▪ L’actualité du week-end ne nous a apporté ni solution aux problèmes budgétaires américains… ni éléments concrets permettant de confirmer les 7,8% de croissance dont se targue la Chine… ni indications sur l’avis des sages de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
Les marchés devraient pourtant se préoccuper au plus haut point de ce qui se délibère en grand secret outre-Rhin. En effet, ce qui est jeu, c’est rien moins que la fixation ou non d’une limite au pouvoir de la BCE sur les Etats — et sur le plus puissant d’entre eux, l’Allemagne.
L’arrêt qui sera rendu par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe peut avoir deux issues. Soit il offrira une carte blanche à Mario Draghi pour créer de l’euro à volonté (alignant en quelque sorte le fonctionnement de la BCE sur celui de la Fed ou de la Bank of Japan)… soit il subsistera en Allemagne — et rien qu’en Allemagne — un reliquat de souveraineté nationale.
A défaut, plus aucune banque centrale de premier plan n’aura le moindre compte à rendre à aucune autorité politique ni à aucune instance légitimée par un vote populaire. A l’instar de la Banque des règlements internationaux qui est partout (Bâle, Hong-Kong, Mexico) et nulle part à la fois (elle constitue l’émanation centralisatrice de 58 des principales banques centrales de la planète), la BCE n’aura définitivement plus de comptes à rendre à personne et en particulier aux populations du continent européen.
▪ Juste un mauvais moment à passer ?
Des populations qui s’exaspèrent d’ailleurs des plans de rigueur qui succèdent aux plans de rigueur sans résultat probant et sans horizon de sortie de crise — comme nous avons pu l’observer ce week-end au Portugal et en Italie.
Les Bisounours (dotés d’une dose raisonnable de cynisme) feront observer que la barre des 100 000 manifestants n’a pas été franchie à Lisbonne ni dans les principales villes italiennes, contrairement aux précédentes mobilisations. Par ailleurs, les défilés se sont déroulés pratiquement sans violence, preuve que les citoyens du sud de l’Europe comprennent qu’il n’y a pas d’alternative viable à l’austérité et qu’il s’agit seulement d’un interminable « mauvais moment à passer ».
Cette méthode Coué dont nos gouvernants nous abreuvent est en total décalage avec la réalité de terrain — et que l’on ne nous oppose pas la « réalité perçue » qui sous-estimerait la fantastique amélioration de la conjoncture. Cela a été merveilleusement résumé par la prose d’un internaute anonyme sur un très célèbre forum boursier.
C’est un petit bijou d’humour comme nous avons rarement l’occasion d’en contempler. Nous avons pour règle de ne jamais reproduire un bout de texte qui n’est pas de notre plume sans en mentionner la provenance et l’auteur mais nous ferons une exception cette fois-ci puisque nous ne connaissons le rédacteur que par son pseudonyme.
Nous espérons qu’il se reconnaîtra… et qu’il nous fera éventuellement signe ; s’il souhaite être mentionné sous son nom, nous ferons droit à sa requête avec un grand plaisir.
▪ Parlons un peu d’or…
Voici donc ce qu’il dédie aux Bisounours (cyniques) qui dirigent la planète :
« Je vais bien tout va bien. Les oiseaux chantent, les lapins me parlent sur le chemin du bureau quand je traverse la forêt et les champs fleuris. Un oiseau vient me tendre une fleur pour me souhaiter un beau matin, même les vaches chantent quand je passe le long de leur pré. On est en plein conte de fées. Je m’attends à voir surgir Blanche-Neige et les Sept Nains dans les minutes qui viennent ».
« Et puis ce n’est pas tout : la sorcellerie du marché vient se pencher sur le berceau du vilain petit lingot d’or. Si vous êtes allés à l’école de la Bourse dans les 38 années précédentes, vous savez que la logique veut que quand le marché des actions va bien, l’or va mal. La raison étant que dans la mémoire collective, l’or est un safe haven, un asset que l’on aime avoir dans son portefeuille quand tout va mal ».
« Même si depuis hier je-ne-sais-plus-qui disait que c’était has been d’avoir de l’or et que la nouvelle mine d’or des traders est devenu le négoce de la volatilité. Mais je m’égare. L’or est donc historiquement connu pour être un véhicule qui rassure quand tout va mal et dont on se débarrasse quand tout va bien ».
« Vendredi soir, tout allait bien — enfin, c’est ce qui se dit sur les marché et les records historiques en cascade des indices US le prouvent– et pourtant l’or explosait de 3% et remontait à 1 315 $ comme si de rien n’était. A ne rien y comprendre, n’est-il pas ? »
Pertinente question non ? Et notre rédacteur anonyme enchaîne :
« Et qui achète la relique barbare ? C’est à n’y rien comprendre : les banques centrales, Fed incluse ! »
En ce qui concerne Wall Street vendredi soir, nous avons été à peine surpris de voir le S&P 500 clôturer en hausse de 0,66% à 1 744,5 points. C’est très précisément l’objectif long terme que nous avions calculé il y a plusieurs semaines et que nous avions cités à plusieurs reprises sur le Téléphone Rouge avec comme corollaire la mise en place d’une stratégie résolument offensive à la baisse sur le CAC 40… et tout prochainement l’EuroStoxx 50 et le S&P lui-même.
Parce que ce dernier s’est tout simplement envolé de 261,8% depuis son plancher de mars 2009… et cette « divine proportion » ne doit rien au hasard.