** La discussion a changé.
* Les mêmes gens. Le même endroit. Le même sujet. Mais lorsque des voisins se rencontrent, en cet automne 2007, la conversation a toutes les chances d’avoir un effet entièrement opposé. Aujourd’hui, comme en 2005, des gens se rassemblant autour d’un verre seront probablement stupéfaits de voir pour combien la maison d’en face s’est vendue. Il y a deux ans, la nouvelle était reçue avec un certain plaisir ; le propriétaire était ravi, sans vouloir trop s’en vanter.
* Il y a deux ans de ça, il fêtait sa bonne fortune en réaménageant sa cuisine, en faisant installer des revêtements en ardoise et en achetant l’un de ces énormes réfrigérateurs ultra-chers qui fuient sur le carrelage. A présent, si le téléphone ne sonne pas chez le revendeur de cuisines, c’est parce que le propriétaire n’appelle plus. Il a entendu que la maison d’en face s’est vendue moins cher que son prix d’il y a deux ans. Dommage. Deux années de gains effacées. Selon les voisins, les Schultz se préparent à vendre… et les Morrison n’ont pas encore eu d’offre pour leur maison. Quant à Mme Butler, si elle se rend compte de ce qui se passe entre M. Butler et Miss O’Flanaghan, eh bien… ce sera l’heure des adieux pour eux… et une autre maison à vendre.
* Selon les chiffres Case/Shiller, le prix de vente moyen était en baisse de 3,5% dans vingt grandes villes américaines, jusqu’en juin. Mais c’était avant l’été. Et selon les constructeurs immobiliers, c’est en août que les choses ont vraiment commencé à se gâter.
* Lennar déclare qu’il ne peut plus vendre de maisons avec profit dans certaines régions. Les ventes finales sont en baisse de 40% par rapport à il y a un an. Pas étonnant. Il y a 4,5 millions de maisons à vendre dans tous les Etats-Unis — quasiment deux fois autant qu’au début 2005. Et le trading en futures, toujours en se basant sur l’indice Case/Shiller, implique que les prix de l’immobilier chuteront jusqu’en 2010.
** Il est difficile d’imaginer comment les dépenses de consommation pourront tenir. Il n’y a que trois sources de liquide pour la plupart des consommateurs : l’épargne, les salaires ou le crédit. L’épargne, oubliez ça. Les salaires ne vont nulle part. Ne reste plus que le crédit. Les consommateurs américains vivent à crédit depuis des années — mais c’était un crédit assuré par la hausse des prix de l’immobilier. A mesure que leur maison grimpait, ils pouvaient "extraire" de la valeur. Tant que le marché de l’immobilier ronronnait, cette valeur valait à peu près le total de la croissance du PIB US. A présent, cette source a disparu elle aussi.
* Résultat quasi-inéluctable n°1 : le consommateur va devoir dépenser moins. Résultat quasi-inéluctable n°2 : l’économie entrera en récession.
* Les dépenses de consommation représentent plus de 70% de l’économie US. Jamais aucune économie, dans toute l’histoire, n’a été si dépendante de la consommation. Et si les ménages cessent de dépenser, soit quelque chose prend le relais… soit l’économie entre en récession.
* Alan "Bulles" Greenspan fait le tour du monde pour la promotion de son livre. Selon lui, les chances d’une récession augmentent. Euh… ben oui.
* Qu’est-ce qui pourrait prendre le relais ? Les investissements des entreprises ? Les derniers chiffres montrent que leurs dépenses — nouvelles usines, équipement, biens d’équipement — baissent ; elles ne grimpent pas. Mais qu’espérait-on ? Pourquoi augmenter la production lorsque les consommateurs ne peuvent pas acheter ?
* Autre source possible : le gouvernement. Les autorités américaines n’ont pas d’argent non plus, mais comme l’a déjà dit Ben Bernanke, ils ont "une technologie qu’on appelle la planche à billets". Ah oui… ça aussi, c’est une longue histoire.
* Pour l’instant, cependant, les politicards pensent qu’il vaut mieux prêcher l’évangile de la rigueur budgétaire.
* Une récession ? "Oui", pensons-nous.