Le gouvernement a sorti l’artillerie lourde pour relancer l’économie française : un plan « ambitieux », mais pour qui… pour quoi… et surtout… comment sera-t-il financé ?
La récession n’a qu’à bien se tenir !
Fidèle à ses habitudes colbertistes, le gouvernement français a sorti l’artillerie lourde pour relancer la machine économique grippée depuis le printemps et les mesures prises contre le SARS-CoV-2. Après avoir déclaré la guerre au virus avec le succès que l’on sait, voilà que nos ministres travaillent main dans la main pour tordre le cou à la crise économique qui secoue le pays.
En bons pompiers pyromanes, ils ont dévoilé le 3 septembre une série de mesures pour nous faire renouer avec une croissance qu’ils ont eux-mêmes étranglée. Pour y parvenir, le plan de relance s’appuie sur une ressource qui semble désormais illimitée : l’argent public. Ce sont pas moins de 100 Mds€ qui vont être injectés par l’Etat pour tenter de faire oublier la crise.
Mais au fait, qu’est-ce qu’un plan de relance ?
Lutter contre la récession fait partie de ces belles idées qui, comme la lutte contre la faim dans le monde, la guerre, et les maladies, font l’unanimité.
Aucun citoyen ni aucun homme politique n’aurait la cruauté de souhaiter que le monde s’enfonce dans la pauvreté et la crise, aussi toute critique du principe même du plan de relance est balayée d’un revers de main sous couvert de générosité.
La preuve : même l’opposition n’a pas critiqué le plan de relance sur le fond. Certains opposants se sont émus qu’il ne serve pas quelques intérêts particuliers, d’autres ont regretté qu’il ne soit pas plus ambitieux ou arrivé plus tôt… mais aucune voix discordante ne vient discuter la pertinence de faire dépenser par l’Etat de l’argent qu’il n’a pas.
Il faut en effet rappeler cette évidence qui a été grandement occultée par la majorité en place comme par l’opposition et la presse : l’Etat ne crée pas de richesse, il la redistribue.
La dépense publique, qu’elle soit habituelle ou exceptionnelle comme pour le plan de relance, n’augmente pas la richesse du pays mais prélève sur le secteur productif ce qu’elle réattribue ensuite.
Ces 100 milliards d’euros, dont nous ne reviendrons pas sur la finalité qui est une décision politique déjà abondamment commentée dans la presse généraliste, seront donc prélevés d’une manière ou d’une autre sur l’économie réelle. Il ne s’agit pas d’une augmentation nette de la richesse du pays mais d’un transfert entre les acteurs économiques solvables (contribuables, entreprises) vers quelques heureux élus.
La confusion entretenue entre relance et redistribution
La France est, vous le savez, championne du monde de la taxation et de la redistribution. Dans notre système ultra-égalitaire, nous déshabillons Pierre pour habiller Paul jusqu’à ce que la majorité des différences de pouvoir d’achat entre citoyens soit gommée par l’intervention salvatrice de l’Etat.
Nous soutenons, de la même manière, certaines industries et activités jugées prioritaires qui, incapables de survivre dans un marché libre par le seul fait de leur activité commerciale, s’appuient sur les aides publiques pour rester solvables.
Dans les deux cas, le transfert de richesse ne se fait que dans un sens : des poches de ceux qui ont vers celles de ceux qui reçoivent. Le jeu est à somme nulle, et subit même une inévitable perte du fait des coûts administratifs de la redistribution (percevoir impôts et taxes n’est pas gratuit, et assurer leur distribution aux bénéficiaires ne l’est pas non plus).
Globalement, le pays accepte de s’appauvrir (un peu) pour obtenir les bénéfices d’une société plus égalitaire.
Tout ceci n’a rien à voir avec de la relance : il s’agit d’un transfert qui n’a pas vocation à rendre le pays plus riche dans son ensemble. Or, le fameux plan annoncé début septembre ressemble plus à une politique publique de redistribution qu’à une relance qui devrait, par définition, rapporter plus que ce qu’elle ne coûte.
