▪ Le mot normal existe pour une raison. Il a été inventé pour décrire ce qui se passe habituellement après qu’une chose extraordinaire se soit produite. Il est rare que les prêteurs prêtent sous le taux d’inflation des prix à la consommation. Dans les faits, cela signifie qu’ils consentent, d’entrée de jeu, à subir une perte.
Normalement, voilà ce qui arrive après que les investisseurs ont fait une chose pareille : ils perdent effectivement de l’argent — bien plus que ce qu’ils avaient prévu. Les taux d’intérêt fournissent normalement aux prêteurs un rendement réel de 2%-4% sur leur argent. Donc si l’inflation devait atteindre la cible que les banquiers centraux lui ont fixée — environ 2% –, et si les prêteurs voulaient obtenir les intérêts qui leurs sont normalement dus, le Japon et la Grande-Bretagne devraient consacrer environ un quart de leur production annuelle tout entière rien qu’au service de la dette. C’est une autre manière de dire qu’un dollar de PIB sur quatre doit être utilisé pour payer des choses qui ont été consommées… utilisées… et probablement déjà amorties… il y a des années.
Il existe un autre mot, dans notre langue, pour décrire les probabilités que cela se produise : aucune.
Mais plus profond que les chiffres ou les mots eux-mêmes, ou les particularités de la situation circa 2012 on trouve toute une théorie du gouvernement… un « contrat social » désormais en danger. L’Etat-Providence moderne a été inventé par Otto von Bismarck au milieu du XIXe siècle. L’idée était simple.
▪ Pourquoi la démocratie ?
Les gouvernements exigent le consentement et le soutien des masses. Telle était la leçon que la France républicaine avait enseignée au monde — et que Bismarck avait retenue. On pouvait obtenir bien plus de la part des « citoyens » qu’on ne pouvait en obtenir de la part des « sujets ». Les sujets de Frédéric le Grand pouvaient payer leurs impôts à contrecoeur… et pouvaient s’enrôler dans ses armées. Mais ils garderaient toujours une distance — physique et émotionnelle — entre eux et leurs maîtres. La guerre et le gouvernement étaient les affaires de Frédéric, pas les leurs. Les monarques peuvent conserver la loyauté de leurs sujets. Ils peuvent aussi s’accaparer une partie de leur argent. Mais même le Roi Soleil, Louis XIV, l’homme pour lequel le terme « monarque absolu » a été inventé, avait de la chance s’il pouvait récupérer 10% du PIB du royaume en impôts. Quant à ses soldats, chacun d’entre eux voulait être payé. Et pas en monnaie de singe.
Au cours du XIXe siècle, la monarchie a été peu à peu remplacée par une forme ou une autre de démocratie représentative ou de républicanisme. Non que les démocraties aient été nécessairement meilleures, du point de vue moral comme du point de vue pratique. Elles n’amélioraient pas nécessairement le lot des gens qui y vivaient, ni matériellement ni légalement. Pourquoi un tel succès ? Peut-être que les armes défensives — les fusils-mitrailleurs — étaient devenues abordables et efficaces. Il est beaucoup plus cher de maintenir l’ordre parmi des sujets armés. Ou peut-être était-ce le résultat de la propagation d’idées via des journaux et des livres bon marché. A moins que ce ne soit simplement dû à la Révolution industrielle, grâce à laquelle les gens devenaient plus riches et pouvaient se permettre plus de gouvernement.
▪ L’illusion du choix
La démocratie parlementaire et participative est devenue à la mode au XIX siècle. Probablement parce qu’il est plus facile de pressurer et escroquer un citoyen qu’un sujet. Le véritable génie de la démocratie moderne, c’est qu’elle fait croire au citoyen que le gouvernement et son fonctionnement sont, d’une manière ou d’une autre, le produit de ses propres aspirations. S’il veut plus d’argent pour sa retraite, il suppose qu’il peut en avoir — à la seule condition qu’assez de ses concitoyens partagent ce désir. S’il veut partir à la guerre, c’est aussi à lui et ses co-électeurs d’en décider. S’il veut dépenser plus d’argent pour l’exploration spatiale ou interdire aux gens de prier dans les bars, la majorité — dont il pense devoir faire partie — peut le faire aussi.
