Au moins deux raisons vont pousser les prix du pétrole à la hausse à l’avenir, de manière définitive ou presque.
Nous avons vu précédemment que la forte variabilité des prix du pétrole conduisant à de très fortes hausses ou/et à de très fortes baisses était très déstabilisante. Mais, en matière d’énergie, nous changeons d’époque et il n’est pas question ici de s’interroger sur les avantages et inconvénients d’une telle situation.
Nous assisterons dans le futur à une forte hausse du prix de l’énergie fossile (dont surtout le pétrole) pour au moins deux raisons.
Tout d’abord par des mécanismes incitatifs ou punitifs. Tous les gouvernements du monde – y compris les plus réfractaires à la transition énergétique – devront en effet corriger la trajectoire de la consommation mondiale d’énergie afin de converger vers les objectifs de développement durable. Et, immanquablement, ceci se traduira par une flambée des prix du pétrole.
Une transition pour combien de temps ?
Par ailleurs, durant cette longue période de transition, les investissements dans les énergies fossiles chuteront lourdement, tandis que les consommateurs (ménages et entreprises) en auront encore beaucoup besoin pendant 10, 15, voire 20 ans… en fait personne ne sait, et c’est la raison pour laquelle nous parlons tous doctement de transition.
En panne d’investissements face à une demande structurelle forte, le coût de production de ces énergies va flamber (eh ! oui la loi de l’offre et de la demande reste une loi économique qui ne peut pas être transgressée).
Au-delà de cette inflation structurelle à venir et qui n’est pas suffisamment anticipée par les marchés (il faut donc anticiper des taux réels durablement négatifs, car les taux longs nominaux ne remonteront jamais pour rattraper ce nouveau régime d’inflation, pour de nombreuses raisons), nous devons réfléchir aux conséquences sur la croissance.
Pour ce faire, il faudra mieux comprendre l’interdépendance entre le facteur de production capital et le facteur de production énergie (oui c’en est un au même que le capital et le travail)
D’un côté, si le capital est complémentaire à l’énergie, la hausse du prix de l’énergie entraînera une hausse du coût du capital, et il y aura recul de l’investissement, donc recul de la croissance. Nous rentrerons alors dans une triste et longue période de stagflation.
De l’autre côté, si le capital est substituable à l’énergie, la hausse du prix de l’énergie entraînera une hausse de l’accumulation de capital visant à réduire la consommation d’énergie et sera un puissant facteur de soutien à la croissance.
Difficile à ce stade de savoir – en l’état actuel de la connaissance économique – quel est le scenario qu’il faut privilégier.
Le blocage des prix ne résout rien
Quoi qu’il en soit, à toute chose malheur est bon, pour reprendre le célèbre adage. Si l’on est convaincu par cette hausse irréversible du prix des énergies fossiles en général et du prix du pétrole en particulier (comment, compte tenu de ce que l’on a développé plus haut, pourrait-il en être autrement ?), les économies, les marchés financiers et, avec du temps, entreprises et ménages finiront par s’adapter à cette nouvelle donne.
Ce n’est pas du fatalisme, mais de la sagesse qui doit toujours consister à vivre dans le monde tel qu’il est, et non dans le monde tel qu’on voudrait qu’il soit.
De véritables hommes d’Etat ou, sans même aller jusque-là, de véritables responsables politiques déconnectés d’un cycle électoral (je ne sais pas si cette espèce existe) devraient pouvoir dire à leurs concitoyens ces réalités, plutôt que de faire plaisir aux automobilistes dans une démagogie pré-électorale et même post-électorale en bloquant les prix de l’essence.
Le blocage des prix est une absurdité économique que je croyais presque unanimement admise, puisque ce blocage des prix est financé par d’autres voies par ces mêmes personnes. La différence étant simplement que les conséquences ne se voient pas tout de suite (éternelle illusion monétaire ou nominale quand tu nous tiens).
Qu’est-il prévu, par exemple, par le gouvernement français lorsque le prix du litre d’essence vaudra 3 €, puis 4 €, puis 5 € ? Je pense que la majorité des « responsables » politiques n’envisagent pas cette évolution (encore une fois, avec cette incapacité ou cette absence de volonté à anticiper), et que la petite minorité qui y pense se dit qu’elle ne sera plus aux affaires lorsque ceci se produira.
Le triomphe de la démagogie sur la pédagogie est désastreux. Il fabrique des mouvements sociaux prétendument contestataires type Gilets Jaunes. Ces mouvements sociaux ont la prétention de vouloir faire la révolution, souvent dans le confort de démocraties qu’hypocritement ils détestent.
Mais voilà : non seulement il est toujours plus efficace de réformer le système de l’intérieur (quels que soient nos moyens), mais, surtout, les révolutions finissent presque toujours très mal.