▪ Si vous me lisez régulièrement, vous savez que le cours du cuivre baisse depuis qu’il a touché un pic historique absolu à 10 150 $ la tonne à Londres en février.
La semaine dernière, il a décroché d’un cran de plus dans son mouvement baissier, en direction des objectifs que nous nous sommes fixés en mars (8 100 $ et 7 600 $ en extension).
Mais là n’est pas la question aujourd’hui. Ce dont je veux vous parler est la corrélation entre le cours du cuivre et celui des indices actions (S&P 500).
▪ Le cuivre, métal phare et indicateur avancé
Le cuivre est très fortement intégré dans un grand nombre de secteurs d’activités de l’économie. La demande de cuivre est donc ultra-sensible à l’évolution de la conjoncture économique. Voilà pourquoi on dit souvent que le métal rouge est un indicateur avancé de l’activité économique.
Surveiller l’évolution du stock de cuivre et son cours revient à surveiller l’évolution de la demande de cuivre par les industriels. Or cette demande est le résultat au niveau micro-économique des anticipations de croissance des industriels.
La somme de ces anticipations micro-économiques se traduit dans l’évolution du stock de cuivre et de son cours, et donne un point de vue macro-économique sur les perspectives de croissance de l’économie.
Voilà pourquoi le cuivre est très suivi. Et c’est pour cette raison précisément que nous suivons cet indicateur avancé à L’Investisseur Or & Matières.
▪ Une corrélation positive suivie de près
Le cuivre et l’indice actions vont main dans la main. Dit autrement, ils sont positivement corrélés. Mieux : le cours du cuivre semble précéder de deux semaines en moyenne celui de l’indice actions. Voilà pourquoi bien des investisseurs suivent les cours du cuivre pour détecter des signaux d’achat ou de vente sur les actions.
▪ Tendance baissière sur le cuivre
Or la tendance est en ce moment à la consolidation sur le cuivre. Et le décrochage des matières premières la semaine dernière accélère le mouvement baissier sur le cuivre.
Ceci n’est pas bon signe pour l’économie. Et c’est un signal clairement négatif pour les marchés actions. Il est possible que la tendance des indices actions emboîte le pas à celle du cuivre
Vous connaissez ma position sur les matières. Nous sommes probablement entrés dans une période de consolidation qui pourrait durer plusieurs semaines. Une consolidation saine et nécessaire après les hausses constatées ; et qui nous donnera de bons points d’entrée à saisir. En attendant, cette consolidation in fine pourrait se retrouver dans les marchés actions.
▪ Pour l’instant le S&P 500 reste dans une tendance haussière
Regardez le graphique ci-dessous du S&P 500 :
Vous constatez une claire divergence entre le cours du cuivre qui consolide, et celui de l’indice actions, qui pour l’instant poursuit sa hausse. Une consolidation du marché actions est donc plus que possible. Si tel était le cas, un retour vers les 1 225 points sur le S&P 500 serait possible.
En résumé : à moins que le cours du cuivre ne rebondisse fortement et reparte à la hausse, soyez prudent sur les actions. Prenez partiellement vos bénéfices sur les belles plus-values latentes. Relevez vos stops. Et couvrez votre portefeuille.
[Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises, une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières et au marché des devises. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché, ainsi que celui du Forex.]
Première parution dans l’Edito Matières Premières le 11/05/2011.
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Le fantasme de la reprise
▪ Les actions ont grimpé. Elles sont allées si haut, pendant si longtemps, que nous souhaiterions presque en avoir acheté.
Mais attendez… Réfléchissons au marché boursier en termes d’or. Les actions ont perdu plus de 75% de leur valeur ces 10 dernières années — et elles continuent de baisser.
L’or a repris du terrain. Le pétrole aussi. La vague de baisse que nous attendons est encore à venir. Mais elle arrive. Parce que l’économie est dans une Grande Correction ; il reste encore beaucoup de choses à corriger.
Rien de ce que nous lisons dans l’économie n’est cohérent avec la description qu’en font les autorités.
Si on les croit, l’économie se remet en ce moment d’une récession — grâce à leur action décisive. Mais les faits ne supportent pas le fantasme de la reprise.
▪ Vous savez quel est le vrai secret du succès ? Il n’y en a pas. Le dur labeur, sur une très longue période de temps, ça rapporte — exactement comme les intérêts composés pour votre épargne.
Plus on travaille dur et longtemps à quelque chose, généralement, plus on a de succès.
Mais voici une idée intrigante : et si l’on travaillait à quelque chose pendant plus longtemps qu’une vie ? Si l’on pouvait faire mettre en oeuvre des efforts pendant plus d’une génération ? Si une génération pouvait aider la suivante à réussir ?
