Le système boursier et financier actuel a du plomb dans l’aile – et cela remet en cause toutes les relations entre les intervenants en Bourse… y compris les investisseurs individuels : il va falloir repenser votre portefeuille.
« De quoi ont-ils peur ? »
Cette vieille interrogation vient à l’esprit concernant les marchés.
Tout observateur normalement compétent sait qu’il faut faire quelque chose, et vite. La boule de neige spéculative est en train de dévaster les marchés et de détruire le peu de rationalité qui subsistait dans le Grand casino.
Si les autorités ne font rien, c’est qu’elles craignent quelque chose qu’on ne connaît pas. Pourquoi laisser se développer une telle folie ?
AMC Entertainment a gagné 95% lors d’une séance de bourse sauvage mercredi (en hausse de 83% pour la semaine), poussant les gains depuis le début de l’année à 2 160 %.
L’indice Goldman Sachs Most Shorted, qui suit les actions les plus vendues à découvert, a bondi de 7,6% mercredi, plafonnant une série de huit séances à 17,8%.
Koss était en hausse de 77% mardi et mercredi, avant qu’une vente massive ne réduise le gain de la semaine à environ 17%.
Blackberry a doublé en deux sessions, terminant la semaine en hausse de 38%.
GameStop a augmenté d’un tiers avant de clôturer vendredi avec une avance hebdomadaire de 12%.
PetMed Express a bondi de 58% lors de la séance de mercredi et a terminé la semaine en hausse de 13%.
Bed Bath and Beyond a augmenté de 62% mercredi, mais le gain de la semaine a été ramené à environ 13% vendredi.
Un travail de sape méthodique
La spéculation est destructrice.
D’une part elle pourrit le marché, elle le fragilise et le met à la merci du moindre coup de vent ; la spéculation contient en germe la correction future.
D’autre part elle révèle au public ce qui doit être caché, à savoir que les autorités ont perdu le contrôle et ne peuvent plus piloter qu’en… suivant le courant ; la crédibilité se détruit.
Enfin, la spéculation mine la notion même de valorisation. Tout le monde comprend que la valeur fondamentale est un trompe-l’œil et que dans le monde moderne, tout est frivole. Seul compte le rapport entre l’offre et la demande, il n’y a plus de mythe de la valeur fondamentale qui justifierait les valorisations.
J’insiste : le phénomène de prise de conscience est terrible – et il est destructeur. On en arrive au stade où il n’existe plus d’autre parachute que la Fed, ce qui boucle la boucle de destruction des principes sur lesquels reposent les marchés boursiers modernes.
Rapport de force
Il y a longtemps que les marchés boursiers sont désancrés, que l’on s’écarte de leur valeur d’usage, qui est de procurer un rendement payé par l’émetteur de papier. On est passé à la valeur d’échange, c’est-à-dire à la recherche de la plus-value obtenue en revendant le papier plus cher à un gogo embringué dans la pyramide de Ponzi.
Et désormais, on va plus loin. On détruit même la valeur d’échange popularisée par les modèles mathématiques, les Black & Scholes etc. pour s’installer dans l’irrationnel.
A la limite, on s’installe dans le pur rapport de forces, songez-y !
Une croyance commune est en train de s’effondrer, une convention sur laquelle on a vécu 50 ans se détruit : celle des marchés efficaces.
Grace à cette convention, les marchés étaient plus ou moins pilotables, gérables, légitimes, avec l’aide de la communauté financière complice de la croyance et intéressée à la maintenir.
L’épisode spéculatif s’analyse comme une atteinte au statut des quasi-monnaies – péniblement imposé lors de la financiarisation grâce aux théoriciens des marchés efficaces –, des anticipations rationnelles, des tenants des théories de l’équilibre, des illusionnistes du mythe de la neutralité de la monnaie.
Je n’hésite pas à franchir le pas et à affirmer que le système imposé depuis 50 ans a du plomb dans l’aile.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]