** C’est le bon moment pour dévaliser une banque… pour une fois, elles ont de l’argent !
* Les banquiers se sont vraiment rachetés rapidement. Il y a quelques mois à peine, nous nous moquions d’eux : "que dit-on à un banquier qui a perdu son emploi à Wall Street ?", "Je prendrai une grande frite, avec mon hamburger".
* Et voilà qu’ils sont à nouveau des génies. Ils peuvent le prouver, en plus… il suffit de regarder leurs bulletins de paie !
* Et oubliez la possibilité de voir ces nigauds retomber dans les mêmes erreurs. Ils ont toute la confiance — et tout le crédit — des Etats-Unis d’Amérique. Voilà ce qu’on apprenait de l’agence Associated Press :
* "Washington (AP) — L’organisation surveillant le renflouage financier du gouvernement fédéral déclare que l’exposition maximale du gouvernement aux institutions financières depuis 2007 pourrait atteindre un total de près de 24 000 milliards de dollars, soit environ 80 000 $ par Américain".
* "La somme vertigineuse compilée par l’inspecteur général pour le TARP de 700 milliards de dollars tient compte d’environ 50 initiatives et programmes mis en place par les administrations Bush et Obama, ainsi que par la Réserve fédérale".
* "Bon nombre de ces programmes s’appuient sur un nantissement, et les 23 700 milliards de dollars représentent l’exposition brute, et non nette, à laquelle pourrait être confronté le gouvernement. Personne n’a suggéré que la somme totale sera effectivement utilisée".
* Nous en avons le souffle coupé. Les autorités gaspillent l’argent si vite que nous n’arrivons pas à suivre. Chaque fois que nous pensons avoir le chiffre — le total double.
* 24 000 milliards de dollars, c’est une belle somme. On approche de la valeur de deux années toutes entières de production américaine…
** Faut-il s’étonner de ce que les Américains détestent les banquiers ? Ce sont des escrocs et des canailles… empochant de gigantesques profits lorsque tout allait bien… puis allant pleurer dans le giron de l’Oncle Sam lorsque leur propre bombe de dette leur a explosé à la figure.
* Mais la haine des banquiers est cyclique. Elle suit le cycle du crédit.
* Bien entendu, les banquiers sont toujours des voyous et des idiots. Ca ne fait aucun doute. Mais parfois nous les aimons bien, et parfois non. Dans le film La Vie est belle, James Stewart joue le rôle d’un banquier comme on les aime. Sa banque gagnait de l’argent à l’ancienne — en aidant ses clients à financer des maisons et des entreprises. C’est ce que font les banquiers durant la partie ascendante du cycle du crédit.
* Le plan est remarquablement simple. Si simple que même un banquier peut le comprendre. On emprunte aux déposants à un taux. Et on prête aux emprunteurs (qui sont aussi des déposants, naturellement) à un taux plus élevé. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
* Eh bien… c’est pour cela que les banquiers sont des banquiers. Ils ont réussi à tout gâcher.
* Remarquez que le gâchis est assez simple, lui aussi. Les dépôts sont un coût. Les prêts sont un flux de revenu. Plus on prête, plus on gagne. Naturellement, les banquiers ont tendance à trop prêter. A mesure que la quantité augmente, la qualité baisse. Les emprunteurs les plus solvables obtiennent leur argent d’abord. A la fin du cycle, les emprunteurs sont devenus marginaux… comme ceux qui ont contracté des prêts subprime en 2004-2007. Il s’agissait souvent de gens sans emploi… sans actifs… et sans adresse fixe.
* Les banquiers prêtent trop à un rythme prévisible — exactement quand il ne faut pas. Ils travaillent avec les chiffres et maintiennent une jolie façade. Mais lorsqu’il s’agit de prêt, ils ont le coeur sur la main. Donnez-leur un beau boom, et ils sont prêts à croire qu’il durera éternellement. Les booms font grimper les prix des actifs. Les gens empruntent pour augmenter leurs dépenses et tirer parti des conditions de boom. Les banquiers prêtent pour la même raison — pour tirer parti de la volonté des clients d’emprunter. Ils sont donc inévitablement attirés par le prêt alors que le boom est à son plus haut… c’est-à-dire juste avant qu’il se transforme en krach.
* A cette tendance à l’autodestruction, on peut ajouter les délicieuses innovations du secteur financier — comme les produits dérivés faisant jouer l’effet de levier. Offrir de tels outils à des banquiers revient à inviter un dipsomane pour le week-end et laisser le placard à liqueurs ouvert : on cherche les ennuis.
* Mais tout le monde aime les banquiers, pendant la phase de boom. Ils permettent d’acheter des maisons… de développer les entreprises… et de devenir un citoyen respectable et servile. Un homme sans crédit peut être un libre penseur, voire un fauteur de troubles. Mais donnez-lui un prêt hypothécaire et il arrivera au travail le lundi et votera aux prochaines élections.
* Dans les petites banques, les banquiers sont des citoyens de premier ordre. Ils siègent au conseil des hôpitaux et des églises. Ils écrivent des lettres au rédacteur en chef du journal local. Ils contribuent aux campagnes politiques, et gardent souvent l’oeil ouvert… espérant que leur sénateur meure assez rapidement pour qu’ils aient la possibilité de prendre sa place. Les gens leur demandent leur avis et font attention à ne pas les offenser. Ils jouent à peu près le même rôle… et ont à peu près le même statut… que le prêtre local. Le prêtre révèle les mystères des voies divines. Le banquier révèle aux autochtones les mystérieuses vérités économiques. Lorsque tout va bien, il leur explique que c’est grâce à leur dur labeur, leur épargne et leur discipline. Lorsque tout ne va pas si bien, il se tait.
* Lorsque le cycle se retourne, les banquiers sont des parias. Personne ne hait autant un banquier qu’une personne lourdement endettée. Et la fin d’une expansion du crédit, les gens sont plus lourdement endettés que jamais. Le pauvre banquier doit rester enfermé chez lui, tous rideaux fermés, prétendant être parti en Floride pour l’hiver… ou être sorti pour affaires.
* Vous pouvez voir pourquoi les krachs sont si importants. Ils agissent comme un test de QI pour banquiers. Les idiots et les gloutons sont éliminés — sauf si le gouvernement intervient pour les sauver.