Les actifs virtuels sont autant de feuilles mortes abandonnées par les marchés en ce début d’automne, alors qu’ils leurs préfèrent des actifs bien tangibles.
Au soir du 22 septembre, veille de l’équinoxe, le S&P 500 accusait une perte hebdomadaire de 3%, et semblait avoir grillé tous ses jokers.
Au final, il échappe encore à la correctionnelle, avec un score à peu près nul depuis le 25 juin dernier, quand il était à 4 330 points. Du côté obligataire, le taux de référence américain à 10 ans s’est dans le même temps envolé de 3,68% vers 4,48%, soit 80 points de base.
En Italie et en Grèce, les taux d’intérêt sont encore plus tendus, avec des niveaux de respectivement 4,5% et 4% (observez que les émissions grecques inspirent désormais davantage confiance que les emprunts transalpins… du jamais vu depuis 20 ans) tandis que les taux allemands ont aussi grimpé de 1,92 vers 2,75%, un plus haut depuis juillet 2011.
En ce qui concerne nos OAT de maturité 2033, leur rendement est passé de -0,4% en janvier 2021 à 3,35% le 22 septembre 2023, soit 375 points de base d’augmentation.
Des années semblables
A titre de comparaison, lors du krach obligataire mémorable de janvier à octobre 1994 – où l’on avait observé à plusieurs reprise une volatilité quotidienne record, surpassant celle des pires séances de correction survenues de septembre 1986 à octobre 1987 (il n’y en avait que pour les actions, c’était le « risk-on » à outrance) –, le rendement était passé de 5,6% à 8,4%, soit une tension de « seulement » 280 points. Et, surtout, cela ne représentait « que » 50% de hausse contre, près de 400% sur nos OAT, et 450% sur les bons du Trésor américains (en 33 mois).
Il ressort de ce qui précède le constat qu’à l’image des années 1987 ou 2008, la désaffection pour l’obligataire ne semble pas pénaliser les actions. Nous avons même observé une forte progression simultanée des taux longs américains (3,35/4,08%) et du S&P 500, du 2 mai au 4 juillet (de 4 060 à 4 450 points, soit presque 10% de hausse).
Cela constitue une saisissante anomalie qui est positivée par le narratif du « risk-on », lequel a été justifié par des révisions à la hausse de perspectives bénéficiaires et la poursuite de plans de rachats de titres massifs grâce aux liquidités gratuites captées par les grandes entreprises de mars 2020 à mars 2022 (début des « quantitative tightenings » de la Fed, imitée 3 mois plus tard par la BCE).
Coïncidence pétrolière
Ces évolutions atypiques se doublent d’une flambée du pétrole dans les semaines suivantes, avec le baril de Brent qui a flambé de 72,5 $ le 26 juin vers 94,5 $ le 18 septembre (+30%).
Cela commence à beaucoup ressembler aux scénarios du printemps 2008 (86/146 $ soit +70%) ou d’avril à septembre 2001 (25,5/37,5 $ soit +50%), des périodes de diversification des portefeuilles vers des actifs « tangibles » par opposition aux actifs virtuels présentant une valorisation de plus en plus déconnectée du réel.
Mais cette sorte de règle se renforce d’une troisième occurrence plus frappante encore : la flambée du pétrole de mars à août 1987 (de 16,2$ à 22,2$, soit +37%).
Admettons qu’il ne s’agisse que d’une coïncidence, elle a tout de même précédé les trois plus fortes corrections boursières des 36 dernières années.
Certains critiqueront le caractère peu scientifique du postulat que la combinaison d’une hausse du pétrole et d’une hausse de taux ont systématiquement raison d’une hausse simultanée de Wall Street dans un délai maximum de 6 mois (parce que ce n’est arrivé que trois fois)… mais il nous paraît dangereux de jouer aux héros en défiant cette sorte de règle, alors qu’une correction majeure des indices peut désormais survenir entre demain matin (25 septembre) et Noël au plus tard.