▪ La séance de lundi s’est inaugurée par un repli de 2,5% de  la bourse de Tokyo, de 2,1% de Hong Kong et de 2,65% à Shanghai. Cela n’a pas  empêché les futures dérivés des  indices américains d’afficher une surprenante fermeté alors qu’il faisait  encore nuit noire à Wall Street. Ils n’ont ensuite pas cessé de gagner du  terrain au fil des heures, passant en territoire positif dès la fin de la  matinée puis grimpant de 0,7% peu avant l’ouverture. 
     
   Quelqu’un savait-il quelque chose que la foule ignorait ?  Allait-on découvrir enfin une excellente statistique de nature à relancer la  mécanique haussière ? Nous avons surveillé avec une attention toute  particulière la publication de l’indice d’activité de la Fed de Chicago pour le  mois d’août… et ce fut effectivement la surprise : il est ressorti en  repli à -0,9 alors que le consensus l’attendait pratiquement à l’équilibre  (après -0,54 en juillet).
Pour résumer, les places asiatiques ont décroché de plus de  2% après un G20 où aucune nouvelle initiative de relance n’a été annoncée. Le  seul chiffre du jour concernant la conjoncture aux Etats-Unis était des plus  médiocres. 
     
   Nous constatons que sur ces bases, les indices boursiers du  Vieux Continent reprennent 3,3% en moyenne (+122 points pour le CAC 40,  passé en quelques heures de 3 703 à 3 825 points, son niveau du 18 septembre  dernier). 
De l’autre côté de l’Atlantique, le Nasdaq grimpait en  flèche de  2% après une heure de  cotations (+2,3% à mi-séance) — cela efface d’un coup l’intégralité des pertes  accumulées tout au long de la semaine précédente. 
     
   ▪ Il avait fallu au Nasdaq cinq séances de consolidation  pour perdre 1,97%. Il ne lui à fallu que 59 minutes pour les reprendre… sans  autre stimulant que l’annonce d’une OPA mixte — celle de Xerox (qui plonge de 17%)  sur Affiliated Computer Services (ACS), qui prend symétriquement  14% à 53,9 $, ce qui est loin de refléter une  prime de plus de 30%. 
     
   Cela vous paraît un peu léger comme prétexte… alors voilà  peut-être du lourd : l’acquisition du pôle pharmaceutique de Solvay par Abbott  Laboratories pour 5,2 milliards d’euros. Cet achat permet à Abbott de prendre  le contrôle de plusieurs médicaments en phase finale de mise au point et de  prendre pied sur le marché en forte croissance des vaccins. 
     
   Mais attendez un peu… c’est tout sauf une annonce surprise.  L’opération était déjà dans les tuyaux depuis longtemps ; les analystes se  disent par ailleurs un peu déçus des conditions définitives de l’opération. JP  Morgan a publié lundi une note précisant que le montant de 5,2 milliards de  dollars est strictement conforme à sa propre évaluation. 
     
   Il ne nous reste donc en réalité que l’annonce de l’OPA de  Xerox pour justifier un envol de 2,40% de l’Euro-Stoxx 50 et de 1,8% du S&P  500. Cela vous semble-t-il un prétexte suffisant pour effacer en une seule  séance une semaine de consolidation ? Ou soupçonnez-vous que les cours de  bourse sont régis par d’autres forces mystérieuses qui auraient échappé à notre  vigilance ? 
     
   ▪ Les commentateurs ont beau répéter que les liquidités sont  abondantes et que beaucoup d’investisseurs ne sont pas rentrés dans le marché  "comme ils l’auraient dû" (comme s’il n’y avait aucune raison  objective de remettre en cause le discours dominant concernant le scénario de  la reprise en "V")… un écart de +3,3% entre les extrêmes du jour  laisse perplexe. 
     
   Une nouvelle fois, les oscillateurs techniques qui  s’infléchissaient à la baisse la semaine précédente — induisant un épisode de  consolidation après 55% de hausse — sont totalement démentis. Le plus  étonnant, c’est que contrairement à beaucoup de commentaires entendus en fin de  journée, les 2,83 milliards d’euros négociés sur le CAC 40 ne traduisent  pas de vague d’achat massive sur les valeurs françaises (surtout avec de tels  écarts en séance). 
     
   Quid de cet océan  de liquidités qui chercherait à fuir des placements monétaires stériles ? 
     