Dépenser 100 000 000 000 € pour obtenir, selon les vœux du chef du gouvernement, 160 000 emplois sur deux ans est une hérésie. Avec plus de 620 000 € par emploi potentiellement créé d’ici 2022, le coût pour les finances publiques est en totale incohérence avec l’objectif annoncé.
La vraie raison doit donc se trouver ailleurs. Dans la baisse d’impôts des entreprises (20 Mds€ sur deux ans, soit 20 % du plan), alors ? La mesure, qui permet à première vue de donner un peu d’air à notre tissu industriel, est elle encore en trompe-l’œil.
Toute baisse d’impôt sectorielle qui n’est pas compensée à l’euro près par une baisse de la dépense publique est, une fois de plus, un transfert de richesse. Les heureux élus payeront moins, mais d’autres contribuables (parfois les mêmes !) devront compenser le manque à gagner pour l’Etat. A l’échelle du pays, le bol d’air offert aux quelques entreprises bénéficiaires se fera donc au détriment d’autres acteurs économiques chargés de compenser le manque à gagner.
Ce qui manque à ce plan pour mériter le qualificatif de relance est un retour sur investissement chiffré, cohérent et suffisamment élevé pour justifier les milliards engagés. Aucun chef d’entreprise, aucun investisseur ne sort son chéquier sans être convaincu qu’il a de fortes chances que son investissement lui rapporte gros.
L’Etat ne peut faire l’économie de cet effort sous peine de retomber simplement dans ses habitudes redistributrices qui lissent la richesse sans la créer.
Qui payera pour le plan ?
Impossible de terminer cette Chronique sans évoquer la question qui fâche : qui payera pour ce plan, quelle que soit sa finalité réelle ?
Vous connaissez déjà certainement une partie de la réponse, cher lecteur. Notre Etat étant endetté jusqu’au cou, le financement du plan de relance n’a pour l’instant pas eu lieu en mobilisant les deniers publics mais en faisant appel aux créditeurs.
Dans l’immédiat, ce sont les épargnants européens et internationaux qui, par le biais de leurs investissements dit « sûrs » en euros, viennent financer cette nouvelle gabegie.
Si vous êtes un Indien ou un Chinois qui a investi dans un placement bancaire libellé en euros, vous participez certainement au financement de la dette française. Vous êtes un citoyen français qui place son argent dans une assurance-vie « garantie sans risque » ? Félicitation : vous détenez de la dette française dans vos comptes, avec tous les risques que cela représente.
Toute dette doit un jour être remboursée ou effacée. Décider de qui payera, in fine, l’addition, revient à choisir entre la peste et le choléra.
En cas de défaut sur la dette française, qu’il soit officiel avec un abandon officiel des créances ou sournois par inflation dans la Zone euro, ce sont les épargnants évoqués ci-dessus qui payeront la note avec une érosion du pouvoir d’achat de leur épargne.
L’autre solution, c’est le recours à l’impôt et la taxation.
Ce n’est certainement pas une coïncidence si ce plan de relance de 100 Mds€ a été calibré pour représenter, à quelques pourcents près, le stock d’épargne constitué par les Français durant la crise du coronavirus. Ce dernier est évalué aux dernières estimations à 86 Mds€, et est déjà pointé du doigt avec gourmandise par certains hommes politiques. Dans ce cas, ce seront une fois de plus les fourmis qui payeront pour les cigales.
Les contribuables naïfs prendront pour argent comptant la déclaration du ministre de l’Economie qui a déclaré la main sur le cœur que le remboursement du Plan se ferait sans hausse d’impôts. Les autres constateront que, dès le lendemain, le ministre de la Santé annonçait une « surtaxe Covid » des complémentaires santé à hauteur de 1,5 Md€ pour le seul été 2020.
Le gel des prélèvements obligatoires promis n’aura même pas duré 24 heures – et il reste encore 98,5 Mds€ à récupérer.