L’idée est à la fois évidente… et choquante. Surtout aux Etats-Unis, où l’on est censé être indépendant, subvenir à ses propres besoins et ne dépendre de personne. Vous devez croire que vous êtes responsable de votre propre succès. Vous êtes supposé pouvoir faire tout ce que vous voulez faire… et aller aussi loin que le permettent votre chance et votre cran.
Mais et si ce n’était pas vrai ? Si votre succès, dans la vie, dépendait largement de vos parents et de vos grands-parents ?
Alors que nous roulions dans Baltimore récemment, nous avons traversé un quartier ouvrier appelé Dundalk. Il y a cinquante ans de ça y vivaient des familles d’ouvriers, gagnant de bons salaires à l’usine General Motors… chez Bethlehem Steel… dans les terminaux de fret, les sidérurgies et les usines.
Aujourd’hui ? Les usines ont en grande partie disparu. Les hommes occupent des emplois à bas salaire dans le secteur des services. Mais ils vivent encore à Dundalk.
Nous n’avons pas de faits. Simplement des observations et des suppositions. Mais les ronds-de-cuir ont déjà conclu que les Etats-Unis ont beaucoup moins de « mobilité sociale » qu’autrefois… et même moins que les Etats-Providence sclérosés d’Europe.
Pourquoi les gens restent-ils à Dundalk ? Sont-ils programmés pour le segment le plus bas de la classe moyenne ? Sont-ils culturellement faits pour des emplois peu qualifiés, à salaire limités ? Leur éducation les prédispose-t-elle à une telle situation ?
Les sociologues débattent quant aux causes. Ce qui nous intéresse, ce sont les effets. Quelle qu’en soit la raison, la génération suivante reprend là où la précédente s’est arrêtée.
Nous savons que la richesse est accumulée sur de nombreuses générations. Nous le savons simplement en regardant autour de nous. Notre génération n’a pas construit la plupart des édifices que nous voyons… ni défriché les champs où nos récoltes sont plantées… ni inventé l’automobile, l’avion, la télévision ou le grille-pain. Nous avons hérité de ces choses et de bien d’autres encore.
Nous savons aussi que si l’on est né à New York plutôt qu’à New Delhi, la vie sera probablement plus facile. Nous savons que lorsqu’on est né dans une famille riche du centre de Manhattan, on sera probablement plus riche, en tant qu’adulte, que lorsqu’on est né dans une famille pauvre à Harlem.
Pourtant, combien de gens prennent la responsabilité de la richesse de leurs enfants ? Combien réfléchissent au moyen de faire travailler leur succès pour la génération suivante… et celle d’après ?
Beaucoup de choses exigent plus qu’une génération. Si vous voulez une allée de chênes le long de votre jardin, par exemple, mieux vaut penser en termes de générations… ou commencer très tôt. Les oliviers peuvent prendre 35 ans avant de produire une récolte digne de ce nom. Ensuite, ils vivent pendant des siècles.
Et qu’en est-il d’une compétence ou d’une réputation ? Combien de temps faut-il pour se construire la réputation d’un grand viticulteur ? D’un grand brasseur ? D’un grand luthier ? Ou d’un grand banquier ?
Pas des années. Des générations.
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De Skype au pétrole, le marché se perd en conjectures
▪ Intervenant hier en direct sur BFM Business entre 11h35 et 11h45 comme chaque mercredi à la même heure dans Intégrale Bourse, les animateurs de l’émission m’ont presque pris au dépourvu en me questionnant sur la pertinence du rachat de Skype par Microsoft.
Vous aviez pu lire dans ma précédente chronique un commentaire à l’emporte-pièce indiquant le caractère absurde d’une OPA à 10 fois le chiffre d’affaires sur une entreprise. Cette dernière n’est même pas cotée et n’a fait que des pertes depuis l’origine ; c’est seulement l’année dernière que s’est enfin matérialisé un profit symbolique.
Voilà pour la vision critique de l’opération… mais c’est une posture un peu facile. Je me suis donc fait l’avocat du diable et me suis efforcé de défendre l’initiative de Steve Ballmer, le directeur général de Microsoft.
Skype, c’est une application qu’ont installée pas moins de 50 millions d’utilisateurs sur leur iPhone afin de communiquer gratuitement et de façon illimitée avec des correspondants partout dans le monde.
eBay, qui détenait 65% du capital, n’avait pas réussi à rentabiliser ce « service » largement exploité par les fans des Smartphones et PC vendus par Apple. Peut-être que Microsoft a mis au point une botte secrète pour mieux valoriser Skype, mais j’ignore laquelle. Sa position d’acquéreur majoritaire le place en situation de concurrence frontale avec Google et Apple qui développent déjà des applications similaires mais moins connues du grand public.
