La Fed arrête le processus de hausse des taux directeurs tout en indiquant vouloir réduire son bilan.
Vous connaissez le tic verbal du président Macron : « en même temps ». Signe rassurant de modération pour ses admirateurs, signe de flou et d’enfumage pour ses critiques.
Hé bien, hier, la Federal Reserve nous a tenu le discours du « en même temps ».
La Banque centrale américaine laissera ses taux directeurs inchangés jusqu’à nouvel ordre mais « en même temps » elle parle beaucoup de la réduction de son bilan qui serait imminente.
Le fait de stopper à ce niveau de taux directeur témoigne d’une politique monétaire laxiste. Le crédit reste quasi-gratuit.
Envisager une réduction de bilan est un durcissement monétaire. La Fed va remettre des titres obligataires sur le marché. Donc des liquidités vont revenir se figer dans des obligations qui avaient été retirées du marché. Il y aura moins d’argent (crédit) disponible pour autre chose.
Politique laxiste mais « en même temps » plus rigoriste… Colombe et « en même temps » faucon.
Evidemment, cela n’a pas beaucoup de sens. Mais de toute façon, nous n’en sommes encore qu’au stade des mots pour la réduction du bilan, pas des actes.
L’examen des minutes de la Fed du mois de juin est toutefois très édifiant selon mon collègue Graham Summers.
« La Fed revient totalement sur sa politique faucon et semble en avoir presque terminé avec ses hausses de taux.
La signification de ceci ne doit pas être sous-estimée. C’est une chose que Yellen roucoule comme une colombe devant le Congrès (ce qui pourrait ne simplement être qu’une posture politique) ; c’est une autre chose, complètement différente, que le conseil des gouverneurs tout entier opte pour une attitude de colombe.
Les marchés n’anticipent maintenant plus aucune hausse de taux en 2017 et le dollar chute tandis que les métaux précieux progressent. »
Oui, mais… et la réduction du bilan ?
La star de la gestion obligataire, Bill Gross, de Janus Capital, a une idée sur ce sujet qu’il expose sur CNBC :
« Ils s’apprêtent à réduire le bilan parce qu’ils veulent une courbe des taux positive. […] C’est important, je pense dans une économie endettée de ne pas avoir une courbe des taux qui a tendance à s’aplatir et la Fed en est consciente. […] Cela aura un effet plus symbolique que réel sur les marchés ».
La « courbe des taux » indique la relation qui existe entre les taux d’intérêt à court terme et les taux d’intérêt à long terme. La réduction du bilan devrait pousser à la hausse les taux longs puisqu’il y aura moins d’argent disponible pour se placer dans des emprunts à long terme.
Les mises en vente devraient commencer en septembre, après la rencontre de Jackson Hole, traditionnelle réunion de la Parasitocratie financière.
En quoi cela nous affecte-t-il, nous, investisseur en Zone euro ?
A court terme :
- Le dollar baisse donc l’euro monte (par rapport au dollar). C’est le moment de partir en vacances aux Etats-Unis !
- L’or et l’argent ont réagi à la hausse (puisque le dollar baissait) s’adjugeant plus de 1%
- Mécaniquement, c’est plutôt bon pour les actions américaines car les gros gérants hors US raisonnent en « poches monétaires ». Puisque le dollar a baissé, leurs portefeuilles de titres cotés en dollar reconverti dans leur monnaie ont baissé. Comme ils s’engagent vis-à-vis de leur client à un certain équilibre monétaire, ils vont racheter des actions en dollar pour maintenir leurs proportions.
A moyen terme :
- L’inflation – l’acide susceptible de ronger les dettes – tarde à venir.
- Une crise budgétaire couve aux Etats-Unis car il va falloir discuter à nouveau du relèvement du plafond de la dette. Le doute commence à s’instiller sur la maîtrise de la situation par les banquiers centraux.
Tout le système monétaire et financier ne tient que par la dette et toute la dette ne tient que parce que les taux sont bas…
Les banquiers centraux prétendent avoir sauvé l’économie avec leurs politiques monétaires exceptionnelles, mais « en même temps » ils semblent incapables de les retirer.
Rien ne vous interdit d’avoir confiance dans les théories monétaristes de nos grands argentiers, mais « en même temps » je vous conseille d’avoir un peu d’or qui me semble très bon marché.
[NDLR : tous les ors ne sont pas égaux. Ne vous trompez pas pour vos achats d’or physique. Choisissez cette pièce qui a un statut bien particulier qui lui vaut une fiscalité très douce. Tout est expliqué ici.]
1 commentaire
Excellent article !
Contrairement à l’idée reçu, les taux bas ne sont pas mauvais pour les banques puisqu’ils n’impactent pas le différentiel entre le prix de vente (taux du crédit) et le prix d’achat (refinancement à la banque centrale, marché inter bancaire, épargne collectée..) de la monnaie. Ce qui détermine réellement le niveau de marge des banques, c’est donc la courbe des taux. Plus le spread entre les taux à court terme (prix d’achat) et les taux à long terme (prix de vente) est faible, moins la banque gagnera d’argent en distribuant des crédits.
Par conséquent :
1/ le QE ne stimule ni l’inflation ni l’économie, il participe au contraire à restreindre la croissance du crédit au secteur privé.
2/ si la FED permet une remontée des taux à long terme via la réduction de son portefeuille d’obligations gouvernementales, les marges des banques vont remonter, ce qui les incitera à prêter davantage et pourrait donc relancer l’inflation.
En tous cas, c’est mon point de vue…