Ce n’est pas tant une histoire de prix qui montent qu’une histoire de monnaie qui, enfin, se déprécie.
Milton Friedman disait que « l’inflation est toujours un phénomène monétaire ». Il voulait dire que la cause de l’inflation, c’était toujours la politique monétaire ; il faisait référence au quantitativisme.
Je le prends autrement, à savoir que je dis que l’inflation du niveau général des prix des biens et des services équivaut toujours à une dépréciation de la monnaie. Si les prix relatifs varient et que l’on ne crée pas de monnaie supplémentaire, il n’y a pas d’inflation.
L’idéologie économique dominante repose sur la falsification, l’inversion et la mystification.
Elle repose sur une structuration de vos perceptions et de votre savoir. Elle repose sur une forme. Elle repose, par exemple, sur la création d’invariants là où en réalité il y a du variable. Elle repose sur l’illusion qui fait croire ce que l’on voit.
Pourquoi les prix varient
Exemple : alors que nous sommes dans une vague colossale de dévalorisation de la monnaie qui a été émise en excès depuis 2008 puis encore plus en 2020, dans une phase colossale de réduction des salaires directs et indirects réels, et dans une phase de surexploitation non moins colossale des salariés, les économistes réussissent à vous faire oublier la monnaie et à vous faire croire que ce sont les prix qui montent.
Le génie du système est là, merveilleusement illustré devant vos yeux : ils dévaluent, déprécient, avilissent votre monnaie… et c’est présenté comme si cela tombait du ciel, comme si en fait c’était vous qui en étiez responsables.
Dans l’équivalence « prix = x € », ils réussissent leur tour de passe-passe pour escamoter la question de la monnaie, c’est-à-dire celle de la valeur de l’euro. Ils vous font oublier qu’un prix, c’est un échange, et que les prix peuvent varier aussi bien en raison du côté gauche du signe égal, qu’en raison du côté droit de ce signe.
Ils vous font oublier que les prix des choses ne sont pas les mêmes selon que vous avez une masse monétaire de M, de 2M ou de 5M !
Ils posent un invariant, et vous croyez que ce sont les prix des biens et services qui montent. Ils ont réussi à faire en sorte que vous croyiez au maintien de la valeur de la monnaie, ce qui leur a permis, leur permet et leur permettra d’en émettre toujours plus à leur profit ou à celui de leurs copains.
Ah les braves gens !
Quand l’accélération est lancée
Objectivement, en termes systémiques, nous ne sommes pas dans une période de hausse des prix, nous sommes dans un période de destruction de la valeur d’échange de la monnaie ; tout le reste, comme les chaînes d’approvisionnement, les raretés, les sanctions, etc., tout cela ne sont que des « causa proxima », soit des causes proches, circonstancielles. Ce sont des prétextes pour faire apparaître de la nécessité, qui elle est de déprécier ce qui est en excès. Il faut bien que la nécessaire dépréciation de la monnaie sur-émise soit visible à un endroit ; c’est ce que l’on voit, mais cela pourrait être ailleurs, sur autre chose.
Les prix qui montent c’est l’apparence, la perception ; c’est ce que vous voyez et qui vous aveugle. Mais la réalité objective systémique, celle qui compte pour le système, c’est qu’enfin – à la faveur des circonstances et du hasard -, les élites ont réussi à dévaloriser la monnaie qu’elles vous ont distribuée, et elles se sont rattrapées de leur objectif ancien qui avait pris du retard – leur objectif des fameux 2% d’érosion/inflation par an.
Je vais vous livrer un grand secret. Ce grand secret est celui de l’hyperinflation.
L’hyperinflation est une prise de conscience sociale ; c’est une vérité sue, partagée, propagée, une vérité dont tout le monde sait qu’elle est sue. C’est la vérité que ce ne sont pas les prix qui montent, mais la monnaie qui se déprécie.
L’hyperinflation est un phénomène de foule ; c’est quand les gens à la faveur d’on ne sait quoi, prennent conscience du côté droit de l’équation « prix = x € ».
A ce moment-là, ils se débarrassent de la monnaie qui leur brûle les doigts.
Et la chute fait boule de neige ; la banque centrale court derrière, puis elle en émet encore plus pour préserver les échanges et le financement du gouvernement. C‘est le cercle infâme.
Et l’hyperinflation boursière ?
Une piste de réflexion pour un autre jour : on dit que les valorisations du papier boursier sont élevées ; toute la doxa financière et analytique est fixée sur cette vision avec le multiple cours-bénéfice qui aveugle tout le monde.
Mais la réalité objective est ailleurs ; la réalité objective, c’est que si un titre a un multiple cours/bénéfice de 50, cela veut dire que le rendement du capital-argent correspondant est de 2%. Si le multiple est de 100, le rendement chute à 1%.
La hausse des cours boursiers est équivalente à la chute du rendement du capital-argent : c’est la raréfaction des occasions rentables d’employer son épargne ou son capital, l’effondrement de la rentabilité interne d’un placement, et son remplacement par l’espoir de réaliser une plus-value sur le cours de Bourse.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]