L’idée d’acheter des produits financiers en dehors des banques chemine dans les esprits. Aux Etats-Unis, PayPal et Amazon sont les deux noms qui reviennent.
Début janvier, j’évoquais trois défis auxquels sont confrontées les banques traditionnelles : la possibilité pour les emprunteurs de renégocier leur assurance de prêt immobilier, le web scraping des données clients par la concurrence et l’arrivée des GAFA sur le marché de la bancassurance. Depuis lors, le ciel s’est-il dégagé ?
Le « Big-Bang de l’assurance-emprunteur » déboulonne un peu plus les rentes bancaires
Dans un précédent article, je vous ai expliqué que les fédérations bancaires n’ont pas leur pareil pour défendre leurs bouts de gras vis-à-vis des plus hautes instances décisionnaires. Ainsi, la Fédération bancaire de l’UE a-t-elle obtenu un compromis auprès de la Commission européenne vis-à-vis de la directive DSP2.
Plus récemment, c’est le Conseil constitutionnel qui a dû se prononcer au sujet du droit pour les emprunteurs de résilier chaque année leur assurance de prêt immobilier, après que la Fédération bancaire française (FBF) a contesté la constitutionnalité de l’amendement Bourquin à la loi du 21 février 2017 devant le Conseil d’Etat.
Cette fois-ci, c’est l’épargnant qui ressort gagnant de la partie puisque « les sages » du Palais-Royal ont validé le principe de la résiliation annuelle et sa rétroactivité. Les six millions de foyers qui sont en train de rembourser leur crédit immobilier, tout comme chaque nouvel accédant à la propriété immobilière, ont donc la possibilité de mettre leur banque en concurrence sur leur assurance de prêt.
Si la FBF grince des dents, la FFA (Fédération française de l’assurance) est au contraire tout sourire car le gâteau se monte tout de même à 8,8 milliards d’euros par an. On comprend le désarroi du lobby bancaire puisque selon Les Echos, ce montant représente plus de « 10% du produit net bancaire » des banques de détail des leaders du secteur. A court terme, le journal précise que : « selon une étude réalisée par Accenture, deux milliards d’euros de primes sont en risque, soit près d’un milliard de produit net bancaire… »
Après les renégociations de crédits immobiliers en cascade suite à la baisse des taux et l’obligation pour les banques de faciliter la mobilité bancaire de leurs clients (loi Macron), le « Big Bang de l’assurance-emprunteur » est sans doute le plus gros coup qu’ait subi le lobby bancaire.
Le coup de canif de l’encadrement de la domiciliation des revenus
Comme si cela ne suffisait pas, les revenus des banques ont reçu une nouvelle estocade en ce début d’année. Depuis le 1er janvier 2018, la loi encadre en effet la procédure de domiciliation des revenus en matière de financement immobilier.
Auparavant, si une banque souhaitait contraindre un épargnant à domicilier ses revenus dans ses livres, la négociation de contreparties – si elle avait lieu – se déroulait verbalement et avait par conséquent peu de chances d’être pleinement exploitée par l’emprunteur.
Désormais, pour être légale, l’offre de prêt devra spécifier la nature de « l’avantage individualisé » attribué au client (taux préférentiel, prise en charge des frais de dossier…) en contrepartie de la domiciliation des revenus de l’emprunteur, laquelle ne pourra excéder 10 ans (ou la durée du remboursement). cBanque rapporte que les banques peinent à mettre leurs offres de prêt au goût du jour… cher lecteur, êtes-vous étonné ?
Un problème d’attractivité pour recruter les talents ?
Vous ne pouvez pas l’ignorer : les fintechs ne cessent de défier les banques traditionnelles sur leurs prés carrés. Comme nous le verrons prochainement, certaines néobanques ont investi le secteur de l’assurance et ont mis un pied sur le terrain du crédit, tout cela de manière numérique bien sûr. Le secteur bancaire traditionnel semble sclérosé face à de telles innovations. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que « les fintechs […] drainent les talents dans leurs organisations agiles, et privent les banques traditionnelles de profils compétents », comme le relève le JDN.
Outre le caractère novateur de leur offre de produits, les fintechs présentent l’avantage de ne pas imposer le costume-cravate « gris suicide » à leurs profils commerciaux, contrainte qui rebute passablement la génération Y et les millenials.
Pour régir à l’attraction exercée par les fintechs sur les profils techniques (développeurs et programmeurs), certaines banques réagissent en cultivant une image start-up, comme la Société Générale avec son campus « Les Dunes » qui intègre « flex office, espace de relaxation, équipement dernier cri permettant de re-créer un environnent attractif à l’intérieur d’un groupe historique », explique le JDN.
On peut donc se demander ce qu’il en sera lorsque le choix qui se présentera aux jeunes diplômés devra se faire entre banques traditionnelles, néobanques… et GAFA !
Les jeunes sont prêts à confier leur épargne aux GAFA
Une étude de Bain & Company publiée début décembre et portant sur 22 pays posait la question « à qui feriez-vous le plus confiance pour votre argent » ? Voici ce qu’a répondu un échantillon d’Américains de 18 à 34 ans :
Les banques conservent donc une longueur d’avance sur la concurrence auprès des jeunes. Elles arrivent en première position aux Etats-Unis devant les fintechs ainsi que devant PayPal, Amazon, Apple, Google, Microsoft, Facebook et enfin Snapchat (graphique de droite).
Cependant, l’information la plus importante qui ressort de cette étude est que la brèche est ouverte (graphique de gauche) : 73% des Américains de 18 à 34 ans, 61% des 35-54 ans et 42% des personnes plus âgées sont prêtes à souscrire un produit financier auprès d’une fintech !
[NDLR : Vous n’êtes pas obligé de confier votre épargne à une banque. Découvrez ici comment vous placer avant les investisseurs ordinaires sur les gagnants de demain et engranger de fortes plus-values quoiqu’il arrive sur les marchés. Tout est expliqué ici.]
Les résultats varient bien sûr selon les pays. Sans surprise, la France est « à la traîne » avec seulement un peu plus de 30% des sondés qui se déclarent prêts à souscrire un produit ou un service financier auprès d’un géant de la tech, et un timide 24% pour ce qui est de ceux proposés par les fintechs.
Il convient de prendre les résultats de ce sondage pour ce qu’ils sont : la photographie de l’opinion à un moment où les GAFAM n’ont encore fait que de timides incursions dans les services financiers… Car il est clair que désormais, « tout le monde est notre concurrent », comme le constatait fin novembre François Pérol, président du directoire du groupe BPCE.
Alors que certaines banques et certaines fintechs s’allient, les GAFAM-BATX se révéleront sans doute bientôt des concurrents pour tous les autres opérateurs.