La Fed se retrouve dos au mur : va-t-elle remonter fortement ses taux pour limiter l’inflation ? Ou prévenir qu’elle le fera, et espérer que tout le monde se comporte comme si c’était déjà fait ?
Je vois que Jan Hatzius de chez Goldman pousse à la roue sur les taux et n’exclut plus que la Fed aille jusqu’à 4%.
Hatzius est l’un des « fouteurs dedans » les plus invétérés de Wall Street, c’est sa fonction, c’est son rôle. Il suffit de le savoir… hélas bien peu le savent.
Mais soyons sérieux, pourquoi les grandes banques « too big to fail », conniventes et auxiliaires de la Fed qu’elles peuplent et contrôlent voudraient elles faire peur sur les taux ?
La réponse est évidente c’est tout simplement pour éviter d’avoir à les monter trop.
Et pourquoi essayer d’avoir à les monter trop ?
Parce que les spécialistes et les super élites savent que le système ne pourrait pas résister à une trop forte hausse des taux ; la pyramide s’écroulerait !
Forcer la baisse
La forte hausse des taux ?
Il faut en parler pour ne pas avoir à la faire.
C’est évident mon cher Watson, il suffit de se pencher sur ce que nous révèle le journaliste économique Bill Dudley dans Bloomberg :
« Il est difficile de savoir combien la Réserve fédérale américaine devra faire pour maîtriser l’inflation. Mais une chose est certaine : pour être efficace, il devra infliger plus de pertes aux investisseurs en actions et en obligations qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. »
En somme, pour ce monsieur, si les actions ne chutent pas, la Fed pourra avoir besoin de les forcer à baisser. Bien entendu c’est une chose que les spécialistes savent, mais bien peu osent le dire car attaquer le marché financier est sacrilège.
La raison pour laquelle Dudley dit cela est qu’il y a un combat au sein des élites américaines entre ceux qui veulent que la Fed soit plus dure et ceux qui veulent préserver le marché financier.
Dudley les met d’accord en disant que le marché boursier doit chuter et que, s’il ne le fait pas, il faut appuyer dessus pour le casser. Casser la Bourse fait partie de la panoplie de resserrement, ce que Powell a quant à lui nié à plusieurs reprises.
Nous sommes dans une campagne, dans un pilotage du sentiment qui consiste à faire croire que la Fed veut la baisse des actions, ce qui lui permettrait de l’obtenir sans avoir à en mettre en place la cause objective mécanique, c’est-à-dire la hausse des taux d’intérêt.
Ah les braves gens.
L’air de l’accordéon
La Fed tente de briser la conviction solidement ancrée qu’elle ne peut pas laisser le marché baisser. Une conviction qui la gêne beaucoup, car elle maintient une trop grande liquidité et des conditions financières tellement laxistes qu’elles contrecarrent les effets du timide resserrement monétaire en vue.
Nous sommes dans le cas de figure de 1996, dans le cas de Greenspan qui diagnostique que le marché est en état d’exubérance irrationnelle, espérant ainsi le faire baisser, mais n’y parvient pas !
Bien entendu, ce que veulent les autorités, c’est que le public lâche prise, qu’il perde de l’argent, car les effets de richesse contrecarrent le mouvement de resserrement monétaire. Il faut que le public perde et qu’il décroche, afin que puisse se jouer le grand air de l’accordéon.
Qu’est-ce que l’air de l’accordéon ? C’est la manœuvre qui consiste à essayer d’organiser la baisse du marché boursier alors que les grandes institutions ont déjà joué la baisse et vendu ferme et options, à affoler le public puis à ramasser dans les bas cours et à « tarter » les petits porteurs.
J’ai expliqué cette manœuvre complexe et vicieuse dans un article prémonitoire de 2011.
La règle, Greenspan a dit, en 2013, est de ne jamais mettre en difficulté les institutions systémiques ; le public, on s’en fout. Il est là pour perdre, comme dans les loteries. La bourse moderne est un impôt : le public cela sert à diffuser le risque et faire levier, ce qui signifie qu’il est là pour perdre.
On va tenter de « tarter » sélectivement !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
2 commentaires
Je ne comprends toujours pas comment une hausse des taux peut combattre une inflation due à la pénurie de produits ne s’achetant pas à crédit?
Une hausse des taux fait que l’on achète moins de bagnoles et plus petites et plus sobres , que l’on achète un logement plus petit et plus facile à chauffer et entretenir.
Vu que le pavillon et sa bagnole à crédit ont accompagné les 30 glorieuses, le retour des enfants prodigues chez papa-maman provoquerait une forte contraction de la demande de « biens » dont on s’apercevrait par là même qu’ils n’étaient pas si nécessaire que cela de se saigner pour les acheter et les utiliser.
L’immobilier français serait valorisé à 6 années du PIB actuel contre une année en 1945. Il y avait certes un manque de surfaces à l’époque , mais aujourd’hui les retraités vivent souvent seuls ou à deux dans une maison familiale souvent énergivore par sa superficie et sa localisation : cf gilets jaunes.