La Chine a mis les bouchées doubles pour rattraper son retard. Elle ne recule devant rien pour assurer sa supériorité mondiale, d’abord en termes de PIB… avant de passer à l’attaque dans d’autres domaines.
Le modèle chinois ne fait plus rire, avec des autorités qui assument de manipuler à leur guise et sans faux-semblants les marchés de taux, le yuan, l’immobilier résidentiel, le bitcoin, la Bourse de Shanghai et celle de Dalian (pour les matières premières).
Parce que c’est leur « système » qui est comme ça… et ça a fonctionné durant trois millénaires, jusqu’à ce que Mao tente de remettre tout à plat. C’est surtout son pays qu’il a mis par terre, durant quatre décennies…
Cependant, au cours des quatre décennies suivantes – depuis 1980 –, la Chine a fait mieux que rattraper son retard en renouant avec son mix de tradition mercantiliste tri-millénaire (route de la soie, terrestre puis maritime) et sa stratégie impériale de gestion dirigiste, planificatrice et centralisée (variante de l’élite administrative symbolisée par les mandarins).
Vu les succès obtenus, Pékin n’est pas près de changer de méthode de gouvernance… et peut revoir à la hausse ses ambitions.
Ce ne sera pas de tout repos, cela dit…
La Chine surpassera les Etats-Unis en termes de PIB d’ici 2025, c’est une évidence quasi-mécanique, mais elle ne sera pas encore prise totalement au sérieux par les Occidentaux si elle ne s’impose pas également comme un leader technologique.
Certes, la Chine dépose plus de brevets que les Etats-Unis chaque année, mais elle n’est pas encore considérée comme la plus « innovante », ni comme un rival militaire sérieux pour la superpuissance américaine.
Une arme discrète mais implacable
Plutôt que d’essayer d’aligner des porte-avions par dizaines et des ogives nucléaires par milliers, la Chine pourrait tenter de supplanter l’Amérique par le biais d’une arme bien moins intimidante mais bien plus difficile à contrecarrer : l’arme monétaire.
Nos lecteurs savent que la Chine est bien plus avancée que les Etats-Unis ou l’Europe sur la voie de la devise numérique, fonctionnant sur la base d’une architecture blockchain… mais centralisée pour les besoins de la cause, par opposition aux « registres distribués » qui constituent le principal argument des fans des cryptos s’inspirant des thèses libertariennes.
La Chine poursuit un double objectif : pour l’extérieur, proposer un actif de réserve plus stable et plus crédible que le dollar et mettre fin à son hégémonie (notamment dans le négoce des matières premières et de l’énergie). Et en interne, contrôler la monnaie et l’usage que chacun en fait, combattre l’évasion fiscale, éradiquer tout ce qui peut se substituer au yuan comme moyen de paiement « officiel » dans le pays, notamment les altcoins et en particulier le bitcoin.
Le pire des deux mondes
Pour résumer, la devise numérique d’Etat à la chinoise, c’est le pire des deux mondes : une banque centrale qui peut imprimer autant de nouvelles unités qu’elle le souhaite (comme des ethereums, des binance coins, des cardanos… et des milliers d’autres cryptos) et contrôler ce qu’en font les particuliers et les agents économiques au sens large.
Pékin a laissé se développer tout un écosystème autour de Bitcoin. Cela a permis de voir éclore toutes les potentialités de la blockchain pour son projet de yuan numérique, avant de faire couper le courant aux « fermes de minages » fin juin (90% de la production de Bitcoin anéantie) et d’en prohiber l’usage comme moyen de paiement dans tout le pays… y compris pour des opérations anodines comme le règlement d’une note de restaurant, des achats en ligne ou un virement de compte à compte.
Une banque centrale comme la PBOC ne peut admettre l’existence d’un moyen de paiement – et potentiellement un « moyen de crédit » – concurrent du sien au sein de sa propre zone de souveraineté (voire d’hégémonie) monétaire.
Ace sujet, une initiative de Taïwan risque de faire bondir Pékin : la banque centrale de l’île – dont l’indépendance n’a jamais été reconnue par la Chine – a mobilisé des équipes autour d’un projet de devise numérique dénommé « Govcoin » qui pourrait constituer l’ébauche d’un futur dollar taïwanais négociable via une blockchain.
Or le dollar taïwanais est une vraie devise convertible, obéissant aux lois du marché, acceptée dans tous les bureaux de change de la planète, ce qui est encore loin d’être le cas pour le yuan…
Un pays qui accède à un leadership économique planétaire comme la Chine ne peut asseoir un tel statut que si sa devise est pleinement convertible, puis s’impose comme la plus répandue, la mieux valorisée, la plus sûre (offrant les meilleures garanties, c’est-à-dire adossée à des actifs comme l’or ou un stock de matières premières stratégiques dont le cuivre, le nickel ou le silicium).
C’est ainsi que le yuan deviendrait incontournable aux yeux de ses partenaires commerciaux.
Accumulation d’erreurs
Cela aurait pu être la (glorieuse) thématique des festivités qui ont marqué le 100ème anniversaire de la naissance du parti communiste chinois, le 1er juillet 1921… Un parti qui ne comptait à son origine qu’une cinquantaine de membres – dont 13 membres fondateurs – contre 92 millions aujourd’hui (et un milliard de « sympathisants »).
Les 60 premières années du parti comportent quelques succès militaires (mais aussi beaucoup de défaites durant la « Longue marche », comme la perte de souveraineté jamais admise sur Taïwan), menant à la proclamation du régime actuel en 1949…
Cependant, de 1950 à 1980, le « Parti » a commis à peu près toutes les erreurs économiques et sociales qu’un régime politique aveuglé par son dogmatisme puisse commettre.
Et puis, ayant visiblement appris de leurs erreurs, les dirigeants du pays, et Deng Xiaoping le premier, ont engagé la Chine sur une autre trajectoire qui a fait passer le pays de 1,5% du PIB mondial (en 1979, de mémoire) à 16,5% en 2021.
Le ratio avec le PIB des Etats-Unis (22 000 Mds$) se contracte d’ailleurs à 1,3 cette année contre 1,4 en 2020.
Toutefois, il faudrait que la Chine double encore de taille par rapport à 2020 – en termes de PIB – pour retrouver son niveau d’apogée économique, avec 30% du PIB mondial estimé en 1820 (à la fin de l’ère napoléonienne), quand les Etats-Unis ne représentaient que… 1,5%.