▪ Incroyable, impensable… Ben Bernanke a été réduit au silence mercredi matin alors qu’il devait s’exprimer devant la Commission des finances du Congrès US à l’occasion de son point bisannuel sur la stratégie monétaire de la Fed.
La faute à un micro en panne !
Wall Street s’en fichait totalement puisque le texte de son discours avait été communiqué à la presse une heure avant. Il reprend un par un tous les éléments et arguments de sa précédente intervention de mercredi dernier à l’occasion du centenaire de la Fed.
La Fed soutiendra à plein régime (85 milliards de dollars par mois) l’économie américaine tant que le marché du travail et l’inflation continueront d’évoluer en-deçà des objectifs évoqués lors des précédentes interventions.
Les marchés auraient pu considérer que c’était du réchauffé… Ils sont toutefois rassurés que le patron de la Fed respecte une ligne de communication plus d’une semaine au lieu de retourner sa veste une fois de plus au sujet du QE3.
Comme nous l’avions mentionné de façon humoristique en conclusion de notre précédente chronique, la ligne directrice de la Fed devient donc : « ça dépend, on verra. Rien n’est fixé par avance, on agira le moment venu, en fonction des circonstances… mais avec prudence, il ne faut froisser personne ».
▪ Peut-on se fier aux adages ?
Si l’on croit l’adage « gouverner c’est prévoir », la Fed prévoit seulement de ne pas braquer les marchés. Elle est en effet devenue leur otage tout autant que leur dealer. Sans elle, les brasseurs d’argent ne recevraient pas leur dose de drogue monétaire quotidienne ; la sensation de manque les rendrait rapidement désagréables, puis furieux si le sevrage se poursuivait.
Richard Fisher redoute un déferlement de sangliers sauvages et carnivores sur Wall Street. Quant à Ben Bernanke, il n’a certainement pas l’intention de se laisser bêtement dévorer à six mois de quitter la Fed.
Nous ne savons pas si l’on peut se fier au proverbe « un sanglier qui grogne ne mord pas »… mais ça grogne sur les marchés obligataires depuis plus de deux mois. Et certains opérateurs commencent à trouver le temps long.
▪ Que vont faire les taux américains ?
Un temps qui leur coûte surtout plus cher : le portage des positions, ce n’est pas la même musique avec des taux à 1,70% et à 2,55%… Et si les taux longs américains atteignaient les 3% au lieu de se détendre vers 2,25% (le niveau de croissance attendu au troisième trimestre), nous assisterions à un gros couac.
Peut-être que l’embellie tant attendue s’est amorcée hier avec première décrue significative du 10 ans en intraday. Il refluait — enfin — en dessous des 2,50% : -0,06% à 2,4900% contre 2,56% à mi-séance.
Il nous semble cependant prématuré de s’en réjouir car cette soudaine détente s’est enclenchée pour une mauvaise raison. Les mises en chantier de logements aux Etats-Unis ont chuté de façon totalement inattendue de pratiquement 10% au mois de juin, selon le département du Commerce US.
▪ L’immobilier US va mal
Le recul est de 9,9% pour être précis, ce qui nous donne 836 000 logements en rythme annualisé : c’est le pire chiffre observé depuis quatre ans.
Et pas moyen de se rassurer avec les permis de construire. Ils reculent également de 7,5% en juin, à 911 000 dossiers, prenant totalement à contrepied le consensus qui tablait sur un chiffre dépassant le seuil symbolique du million.
Le chiffre des dépenses de construction était en revanche conforme aux prévisions : +0,5% grâce à une spectaculaire accélération de 1,8% des investissements dans le secteur public. Cependant, il concerne le mois de mai et le vent semble avoir tourné dans l’intervalle.
Dans un contexte où de mauvais indicateurs se transforment en nouvelles positives à l’aune de la planche à billets, le coup de fatigue du secteur immobilier équivaut à la garantie du déversement de quatre milliards de dollars de liquidités par jour jusqu’à la Toussaint (allez, encore trois mois à pleine vapeur !).
▪ Les marchés ne s’arrêtent plus
Mais rien de tout ceci n’était connu des opérateurs. Pas plus que cela ne pouvait expliquer le spectaculaire redressement du CAC 40 entre midi et 13h hier : il est repassé sans explication de 3 825 à 3 875 points, avant de se hisser vers 3 883 points aux environs de 14h45… A moins bien entendu que nous n’ayons été témoins de spéculations (voire de fuites) relatives au discours de « Benny la fausse mornifle ».
A la veille de la séance des « Trois sorcières », il vaut peut-être mieux ne pas se préoccuper de la conjoncture pour se concentrer sur des aspects plus techniques. Il semble très probable que les acheteurs de la fin juin (le CAC 40 tutoyait les 3 575 points) aient à coeur de maximiser leurs gains… et un +10% — soit un score de 3 930 points — leur irait sûrement très bien.
Il ne sert à rien d’objecter que les records historiques en cascade à Wall Street (le Russell 2000 en a établi un nouveau à 1 046 points mercredi vers 16h15) n’ont aucun sens économique… puisque l’économie elle-même n’a plus aucun sens avec les 150 milliards de dollars de fausse monnaie injectés chaque mois par la Fed, la Banque du Japon et la Banque d’Angleterre.