Rien n’est neutre et tout à un coût – mais les autorités s’échinent à vous le cacher et à tenter de vous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Pour comprendre les faits économiques, financiers et monétaires, il faut prendre de la hauteur et faire le vide dans son esprit.
En particulier, il faut gommer totalement le récit des élites et des universitaires à leur solde. En effet, leurs paroles n’ont pas pour objectif de refléter le réel et d’en débattre mais de l’influencer, de le tronquer et même de le truquer.
Toute décision économique ou monétaire s’analyse comme un transfert de ressources de la poche des uns vers celles des autres. Rien n’est neutre.
C’est la raison pour laquelle la plupart des décisions sont présentées de façon partielle, unilatérale, comme des cadeaux gratuits. Elles sont censées être bénéfiques mais ne rien coûter à qui que ce soit !
Avez-vous entendu parler du coût des mesures de sauvetage des banques en 2008 ? Y a-t-il eu débat ? Non !
On n’a rien sans rien
La modernité pseudo-démocratique est manchote. Alors que toute décision devrait être présentée en disant « d’un côté il y a ceci mais de l’autre il y a cela », la modernité affirme qu’il n’y a que des récompenses. La modernité démocratique élude le négatif alors que tout est à la fois positif et négatif. C’est la loi du réel, l’ambivalence.
Elle rejette les coûts hors du champ du savoir – et lorsqu’ils sont repoussés dans le temps, ce qui est fréquent, elle se contentent de parler de « risque » sans oser dire qui, en fait, est l’assureur de ce risque !
On entend souvent cette phrase profonde : « Ils déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Cette jolie affirmation serait de Bossuet. Elle montre bien l’opération scélérate des élites et de leurs conseils dans son fondement : la dissociation des causes et des effets.
Notre Emmanuel Macron la pratique à longueur de journée !
Les élites mentent peu au sens traditionnel du terme – non, elles truquent en dissociant les causes et les effets, en les inversant, en établissant des constructions parallèles : des sortes de fausses chaînes de raisonnement permettant d’aboutir à des résultats acquis d’avance, etc.
La démocratie moderne repose sur l’escamotage, sur la séparation des formes et des contenus, sur la dissociation des signes et du réel – bref, elle repose sur les découvertes des sciences sociales et des sciences du langage, sur la découverte de l’inconscient, sur le pouvoir de la répétition et sur les effets ravageurs des émotions sur la conscience.
Faux débat et droit de suite
Le pouvoir des élites est celui de l’unilatéralisme, même quand elles mettent en scène de faux grands débats comme y excelle maintenant notre Macron. Il adore cela depuis qu’il y a goûté…
Le faux débat, c’est le débat normal sur les médias français : il consiste à encadrer un débat, à le baliser sur un champ bien précis et à enfermer les locuteurs. Il consiste à interdire ce que j’appelle « le droit de suite ».
Le droit de suite, c’est celui de toute discussion entre égaux – c’est-à-dire le droit de relever jusqu’au bout les incohérences de l’adversaire et de le pousser dans ses retranchements.
Les médias interdisent le droit de suite, c’est toujours Macron ou les représentants du pouvoir qui doivent parler en dernier… et si ce n’est pas le cas, c’est le soi-disant modérateur qui se charge de clôturer en ré-assénant sans contradiction la version du Pouvoir.
Si vous débattez, n’acceptez jamais ce trucage, pensez-y. Le dernier mot est le plus important !
La pseudo-démocratie à l’œuvre
En bref, le système de la modernité pseudo-démocratique est un système de signes, de manipulation de signes, de création d’un univers de mensonge, authentiquement fake, qui repose sur une idéologie close, tautologique, du genre : « Votre fille est muette parce qu’elle ne parle pas. »
La tautologie de base étant celle du marginalisme économique qui institue la frivolité de la valeur : la valeur n’existe pas, elle est dans la tête des gens. Ce qui existe, c’est le prix – lequel est l’intersection de l’offre et de la demande, or la demande et l’offre sont déterminées par… les prix.
En pseudo-démocratie moderne, on pratique l’inversion des causes et des effets, on mystifie : les destructions sont destinées à faire vivre, à prolonger ; les appauvrissements, eux, sont destinés à enrichir. Le sabotage des systèmes de retraites et de santé, par exemple, est présenté comme des réformes nécessaires à leur survie.
L’uberisation qui rend esclave est défendue comme un instrument de liberté. La censure, c’est le garant de la liberté d’expression. Les interdictions sont vendues comme ayant pour objectif d’assurer votre liberté, votre précarisation assure votre sécurité, n’est-ce pas ! Et ainsi de suite – vous m’avez compris.
C’est l’envahissement des techniques de la publicité dans le langage de la politique et de la science, c’est le remplacement du savoir par l’opinion et de l’opinion par la coercition soft.
Tout repose sur une découverte majeure qui est celle de la « disjonction ».
Les signes, les symboles peuvent exprimer et refléter le réel, c’est leur fonction, mais ils peuvent aussi être autonomisés par rapport à ce réel et devenir doués d’une vie, bénéficier d’une combinatoire propre au gré de celui qui parle et qui a le pouvoir d’imposer sa parole.
La disjonction est l’outil suprême du pouvoir soft. Le pouvoir est celui de séparer les ombres des corps.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]