   L’objectif semble donc de faire clôturer le CAC 40 le  plus près possible des 4 000 points d’ici le 30 septembre. Notons que deux séances  de cet acabit y suffiraient largement. 
     
   Est-ce que l’analyse technique reflète encore une  psychologie du marché dans ce genre de circonstances ? Ne devient-elle pas  plutôt l’instrument qui permet — via la construction artificielle de figures  graphiques haussières — de réaliser des objectifs sans relation avec les  informations dont disposent les opérateurs censés privilégier les fondamentaux ? 
     
   ▪ A propos d’information, Goldman Sachs — qui déverse au  quotidien des barils de kérosène dans le réacteur en surchauffe de la hausse  des marchés — nous communique la suivante : le volume des crédits en  défaut de paiement dans les bilans des principales banques européennes (les  fameux NPL ou non-performing loans) s’élève  aujourd’hui à 440 milliards d’euros, en augmentation de 128 milliards, soit  41%, au premier semestre 2009.
Vous mesurez ainsi à quel point la situation des banques s’améliore, s’agissant de leur métier de base qui consiste à prêter de l’argent… et non à jouer celui des contribuables en bourse (en manipulant impunément les cours) comme les médias semble trop souvent l’oublier.
Il existe cependant de fortes disparités. Les banques  anglaises arrivent en tête de la catégorie "Titanic" avec 140  milliards d’euros de NPL, suivies par l’Italie avec 110 milliards, la France  avec 64 milliards et l’Allemagne avec plus de 50 milliards d’euros.
    
   Des montants d’une telle importance ne peuvent être que  partiellement compensés par des plus-values boursières, même d’une ampleur  historique. Et surtout, ces plus-values n’existent qu’à l’état latent :  les achats "non volontaires" des salariés américains qui abondent un  plan d’épargne-retraite en actions suffisent tout juste à absorber les  dégagements techniques au quotidien. 
Heureusement que les vendeurs potentiels respectent  scrupuleusement le mot d’ordre consistant à ne pas vendre tant que la tendance  demeure positive ! Cela permet de ratisser à peu de frais les rares  opérateurs qui tentent des ventes à découvert sur des hauts de cycle court  terme. 
     
   ▪ Nous soupçonnons fortement Goldman Sachs et consorts d’alimenter  une peur de la hausse. Ils prétextent une surabondance de liquidités afin de  disposer de la contrepartie suffisante — c’est loin d’être le cas vu les  volumes actuels — pour prendre leurs bénéfices et rembourser l’argent avancé  par les contribuables dans le cadre du TARP. 
     
   Ceci revient bien souvent à revendre aux gogos des titres  achetés avec leur propre argent au double du prix payé en novembre 2008 ou en  mars dernier.
Tout le monde est content ! Les banques peuvent se  débarrasser de la tutelle de l’Etat… les traders peuvent engranger des bonus  sur des profits effectivement réalisés… et les futurs retraités vont pouvoir  se revendre entre eux des actions dont le cours est gonflé à l’hélium. 
     
   Si les indices rechutent, ce sera une nouvelle de la faute  de ces pauvres idiots d’investisseurs particuliers qui se sont crus de nouveau  riches alors que les indices américains sont remontés à 30% de leurs records de  l’automne 2007. Ils affichaient alors des niveaux de valorisation délirants,  mais c’est le genre de détail que vous êtes prié d’oublier au plus vite ! 
Les ficelles sont grosses comme des cordes de ring mais plus  c’est gros… Vous connaissez la suite : ils nous ont déjà fait le coup  avec les dot.com, puis la bulle du crédit, puis la flambée du pétrole. 
     
   Ces marchés étaient tellement chauds que seuls imbéciles  refusaient d’y investir. C’est un peu comme un tournoi de catch parfaitement  scénarisé où ceux qui gagnent sont systématiquement ceux contre lesquels le  public a parié en masse.  
     
   Les favoris malmènent effectivement leur pauvre adversaire  durant 98% de leur match (les bookmakers écument alors les tribunes pour  encaisser les derniers paris)… puis ils s’effondrent soudain au beau milieu  du ring, en prenant par derrière un coup de chaise pliante sur la tête — alors  que l’arbitre fait semblant de ne rien voir, comme pour la bulle des dot.com ou  l’affaire Madoff. 
     
   Rappelez-vous qu’un pari n’est véritablement gagnant que  lorsque le bookmaker vient vous remettre vos gains en main propre : un  évènement qui reste rare !

