Sous couvert de protéger les passagers, le Parlement européen veut imposer à toutes les compagnies un bagage cabine de 7 kg inclus dans chaque billet. Derrière ce geste en apparence généreux, se cache une réalité moins flatteuse : hausse des coûts, retards à répétition et fin du modèle low cost compétitif.
Une nouvelle législation, adoptée par le Parlement européen et désormais en phase de trilogue avec le Conseil européen, obligerait toutes les compagnies aériennes européennes à garantir à leurs passagers un bagage à main de 7 kg, quel que soit le billet acheté. Cette mesure intervient alors que le modèle tarifaire de certaines compagnies est jugé abusif, les passagers étant régulièrement invités à payer des frais supplémentaires lors de l’embarquement.
Le site du Parlement européen précise :
« Les députés européens souhaitent faciliter les voyages en avion en introduisant des dimensions communes pour les bagages à main. Les passagers devraient avoir le droit d’emporter à bord un objet personnel, tel qu’un sac à main, un sac à dos ou un ordinateur portable (dimensions maximales : 40 x 30 x 15 cm), ainsi qu’un petit bagage à main (dimensions maximales : 100 cm et 7 kg), sans frais supplémentaires. »
Une telle évolution bouleverserait le modèle économique des compagnies low cost. Chez Ryanair ou EasyJet, le billet de base comprend uniquement l’embarquement et le transport d’un petit sac (type sac à dos ou sac à main). Tout le reste – bagage cabine plus grand, bagage en soute, embarquement prioritaire, boissons ou repas à bord – est proposé en option payante.
A l’inverse, les compagnies dites « premium » (Air France, Lufthansa…) incluent déjà un bagage cabine dans leurs tarifs de base, mais elles se heurtent à d’importants problèmes logistiques. Sur de nombreux vols Lufthansa, les passagers reçoivent désormais la veille un e-mail les informant que « le vol sera complet » et que tous les bagages cabine ne pourront pas être acceptés. Ils sont alors invités à enregistrer gratuitement leur bagage à main.
Personnellement, j’apprécie cette possibilité, car elle me permet de rapporter une bouteille de vin en soute. Mais la plupart des passagers ignorent ces messages et se présentent à la porte avec leurs bagages cabine. Résultat : des agents agacés doivent procéder à des enregistrements de dernière minute, au grand mécontentement des voyageurs, et avec à la clé des retards et des surcoûts pour la compagnie.
Ryanair a trouvé une parade avec son système de billets « prioritaires », qui limite volontairement le nombre de passagers pouvant embarquer un bagage cabine. Le dispositif maintient le volume global de bagages à un niveau gérable. Imposer à Ryanair d’inclure un bagage à main pour chaque passager reviendrait à ruiner cette organisation : davantage d’agents d’enregistrement seraient nécessaires, les retards s’accumuleraient et les coûts exploseraient. A titre d’exemple, pour un Boeing 737 rempli (189 passagers), 189 bagages cabine représenteraient près d’1,5 tonne supplémentaire à bord – un poids qui alourdirait aussi la facture carburant.
Inévitablement, les compagnies low cost répercuteront ces frais sur le prix des billets. Cela affaiblira la concurrence avec les compagnies « premium », qui auront moins besoin de se battre sur les prix.
Ce qui peut sembler être un avantage offert par le Parlement européen à certains voyageurs se traduira, en réalité, par une hausse généralisée des coûts pour tous. Le système actuel repose sur l’exclusion par défaut, avec la possibilité d’ajouter les services souhaités : ceux qui veulent un salon et du champagne peuvent payer pour y accéder. Moi-même, étant très grand, je paie volontiers un supplément pour un siège près de la sortie de secours.
L’idée qu’il faudrait satisfaire tous les besoins possibles de chacun est non seulement contre-productive, mais surtout coûteuse. Les services ont un prix – une évidence que ceux qui réclament en permanence une rémunération équitable du travail devraient garder à l’esprit.
Comme souvent avec les règles européennes, cette nouvelle législation entraînera inévitablement une hausse des coûts et une baisse de la concurrence. Puis, face aux effets pervers créés, un « législateur avisé » tentera d’imposer de nouvelles restrictions pour y remédier.
Et le cycle continuera…