut le noter.
Les rendements de la dette du Trésor ont été dissociés de l’expansion des déficits fédéraux. Au lieu de monter, ces rendements ont au contraire baissé : plus le gouvernement s’endette, moins il paie cher.
Plus les créanciers prennent de risque, moins ils ont de chance d’être remboursés en bonne monnaie saine, et moins ils sont récompensés.
Carte de crédit gratuite
La Réserve fédérale américaine a, dans les faits, accordé au gouvernement et au Congrès US un chéquier discrétionnaire ou une carte de crédit gratuite à plafond illimité.
Plus le gouvernement s’endette, plus la Fed baisse le coût du crédit – et plus, par conséquent, il peut encore s’endetter grâce à l’argument de Yellen ; le service de la dette est supportable, les charges d’intérêt ne montent pas.
Pour aller encore plus loin, Yellen a annoncé de nouveaux trucs : elle envisage de « taper » le marché pour de la dette à 50 ans !
Nous sommes loin de l’avertissement de Bernanke en 2012. Maintenant, plus on s’endette et moins la question de la dette devient préoccupante. La dette, finalement, s’allège en s’alourdissant.
Ci-dessous, une réponse de Yellen lors de son audition de confirmation au Congrès cette semaine. Le mépris pour la logique, pour la cohérence et pour l’honnêteté intellectuelle est incommensurable. La réponse de Yellen est du niveau du café du commerce ou d’une émission sur RMC ou BFM TV :
« Sénateur, je conviens avec vous qu’il est essentiel que nous placions le budget fédéral sur une voie durable. Nous sommes responsables et nous veillons à ce que ce que nous faisons en matière de déficit et de dette améliore la situation des générations futures.
Mais la chose la plus importante, à mon avis, que nous puissions faire aujourd’hui pour nous mettre sur la voie de la viabilité budgétaire est de vaincre la pandémie, de venir en aide au peuple américain.
Et ensuite, faire des investissements à long terme qui aideront l’économie à croître et profiteront aux générations futures. »
En 2009, Laurence Summers – alors secrétaire au Trésor US – expliquait ceci à Barack Obama, qui s’inquiétait d’un plan de soutien de l’économie de 1 000 Mds$ : « Ce n’est pas grave, il suffit de promettre qu’à moyen terme on réduira les déficits et qu’on diminuera la dette. »
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]