Vous n’avez pas besoin de faire des statistiques pour investir. Mais il est essentiel de comprendre que la plupart du temps, cela revient plus ou moins à dompter le hasard…
Pour les économistes, battre le marché est impossible (Warren Buffett, Peter Lynch, George Soros ne sont en réalité que des chanceux). C’est la théorie de « l’efficience des marchés » du prix Nobel Eugene Fama.
Cette efficience des marchés peut être vue de deux façons :
1. Ils fonctionnent de façon aléatoire.
2. Les prix correspondent à leur valeur fondamentale.
Personnellement, je trouve qu’expliquer l’efficience des marchés expliquée par l’aléatoire est plus « utile » pour l’investisseur, que l’idée que « le marché reflète sa juste valeur » … qui a surtout le mérite d’être drôle.
Selon ces économistes, la gestion active ou le stock picking (choisir les actions de son portefeuille) sont voués à l’échec. Mais alors que proposent-ils ?
La gestion passive, c’est-à-dire l’achat de fonds indiciels.
Vous n’avez donc qu’à acheter un ETF sur le SP500, à le garder, et c’est terminé.
A vrai dire, cette approche est intéressante à condition d’en comprendre la force et les limites. Mais j’y reviendrai dans un prochain article. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est la gestion du « hasard ».
Pour vous expliquer mon approche de l’investissement, je vais vous raconter l’histoire de Richard Jarecki. C’était un professeur de médecine juif Allemand, né en 1931, qui avait émigré avec sa famille aux Etats-Unis avant la seconde guerre mondiale. Les casinos l’intéressaient alors plus que la médecine.
Son idée était la suivante : aucun objet fabriqué par l’homme n’est parfait. Donc, une roulette de casino a forcément un petit défaut, une usure, une rayure, un problème de densité du bois, un problème d’usinage. Et ces petits défauts entraînent systématiquement une légère modification du « hasard ».
Richard Jarecki s’est donc rendu dans de nombreux casinos, et a recueilli des milliers de résultats de roulette, pour identifier quels chiffres tombaient le plus souvent sur chacune de ces roulettes (pour faciliter ses recherches, il ne choisissait que des casinos européens, leurs roulettes n’ayant que 37 numéros, et pas de double 00).
L’ancien professeur de médecine a ainsi réussi à gagner autour de 1.2 millions de dollars dans les années 70 (soit 9 millions de dollars, si on corrige le résultat de l’inflation). Après quoi, les casinos se sont adaptés, et ont donc amélioré la fabrication de leurs roulettes, et ont commencé à les changer plus souvent.
Après son aventure dans les casinos, Richard Jarecki est retourné aux Etats-Unis. Il est devenu négociant en matières premières sur l’or et l’argent et a continué à jouer au black jack. Son frère Henry Jarecki, lui aussi professeur de médecine, est devenu milliardaire dans le commerce et les contrats à terme sur l’or dans les années 70-80 (il était membre de la Comex au moment de la tentative de corner sur l’argent par les frères Hunt).
Richard Jarecki a réussi à battre le « hasard » à la roulette, qui est le jeu de hasard par excellence. Et cette idée est importante pour les investisseurs. Découvrez pourquoi ici ! Et cette idée est importante pour les investisseurs.
Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir comparé l’investissement au jeu : Warren Buffett est lui un passionné de Bridge, et y joue 8 heures par semaine, notamment avec Bill Gates ou encore Sharon Osberg (ancien vice-président de Wells Fargo et double champion du monde de bridge). Il compare donc le bridge à l’investissement, estimant que les deux nécessitent de prendre des décisions intelligentes basées sur les informations et les probabilités disponibles.
La méthode ou la technique que vous utilisez pour investir vous donne un tout petit avantage statistique. Mais ce petit avantage statistique fait toute la différence sur le long terme, entre des gains et des pertes. A condition d’être capable de tenir une stratégie sur le long terme.
Cette stratégie peut être basée sur de l’analyse technique (les vagues d’Elliot, les angles de Gann, les chandeliers japonais de Nison…), de l’analyse fondamentale (Benjamin Graham). Mais elle peut aussi émerger de votre métier, qui vous donne un avantage dans certains secteurs (c’est d’ailleurs ce que conseille Peter Lynch), de votre culture ou de vos connaissances.
Je me garderai bien de dire qu’une méthode est meilleure qu’une autre. Je pense qu’il existe une approche adaptée aux ses aptitudes et à la psychologie de chaque individu (le point qui selon moi est le plus sous-estimé de l’investissement).
Vous n’avez pas besoin de faire des statistiques pour investir. Mais il est essentiel de comprendre que la plupart du temps, cela revient plus ou moins à dompter le hasard.
Prenons l’exemple de mon précèdent sujet sur le pic pétrolier. Si vous en tenez compte, pour aller dans le sens de la tendance ou pour ne jamais vous y opposer (Stan Weinstein préconise de ne jamais investir contre les tendances long terme), vous augmentez vos chances de gains, comme Richard Jarecki l’a fait avec la roulette.
Vous pouvez même employer plusieurs méthodes à la fois. Je fais moi-même cela, sur les matières premières notamment.
Voici un exemple sur l’or :
1. Vous achetez un ETF sur les mines d’or pour limiter les risques non systémiques (par exemple la comptabilité frauduleuse d’une compagnie) : vous avez une approche orientée efficience des marchés.
2. Vous tenez compte du point bas des coûts de production de l’or, c’est-à-dire autour de 1000 $ l’once d’or : vous utilisez l’analyse fondamentale.
3. Vous cherchez un point bas sur le graphique, le plus proche possible des coûts de production : vous faite de l’analyse technique.
Chacune de ces méthodes vous donne un léger avantage statistique. Un petit avantage, pas du 100%, mais du 51%, ce qui à long terme fait toute la différence entre gains et pertes.
Mais pour cela, il ne faut pas devenir « le maître du monde » dans les périodes d’euphorie et « le boss du Livret A » dans les périodes de crise.