Et elle pourrait bien se transformer en krach si les investisseurs institutionnels lâchent pied avant la prochaine réunion de la Fed.
La cote d’alerte sur les indices boursiers avait été atteinte vendredi dernier. Les voyants sont ensuite passés au rouge dès lundi, alors que les marchés obligataires ont basculé dans un scénario que les gérants espéraient ne pas avoir à affronter : le franchissement inexorable des records annuels, alors que, dans le même temps, le prix du baril de Brent se rapproche des 100 $.
Les espoirs de voir les indices américains, le CAC 40 ou l’Euro Stoxx 50 invalider les signaux techniques baissiers en mode bear trap du 22 septembre se sont définitivement évanouis dès l’ouverture de ce mardi 26 septembre. Et ce fut au final une nouvelle journée de repli appuyé, avec une chute de 1,5% pour le S&P ou le Nasdaq.
Y aura-t-il cette fois encore une « cassure/réintégration » ? Si c’est le cas, il faudra qu’une reprise en V salvatrice se matérialise sous 48 heures.
En effet, le repli symbolique de 0,2% du Dow Jones ce mercredi 27 et la stagnation du S&P 500 porte à cinq (donc trois de trop) le nombre de séances qui se sont achevées sur les supports courts ou moyen terme.
La réalité de l’enclenchement d’une phase corrective commence à s’imposer, même si certains stratèges refusent encore d’y croire et continuent de parier que le S&P ou le Nasdaq finiront au plus haut de l’année, et largement au-dessus des niveaux de cette fin de mois de septembre.
Sept arbres cachent la forêt du S&P
Ils prétendent accueillir avec sérénité l’épisode de consolidation actuel, expliquant qu’il devrait constituer une bonne opportunité d’achat… mais ils s’abstiennent de tenter d’attraper le couteau qui tombe désormais depuis le 31 août. En un peu moins d’un mois, la perte est de 6% sur le S&P 500 et de 7% sur le Nasdaq Composite.
Ils s’aveuglent surtout sur une anomalie qui devient de plus en plus manifeste : en zoomant sur la variation annuelle du S&P 500, la hausse combinée des « sept fantastiques » (les valeurs affichant au moins 500 Mds$ de capitalisation) s’élève à 81%, tandis que les 493 autres ne gagnent que 2%.
Plus saisissant encore : la performance pour 2023 du S&P 500 équipondéré (1 000 $ sur chacune des composantes au 1er janvier) ressort depuis ce mardi à -0.2%…
Le problème du moment ne se résume donc pas qu’à l’équation inflation / taux / récession. Se greffent là-dessus les dérives d’une approche quantitative et du caractère monolithique des gestions qui semblent majoritairement sorties du même moule.
La correction a en fait démarré le 18 juillet dernier et le repli global atteint 8 et 9% respectivement. Ces 9% perdus, c’est l’équivalent pour le Nasdaq de la correction du 2 février au 13 mars dernier (entre 12 250 et 11 040 points) : les acheteurs pourraient considérer qu’un rebond technique est possible alors que le VIX teste la zone critique des 19. Ca passe ou ça casse… mais pour l’instant, ça passe, celui-ci étant « retombé » vers 18,33.
En réalité, les marchés pourraient tout aussi bien perdre pied jusqu’à ce que la Fed monte ou non ses taux le 1er novembre. Si elle le fait, ce sera « dans les cours » et, si elle s’abstient, ce sera un soulagement salué comme il se doit : dans tous les cas, les investisseurs achèteront la nouvelle.
L’effet manqué de la Fed
Mais personne ne peut prédire à quel niveau se situera Wall Street dans cinq semaines, lors de cette réunion décisive du conseil des gouverneurs de la Fed. Beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts de l’Hudson River d’ici là !
Pour en revenir à la réalité très concrète de cette fin de mois de septembre, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans s’établit maintenant à 4,64%, un plus haut depuis octobre 2007. Le rendement du « 30 ans » américain vient pour sa part de passer la barre des 4,7%, un niveau plus approché depuis plus de 11 ans.
Pour l’immobilier, la situation s’avère bien pire qu’en 2012, puisque les taux hypothécaires (incluant assurances et taxes) bondissent vers 7,90% et pourraient tester les 8% d’ici le week-end du 1er octobre, du jamais vu depuis 22 ans.
Certains analystes des plus grandes banques américaines préviennent que les marchés auraient tort d’exclure de voir la Fed relever son principal taux directeur vers 6% – et au-delà – afin de casser la spirale haussière dans l’immobilier et déclencher une remontée du chômage.
Neel Kashkari, président de la Fed de Minneapolis, confirme qu’il ne serait pas surpris qu’il faille aller encore plus loin en matière de hausse de taux… mais, en dépit d’une hausse qui est déjà la plus brutale depuis 1981, le prix des maisons ne baisse plus.
C’est même l’inverse depuis trois mois, à cause d’une pénurie de biens qui devient structurelle. Il n’y a en effet rien à vendre, parce que ceux qui s’y risqueraient perdraient l’avantage d’un taux de crédit tombé à 3,5/4% en 2020/2021 pour réemprunter deux fois plus cher (et pourquoi pas 10% fin 2023).
Les pertes des uns…
Les seuls acheteurs encore en lice, une fois tous les primo-accédants puis les classes moyennes éjectés de la partie de Monopoly, ce sont les 1% les plus riches qui croulent sous le cash et cherchent à diversifier leurs sources de revenus dans le locatif.
Il en va de même pour les institutionnels comme BlackRock, Vanguard, Fidelity, State Street, ou les fonds souverains, pour lesquels le taux d’intérêt est indifférent, puisqu’ils n’ont aucun besoin de recourir à l’emprunt, sauf pour générer – éventuellement – du déficit foncier fiscalement déductible !
La remontée des taux fait même leur affaire en leur permettant d’obtenir 5,5% de rémunération de leurs liquidités.
Symétriquement, à mesure qu’elle monte ses taux, la Fed accumule des pertes latentes stratosphériques sur les instruments obligataires figurant dans son bilan (bons du Trésor, MBS, dettes d’entreprises principalement).
Et les banques commerciales voient également la valeur de leurs réserves fondre de nouveau à une vitesse vertigineuse depuis le 31 août.
Ce qui signifie que leurs capacités de prêt chutent d’autant et qu’elles ne sont plus en mesure de soutenir les promoteurs spécialisés dans l’immobilier commercial, les entreprises en difficulté, les start-ups consommatrices de cash, les ménages confrontés à des fins de mois qui commencent le 12, etc.
Avec un baril de pétrole qui vient d’atteindre les 97 $ à Londres, et le WTI qui franchit les 93 $ sur le Nymex, voilà que se dessine un deuxième round inflationniste à l’entame de l’automne, alors que Wall Street espérait encore cet été voir le CPI (l’indice des prix à la consommation) tendre vers 3% d’ici Noël.
Ce que Wall Street attend (en vain depuis octobre 2022 !), c’est que le vocabulaire et les objectifs de la Fed « pivotent ». Mais, avec une « tempête parfaite » (taux + pétrole + matières premières au zénith) qui est peut-être déjà au-dessus de nos têtes, imaginez ce qui pourrait se passer si ce sont les anticipation optimistes – systématiquement démenties – de Wall Street qui se mettent à… pivoter.