La panne d’électricité massive en Espagne et au Portugal a révélé bien plus qu’une simple défaillance technique : la vulnérabilité systémique de nos sociétés câblées.
« Avec le gaz, la cuisine passe à la vitesse supérieure ! » – Slogan publicitaire
Associated Press rapporte :
« Panne d’électricité massive en Espagne et au Portugal : des milliers de personnes bloquées, des millions plongés dans le noir
Une panne d’électricité massive a plongé une grande partie de l’Espagne et du Portugal dans le noir ce lundi, laissant des milliers de voyageurs bloqués et privant des millions de personnes d’éclairage, de téléphone, d’internet et d’accès à l’argent liquide sur l’ensemble de la péninsule ibérique.
Les services d’urgence et les cheminots espagnols ont dû intervenir pour évacuer environ 35 000 passagers, coincés dans plus de 100 trains immobilisés sur les voies après la coupure de courant. A 23 heures, des passagers de 11 trains restaient encore à évacuer, a précisé M. Sánchez.
‘Cela fait presque trois heures que j’attends ici, à essayer de trouver quelqu’un pour m’emmener à l’aéroport. Ma famille est arrivée aujourd’hui, et je ne peux même pas les contacter’, a confié Jessica Fernández à l’Associated Press. ‘C’est terrifiant.’ »
Immédiatement, la droite a accusé les énergies renouvelables, soulignant que 58% de l’électricité espagnole provient de panneaux solaires. De son côté, la gauche a réclamé davantage d’éoliennes et de panneaux solaires… pour éviter que ce genre d’incident ne se reproduise.
Ici, au ranch, en Argentine, les pannes d’électricité ne posent aucun problème. Nous ne sommes pas reliés au réseau. A la place, le soleil recharge les batteries. Mais si le ciel reste couvert pendant quelques jours, l’électricité finit par se couper.
Rien de dramatique. On allume des bougies, on fait du feu. Il y a toujours du boeuf en abondance, et une bonne réserve de vin. Nous pourrions vivre sans électricité presque indéfiniment.
Mais dans les sociétés dites « civilisées », tout est câblé. Et les autorités cherchent à renforcer encore cette dépendance aux réseaux. Comme pour la planification centrale, la banque centrale ou les règles commerciales imposées d’en haut, le pouvoir centralisé comporte des risques.
En Europe, la plupart des gens sont convaincus que la planète produit trop de carbone – et que l’objectif « zéro carbone » doit être atteint, quoi qu’il en coûte. Les architectes, les urbanistes, les ingénieurs, les politiciens… tous plaident pour le tout-électrique, en permanence. Même les voitures doivent être branchées. Deux millions de véhicules électriques ont été vendus en Europe l’an dernier, portant leur part à 15% du parc total. Cela représente plus de 30 millions de voitures qui ne peuvent pas rouler sans courant.
Les sources d’énergie « vertes » sont loin d’être aussi fiables que le charbon, le pétrole ou le gaz. Le vent ne souffle pas toujours quand vous voulez utiliser le grille-pain, et le soleil ne brille pas forcément quand vous voulez prendre un bain.
Les autorités insistent sur le fait qu’elles peuvent surmonter la variabilité des conditions météorologiques en installant davantage de panneaux solaires et d’éoliennes. C’est peut-être vrai. Mais lorsque l’électricité a été coupée la semaine dernière, certains se sont demandé si autre chose n’était pas à l’oeuvre. Des terroristes, peut-être. Des scélérats en mal de nuisance. Ou peut-être le système d’énergie centralisée lui-même.
A mesure que le réseau électrique s’étend et se complexifie, il mobilise toujours plus d’électronique, d’ingénieurs, de logiciels… et de gens mécontents. Autrement dit, autant de nouvelles failles potentielles. Dans un système complexe, les risques ne s’additionnent pas – ils se multiplient. Deux plus deux plus quatre peut faire huit, mais cela peut aussi multiplier par seize les chances d’un effondrement du système.
Les promoteurs du tout-électrique prévoient des systèmes de secours, des contrôles de sécurité plus sophistiqués, des capacités de production de réserve. Mais bien souvent, ils ne font qu’ajouter de nouvelles couches de complexité, c’est-à-dire encore plus de choses susceptibles de mal fonctionner.
Et en injectant toujours plus de logiciels de protection dans les réseaux, ils ouvrent la porte à de nouveaux dangers : les cyberattaques de ceux qui n’ont plus rien à perdre.
En Espagne, au Portugal et dans certaines régions de France, les lumières se sont éteintes en l’espace de cinq secondes. Elles sont restées éteintes pendant une dizaine d’heures dans la plupart des endroits. Il y avait ceux qui ne pouvaient plus se faire un repas chaud et ceux qui attendaient sur les quais qu’un train les ramène chez eux. Où sont-ils allés ? Leurs vieilles jambes les y ont-elles portés ?
Et qu’en est-il des nombreux patients dépendants de concentrateurs d’oxygène ? Ou de ceux qui comptent sur des visites médicales urgentes ? Ou encore des habitants du 25ᵉ étage, aux genoux fragiles, dont l’ascenseur ne fonctionne plus ?
Une semaine après le début de la panne, les experts cherchent encore ce qui a mal tourné. Cette fois, ils ont réussi à relancer le flux d’électrons après quelques heures de panique. Mais que se passerait-il s’ils n’y parvenaient pas ? Et si chaque correctif était lui aussi attaqué, aussitôt mis en place aussitôt contourné ?
Le fait troublant, c’est que les économies modernes sont à la fois extrêmement complexes et extrêmement vulnérables aux défaillances centralisées. Une seule erreur de la Réserve fédérale peut faire vaciller tout le système financier. C’est ce qu’a parfaitement montré Nassim Taleb dans son ouvrage Antifragile : les systèmes centralisés – politiques, financiers, énergétiques – sont fragiles. Et quand ils échouent, c’est rarement en douceur.
Combien de personnes souffriraient si le chauffage s’éteignait ? Si les cartes bancaires ne fonctionnaient plus ? Si les téléphones devenaient muets, les distributeurs hors service, les pompes à essence inactives, les rayons vides faute de camions, et les ventes impossibles à enregistrer faute d’ordinateurs en marche ?
Nous espérons simplement être au ranch lorsque ce jour viendra.
2 commentaires
La civilisation n’est pas toujours plus de matérialisme. C’est aussi une multiplicité de spiritualités qui se sont perdues dans un appétit de production et de consommation destructeur. Les Puranas (au début de notre ère) le prédisent: l’humanité périra par le matérialisme. Par exemple d’une panne générale d’électricité.
En parlant de vous, Bill Bonner, je dis toujours: « Il est vraiment formidable ce gars ! » Merci.