Les dirigeants économiques et financiers s’appuient sur une série de certitudes de plus en plus fragiles : inflation, taux, risques… Or il suffit qu’un élément cède pour qu’il entraîne tout le reste du système dans sa chute.
Lors de la crise de 2008, j’ai proposé une interprétation plus vaste que l’interprétation dominante imposée par les idéologues des banques centrales.
J’ai expliqué qu’une crise, c’est quand une rupture se produit dans les certitudes, quand un invariant lâche et se met à varier.
La crise, c’est quand, une certitude s’effondrant, le réel cesse d’être dérivable, la linéarité laisse la place au fractal ou à l’exponentiel. On passe de l’arithmétique au géométrique.
En 2008, deux invariants ont lâché. Le premier, c’est la croyance que les prix de l’immobilier ne pouvaient que monter ; le second, c’est l’illusion que le marché du refinancement des banques ne se tarirait jamais.
On a vu ce qu’il en est advenu quand les zozos comme Ben Bernanke ou Henry Paulson ont osé dire : « la crise est contenue ». Ces gens ne savent pas dans quel monde nous vivons, ils ne connaissant que l’imaginaire dans lequel ils vivent.
Ce n’est pas différent aujourd’hui
Nous vivons de la même façon sur les invariants suivants :
– l’inflation actuelle est transitoire ;
– les marchés financiers sont à leur prix car les taux sont bas ou nuls ;
– le levier est maîtrisé, les risques sont circonscrits ;
– la demande pour la monnaie de la Fed ne se dérobera pas.
Ces invariants ne sont pas indépendants les uns des autres ; il faut observer que la seule rupture de l’un d’entre eux précipitera la dégringolade des autres.
Je vous conseille d’en faire l’examen dans votre tête. Vous prenez l’un des invariants, vous le faites sauter et vous imaginez ce qui se passe chez les autres.
L’invariant d’actualité, c’est l’inflation.
C’est lui qui retient l’attention et qui fait l’objet des débats. Cela ne veut pas dire que l’édifice, l’échafaudage ne lâchera pas ailleurs – ou, plus vraisemblablement, ailleurs et sous une forme indirecte qui ne se donnera pas à voir facilement.
Ainsi, la catastrophe Archegos aurait, ou pourra avoir, des ramifications car elle met en cause toute une chaîne de risques que l’on retrouve enfouis dans les family offices, dans les SPAC, chez Ark, etc.
Mais restons sur l’inflation car c’est l’actualité centrale.
Les banques sont fragilisées
Une surprise à la hausse de l’inflation pourrait avoir des ramifications importantes. Le marché obligataire serait confronté à une instabilité majeure.
Au-delà de l’avilissement des cours et de la dilatation des primes de risques, on craindrait la mise en branle d’une dynamique déstabilisatrice : réduction des risques/ désendettement/chute de valeur des collatéraux/grippage du marché du refinancement/disparition de la liquidité.
Tout cela viendrait augmenter les value at risk dans les bilans des banques et réduirait leur capacité bilancielle. Hmm… Vous croyez les banques solides ?
L’instabilité et l’illiquidité du marché deviendront des problèmes encore plus importants, voire dramatiques, car au même moment, les pressions inflationnistes affaibliront la propension/la latitude de la Fed à réaliser des injections rapides et massives.
Soudainement, le marché sera obligé de réévaluer la fiabilité de son filet de sécurité. Il doutera d’un invariant majeur, la capacité de la Fed à mettre en place son fameux put.
C’est le scénario qu’il faut envisager : montée des pressions inflationnistes qui fait peur au marché obligataire en même temps que la Fed a besoin, afin de maintenir sa crédibilité, de déployer ses plans pour réduire le QE et commencer les hausses de taux.
L’instabilité du marché obligataire déclencherait alors une phase de désendettement, d’autant plus meurtrière que les marchés d‘actifs sont gorgés de spéculation sur levier, y compris sur les actifs dont tout le monde sait qu’ils ne sont que du vent comme les cryptos, les SPAC et autres ectoplasmes.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]