En ce qui concerne la mise de fonds de 8,5 milliards de dollars, elle aurait été délibérément gonflée pour couper l’herbe sous le pied des concurrents — qui d’après le marché n’étaient pas acheteurs !
Microsoft aurait donc surenchéri préventivement sur une contre-offre qui aurait pu surgir en cas d’OPA à prix serré. C’est un peu comme si Microsoft avait fait tonner le canon pour intimider un hypothétique renard. Un fusil de chasse aurait amplement suffi, mais cela fait moins de bruit dans le landerneau.
▪ Le bruit a effectivement réveillé les acheteurs qui somnolaient depuis la publication des chiffres du chômage américain vendredi. Les milliards mis sur la table pour le rachat de Skype ainsi que les rumeurs d’introduction de Skoopon ou LinkedIn à des niveaux de valorisation stratosphériques entretiennent l’illusion d’une sous-évaluation globale des valeurs du Nasdaq.
Wall Street flottait encore sur son petit nuage rose ce mercredi lorsque sont tombés les chiffres du déficit commercial américain. Il se creuse à 48,2 milliards de dollars en mars, contre 45,4 milliards en février (chiffre révisé de 45,8 milliards en estimation initiale pour février).
Cela n’a pas impressionné les investisseurs qui se préoccupaient surtout de la bonne tenue initiale des cours du WTI sur le NYMEX — le baril tenait bon le cap des 103 $.
▪ Tout allait — à peu près — bien jusqu’à la publication de l’état hebdomadaire des stocks de pétrole. C’est à partir de 17h30 que le dérapage des indices américains s’est amorcé en même temps que la spéculation se prenait un violent retour de porte de saloon sur le NYMEX.
Après les 6% gagnés lundi (et +1% la veille), le baril replongeait de 4,7% vers 99 $ ; le litre d’essence « sorti de raffinerie » dévissait de 8,3%, suite à la publication de stocks de brut et de carburant ressortis supérieurs aux prévisions.
Cela a fait l’effet d’une douche froide sur les indices américains puisqu’ils ont rapidement chuté de 1,4% en moyenne avant de se redresser laborieusement.
Au final, le Dow Jones perd 130 points (vers 12 630 points) et le S&P recule de 1,1% (sur les 1 342 points). Cela suffit à faire repasser le bilan hebdomadaire dans le rouge… mais pas à valider un signal de consolidation malgré tous les excès de hausse qui se sont succédé depuis l’explosion de Fukushima. A ce propos, Tepco vient d’obtenir hier un prêt de 50 milliards d’euros du gouvernement japonais, un argent qui devra à son tour être emprunté sur les marchés.
Le doublement des pertes à Wall Street est survenu après la clôture des places européennes. C’est ce qui a permis à la Bourse de Paris de grappiller 0,14% et de confirmer sa hausse de la veille à 4 058 points, après avoir stagné durant six heures entre 4 064 et 4 075 points.
L’indice a effectué une brève incursion dans le rouge vers 16h30 mais globalement, tout est resté sous contrôle durant la séance.
▪ Le château de cartes boursier repose sur la capacité de la Fed et sur ses relais bancaires à garder la tendance sous contrôle.
Les initiés ont compris depuis longtemps que le marché n’est plus cette entité ouverte à tous les acteurs, où la multitude des forces sous-jacentes s’exprime librement, parfois aveuglément, parfois avec discernement — mais sans cette volonté de défier en permanence les lois de la gravité et de piéger systématiquement le consensus.
Le relèvement des marges sur le Chicago Mercantile Exchange (CME) a répondu à la volonté du gouvernement de casser les reins de la spéculation. Mais il aura fallu moins de 48 heures pour voir le lobby bancaire dénoncer cette initiative comme nuisible aux vrais professionnels des marchés pétroliers.
Ils citent l’exemple de ce courtier en coton américain (un acteur majeur depuis plus d’un siècle) contraint de déposer le bilan en 2008, faute de pouvoir financer les appels de marge imposés par le CME alors qu’il disposait — comble de l’absurdité — d’un sous-jacent livrable quelques semaines plus tard.
Le principe de ces protestations est toujours le même : « la régulation, voilà l’ennemi ». Cela alors qu’ils passent eux-mêmes leur temps à réguler (ou plutôt devrions-nous dire à empêcher) ce qui ne devrait jamais l’être, c’est-à-dire la capacité des marchés à corriger leurs propres excès.