▪ Le prix du béryllium n’augmente pas en flèche… pour le moment. Je pense tout de même que les perspectives à long terme pour le marché de ce « métal mineur » sont enthousiasmantes. La demande de béryllium devrait augmenter nettement au cours des années qui viennent si une technologie de développement en matière d’énergie nucléaire parvient à s’imposer. Une technologie qui pourrait bien changer totalement les règles du jeu.
Le béryllium a une capacité de transmission de chaleur phénoménale. Il refroidit très rapidement. Si l’on ajoute un peu d’uranium au mélange… on devient capable de construire des barres de combustible nettement plus faciles à refroidir. C’est-à-dire qu’il est alors possible de chauffer les barres de combustible et de faire en sorte qu’elles reprennent bien plus rapidement une température normale. En théorie, donc, si l’on expose des barres en alliage de béryllium chaudes à l’air ambiant, elles ne fondent pas comme neige au soleil.
C’est justement ce qui ne s’est PAS passé à Fukushima au Japon, où les barres de combustibles ancienne génération sont en uranium couvert de zirconium. Les barres japonaises — comme toutes les autres barres de combustible du monde — conservent leur chaleur : il faut donc les refroidir avec de l’eau. Lorsque l’eau s’est échappée du système, les centrales japonaises ont connu une série de fusions catastrophiques, qui ont provoqué des problèmes graves qui ne seront pas résolus avant un bon moment.
Des chercheurs de l’université Purdue, du MIT et de l’université Texas A&M travaillent sur un projet permettant de faire fonctionner la métallurgie béryllium/uranium. Il ne suffit pas d’ajouter un peu de béryllium à l’uranium en fusion, malheureusement. Le processus d’ingénierie nécessaire est nettement plus complexe. Les recherches sont loin d’être terminées. Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, les résultats sont prometteurs et les données obtenues excellentes.
Combien de temps va-t-il falloir pour mettre cette idée en application dans le domaine du nucléaire ? Difficile à dire pour le moment. Mais le bon côté des choses, c’est que si le béryllium finit par être employé dans le cycle de combustible nucléaire, la demande de ce métal dans le monde augmentera de manière exponentielle.
Materion, une entreprise ayant de fortes ressources en béryllium et d’excellentes capacité de traitement, est l’une de celles qui devraient profiter de l’augmentation de la demande de béryllium… et de celle des prix.
▪ Le domaine des terres rares traverse une phase de changement. Pendant très longtemps, tous les regards se sont concentrés sur les deux entreprises les plus proches de la production, à savoir Lynas Corp. (avec une mine en Australie et une usine en Malaisie), et Molycorp, qui reconstruit actuellement ses installations en Californie.
Vous avez peut-être entendu parler des terres rares dans certains reportages parus dans les médias… La plupart de leurs auteurs sont mal informés. Ils ne comprennent tout simplement pas le monde des terres rares. J’ai lu il n’y a pas longtemps un article, paru dans un journal reconnu dans le monde entier, selon lequel Lynas et Molycorp allaient produire un grand volume de terres rares d’ici à 2013, ce qui permettrait ensuite de calmer les marchés mondiaux, sur lesquels la situation est aujourd’hui tendue. Le prix des terres rares devrait donc baisser.
Ah oui ? Ce type d’analyse est totalement faux.
Lynas connaît quelques problèmes avec son usine en Malaisie, et il est peu probable que l’entreprise parvienne à mettre sur le marché les premiers produits terre rare d’ici novembre 2011, comme promis — la majeure partie de cette production, d’ailleurs, concerne des terres rares « légères », dont le prix est moins élevé.
Quant à la « nouvelle usine » Molycorp en Californie, ce n’est encore qu’un bout de terrain vide, où l’on coule actuellement les premiers piliers de béton. Il n’y a pas de plancher. Il n’y a pas de structure métallique. Il n’y a pas de toit. Il n’y a pas de nouveaux équipements. Rien ne marche, dans le sens industriel du terme. Et nous sommes déjà au milieu de l’année 2011.
Donc ni Lynas ni Molycorp ne sont pour le moment prêts à produire un produit fini ou à le mettre sur le marché.
Sans oublier que d’une manière générale, il est rare qu’une entreprise intègre à elle seule l’ensemble du processus de production de terres rares, des mines au produit fini. Extraire le minerai, le concasser et le concentrer n’est que la première étape. Il faut ensuite suivre un certain nombre de stades intermédiaires pour améliorer la qualité du concentré, puis raffiner la matière, avant de mettre au point le produit fini.
Pour mener à bien chacune de ces étapes, il faut connaître en détail la minéralogie et la chimie des terres rares. Il faut aussi des technologies de haut niveau, de bonnes compétences de gestion et une très grande solidité financière.
Lorsque je vois l’enthousiasme qui entoure Lynas et Molycorp, il semble ridicule de penser que ces nouveaux concepts, dans des nouveaux bâtiments faisant appel à de nouveaux processus vont fonctionner sans problème du premier coup. Qu’il suffira de couper le ruban devant le portail de l’usine et de déverser du minerai dans une grande machine magique.
Beaucoup de gens sur cette planète savent comment forer un puits de pétrole, comment le raffiner et mettre le produit fini sur le marché. Mais les terres rares, c’est une autre affaire. Il s’agit d’un domaine relativement restreint et contrôlé à 97% par les Chinois. Ici en Occident, nous devons reconstruire notre capital intellectuel en termes d’expertise sur les terres rares, et remettre à neuf toutes les facettes de la production — des mines à la logistique en passant par le raffinage et la fabrication du produit fini.
Les terres rares sont un domaine compliqué. Les acteurs qui réussiront seront ceux qui parviendront à faire les choses correctement, en évitant les erreurs et en faisant preuve de compétence. Les investisseurs qui se positionneront suffisamment tôt devraient gagner beaucoup d’argent.
Surveillez donc de près ce domaine unique du marché des matières premières.