▪ Il est sans doute le meilleur investisseur dont vous n’ayez jamais entendu parler. Il a débuté en 1975 et a rapporté à ses investisseurs un rendement annuel cumulé de 15,2% pendant les 33 années qui suivirent ! Si vous aviez investi 10 000 $ avec lui et les lui aviez laissés, vous auriez eu un million de dollars en 2007.
Il s’appelait Peter Cundill. Sa méthode d’investissement est le sujet d’un nouveau livre écrit par Christopher Risso-Gill, qui fut directeur chez Cundill Value Fund pendant 10 ans. Intitulé There’s Always Something to Do [« Il y a toujours quelque chose à faire », NDLR], l’ouvrage est un résumé de la méthode Cundill. Son titre est inspiré d’une phrase d’Irving Kahn, un doyen de l’investissement (né en 1905) et toujours président de Kahn Bros., qui gère 450 millions de dollars. Kahn a dit : « il y a toujours quelque chose à faire. Il suffit juste de mieux regarder, d’être créatif et un peu souple ».
Cundill était, comme tant d’autres grands investisseurs, un fervent disciple des idées exposées par Ben Graham dans les années 1930. Graham a une longue liste de disciples et d’admirateurs, dont Warren Buffett, le susmentionné Kahn, Cundill et beaucoup d’autres (y compris votre chroniqueur).
Bien qu’elle s’inspire en grande partie de la pensée de Graham, la pierre angulaire de la méthode de Cundill est l’idée d’une marge de sécurité. Vous n’achetez que ce qui est bon marché et bien soutenu par une estimation réaliste de la valeur intrinsèque. Il s’agit d’une approche un peu désuète qui exige minutie, patience et beaucoup de discipline. C’est une méthode qui s’intéresse plus à ce qui se passe dans les lignes des bilans qu’à ce que déclarent les présidents de la Réserve fédérale ou les baratineurs des médias. « Concernant la direction que prendra le marché, je suis un agnostique », a souvent écrit Cundill. « Je n’ai pas de point de vue ». Son objectif était de trouver des titres sous-évalués. Un point c’est tout.
Le livre regorge de « faits de guerre » pour montrer comment Cundill a appliqué ces idées tout au long de sa carrière. Mais le livre recèle également pléthore d’idées intéressantes sur l’investissement, tirées des discours de Cundill, de ses lettres aux actionnaires et de son journal personnel.
J’ai apprécié la pensée de Cundill sur le moment opportun pour vendre car il utilisait une idée que j’ai mise en oeuvre à maintes reprises : « lorsqu’une action double, vendez-en la moitié — vous aurez alors une position libre ». Vendre est la chose la plus difficile en investissement. Personne n’y excelle. Mais cela semble être une approche raisonnable qui protège les bénéfices durement gagnés et aide à contrer les erreurs.
On trouve également pléthore de commentaires intéressants sur le processus d’investissement. Selon Cundill, « 99% de l’effort d’investissement est de la routine, de l’investigation banale, de la vérification et de la double vérification — on construit ainsi laborieusement un réseau d’informations à partir de simples liens jusqu’à ce qu’il constitue un tableau complet ». Je suis entièrement d’accord. Et je repense à tout le temps passé à faire du travail de routine comme assister à des conférences trimestrielles, à lire attentivement divers rapports, circulaires, etc.
Un travail peut-être peu glamour mais nécessaire. Cundill accomplissait lui-même ce travail. « Tout ce dont j’ai vraiment besoin ce sont des rapports et résultats d’une entreprise ; cela plus un bon stylo, une calculatrice de poche et de la patience ».
▪ D’autres aspects des idées de Cundill doivent également être soulignés. Il avait un point de vue égalitaire concernant l’investissement. « Si c’est assez bon marché », écrivait-il, « peu importe ce que c’est ». Cundill avait également une approche internationale. « J’ai beaucoup voyagé », écrivait-il. « Je ne vois donc pas beaucoup plus de risque à investir dans des pays étrangers qu’en Amérique du Nord ».
Où Cundill trouvait-il ses idées ? « On trouve les bonnes affaires parmi les choses impopulaires, les choses que tout le monde déteste. La clé est qu’il faut avoir de la patience ». Il aimait étudier les titres qui affichaient de nouveaux plus bas. Il aimait lire les nouvelles pour voir ce qui se trouvait en difficulté. Il aimait également se tenir au courant de ce que les autres grands investisseurs faisaient. « Il est notoire que les bons poètes empruntent et que les grands poètes volent. Voyez donc ce que vous pouvez trouver ».
En outre, il n’avait pas peur de détenir des liquidités. Cundill avait souvent des positions en liquidités très importantes, parfois à hauteur de 40%. Beaucoup d’investisseurs feraient bien de s’inspirer de son approche.
Son idée selon laquelle l’investissement est un jeu de généraux, et non de comités, est aussi une idée que je trouve intéressante. « A ma connaissance, on n’a jamais eu de bon résultat obtenu par des institutions dirigées par des comités… En réalité, les résultats exceptionnels sont atteints par des dictateurs ». La plupart des meilleurs investisseurs sont des aigles solitaires, même si, naturellement, il existe quelques célèbres associations qui fonctionnent bien, également. (Je pense à Warren Buffett et Charlie Munger.)
On trouve aussi dans le livre une méthode de sélection de titres fort intéressante. Elle s’appelle « les six magiques ». Grosso modo, il faut rechercher un titre qui se négocie à 60% de sa valeur comptable, à six fois les profits et offre un rendement de dividendes de 6%. J’ai passé ces filtres sur le marché actions d’aujourd’hui, sur les capitalisations supérieures à 500 millions de dollars, et j’ai trouvé une action qui remplissait ces critères : Navios Maritime.
Pour Cundill, l’investissement n’est pas seulement une question d’intelligence. « Autant de gens intelligents échouent dans l’investissement que de gens stupides. Les gens intellectuellement actifs sont particulièrement attirés par des concepts élégants, qui peuvent avoir pour effet de les détourner des vérités plus simples, plus fondamentales ».
Autre idée : « tôt ou tard, le marché fera ce qu’il a à faire pour prouver à la majorité qu’elle a eu tort ». C’est là une réflexion forte. Il est important de réfléchir aux hypothèses non étudiées que vous détenez. Que prenez-vous pour acquis ? Peut-être ne le devriez-vous pas.
J’ai souri lorsque j’ai lu la remarque suivante de Cundill : « j’ai la chance d’avoir le genre de vie où rien ne différencie le travail du jeu. Je ne sais pas si je suis en train de travailler ou de jouer ».
Cundill est mort cette année à 72 ans. Grâce à ce livre, les futurs investisseurs ne perdront pas ses perles de sagesse. Ce livre enrichit la bibliothèque des livres d’investissement.