Il n’y a pas grand-chose que lui et ses compatriotes lumpen-électeurs ne puissent faire — tant qu’ils sont tous du même avis sur le sujet. C’est pour cette raison qu’on entend si souvent les gens dire « si seulement on était tous ensemble sur cette idée »… Ils pensent que la solidarité est la clé du succès. Quoi que la majorité veuille, elle l’obtient.
Mais même les rois avaient un mors et quelqu’un pour leur tenir les rênes. Selon la doctrine du « droit divin des rois », un roi était le serviteur de Dieu. Un roi était un sujet aussi bien qu’un monarque. Dieu lui-même lui avait donné le poste ; il ne pouvait pas le refuser. Pas plus qu’il ne pouvait refuser d’exécuter la tâche selon des termes qu’il pensait fixés par le Seigneur. Dieu pouvait tirer sur les rênes à tout moment.
Souvent, les monarques étaient mis à bas par ceux qui affirmaient représenter Dieu. Dans un célèbre exemple du XIe siècle, le pape Grégoire VII se disputa avec Henri IV du Saint empire germanique. Henri fut excommunié. Quels étaient les dommages que l’excommunication de Grégoire aurait pu lui infliger, Henri ne le savait peut-être pas. Mais il ne voulait pas le savoir. Il revêtit une tenue de pénitent et attendit trois jours au-dehors de la forteresse où le pape s’était réfugié, à Canossa — après quoi il fut pardonné.
La majorité démocratique, en revanche, ne reconnaît aucune autorité — qu’elle soit temporelle, constitutionnelle ou religieuse — pouvant se mettre en travers de son chemin. Elle se fait ainsi l’illusion de penser qu’elle est maîtresse d’elle-même, de son propre gouvernement et de son propre destin.
« Le gouvernement, c’est nous tous », disait Hillary Clinton.
1 commentaire
Intéressant !
Cela m’amène à poser la question suivante : Quelle forme de gouvernement faut-il pour le bien commun des êtres humains ?
De nombreux auteurs au cours des siècles (en particulier au 19ème et 20ème) ont déclaré que la véritable démocratie n’existe pas, qu’il faut l’inventer. Est-ce vrai, selon vous ?
L’oligarchie qui règne, semble t’il, derrière la façade publique par l’action d’une minorité de personnes, « où le pouvoir est conçu comme la propriété privée du groupe qui l’exerce et qui ne souhaite s’en désaisir à aucun prix », selon la définition parue dans le livre L’économie et les sciences sociales de A à Z aux éditions Hatier est-il légitime et viable ?
Si la vraie démocratie participative des citoyens par des femmes et des hommes, conscients, intègres et disons le mot Sages, pour diriger la politique ou la vie de la cité et publique était à inventer, peut-on former les citoyens que nous sommes tous à une vision éthique, respectueuse des intérêts légitimes individuels et collectifs ?
Le bien vivre ensemble peut-il exprimer au-delà de l’intérêt individuel et corporatiste, une véritable politique qui oeuvre au bien commun de tous les êtres et de notre environnement ?
Si ce sont les intérêts privés qui priment sur le bien public, pour le seul objectif et la seule finalité de gagner de l’argent, au risque de déclencher une troisième guerre mondiale pour s’approprier les richesses naturelles des nations, dominer les peuples, voire réduire la population à 500 millions d’habitants, selon les virginia guide ou comme le Prince d’Edimbourg qu veut réduire la population mondiale sont les seuls perspectives à offrir au monde dit moderne, les Citoyens de la Terre ont-ils le droit de dire non à ces actions, qui ne respectent pas la Vie Humaine ?
La financiarisation de l’économie détruit les relations humaines, les vertus et les actions constructives des femmes et des hommes de bonne volonté.
Doit-on accepter cet état de fait ou agir d’une autre manière, plus consciente, intègre pour se donner le nom d’être humain ?
Et si, devenir un être humain était la finalité de la Vie ?
Daniel Maniscalco