De Napoléon à Trump, les arcs de triomphe s’élèvent toujours au sommet de la gloire – juste avant que tout s’effondre.
Les Etats-Unis sont-ils en train de répéter les erreurs des empires passés ? Leur faste ? Leur vanité ?
Que pouvons-nous penser des dernières nouvelles rapportées par le New York Times ?
« Trump a récemment dévoilé ses plans pour la construction d’un grand arc, lors d’un dîner organisé pour les riches donateurs finançant l’ajout d’une salle de bal de 200 millions de dollars à la Maison-Blanche.
Il a dévoilé plusieurs rendus et trois maquettes de tailles différentes, toutes inspirées de l’Arc de Triomphe, le monument néoclassique français achevé au XIXᵉ siècle.
‘Petite, moyenne ou grande, elles sont toutes magnifiques’, a-t-il commenté. ‘Mais la plus grande est, de loin, la plus belle.’ »
Les arcs de triomphe sont généralement construits lorsqu’une nation est victorieuse. L’Arc de Triomphe français a été conçu en 1806. A l’époque, rien ne semblait pouvoir arrêter les Français, sous la houlette de leur grand chef, Napoléon.
Un an plus tôt, à Austerlitz, la grande armée avait écrasé les forces russes et autrichiennes réunies. Bonaparte avait feint la retraite avant de contourner l’ennemi et de l’anéantir. Une victoire si éclatante qu’elle avait placé le Corse dans le panthéon des génies militaires, aux côtés d’Hannibal et d’Alexandre le Grand.
En 1806, la France était au sommet de sa puissance. Ses « grandes armées » prêtes à marcher, et son chef sans égal. Un arc, dans le style de l’arc de Titus à Rome, semblait tout à fait approprié.
On ne sonne pas le glas au sommet d’un marché haussier. Mais lorsqu’un empire entreprend d’ériger un arc de triomphe, on peut déjà entendre le faible tintement des gloires bientôt éteintes.
Six ans seulement après le début de la construction, la France, furieuse contre le tsar qui bafouait ses sanctions commerciales, envahissait la Russie. La campagne fut un désastre. Trois ans plus tard, l’empire napoléonien s’est effondré. Napoléon, sans doute le plus grand stratège de son temps, s’était fait trop d’ennemis. Deux d’entre eux, l’Angleterre et la Prusse, l’ont piégé à Waterloo. Les triomphes ont pris fin. Bonaparte a fini ses jours en exil à Sainte-Hélène, luttant contre les rats.
L’Arc de Triomphe a été inspiré par l’Arc de Titus à Rome, érigé en 81 après J.-C. par l’empereur Domitien en hommage à son frère. Titus avait mené le siège de Jérusalem, où il avait infligé aux Juifs ce que ceux-ci infligent aujourd’hui aux Gazaouis : ville rasée, temple détruit et survivants dispersés ou réduits en esclavage.
Ces triomphes ravissaient les foules. Elles pouvaient participer, ne serait-ce que par procuration, au butin, contempler les esclaves promis à la vente, et savourer la mise à mort publique de leurs ennemis désignés. César lui-même avait fait ramener le rebelle Vercingétorix pour le faire étrangler devant une foule romaine en liesse.
Mais Rome aussi a vu le temps passer. Jusqu’à environ 100 après J.-C., son histoire n’était faite que de conquêtes. Chaque général victorieux pouvait jouir de son « triomphe », défilant dans les rues de la capitale entouré de butin, d’esclaves et de captifs.
Après l’an 100, Rome a dû adopter une stratégie défensive. Dès lors, la lente descente aux enfers a commencé – sans conquêtes, et sans triomphes.
Les marchés spéculatifs connaissent eux aussi leurs heures de gloire… juste avant l’effondrement. C’est alors que les prix s’éloignent le plus de leur valeur réelle. Chris Mayer, qui dirige Woodlock House Family Capital depuis notre bureau en Irlande, a partagé avec nous cette analyse saisissante :
« Depuis début septembre, les cours des entreprises bénéficiaires du Russell 5000 n’ont pratiquement pas bougé. En revanche, celles qui perdent de l’argent ont progressé de 17 %. »
Et qu’en est-il d’OpenAI, dont la valorisation atteint désormais quelque 500 milliards de dollars ? Son modèle économique ne rappelle-t-il pas furieusement celui de 1999 ?
Rappelons-nous les propos de Sam Altman, en 2019 :
« Pour être honnête, nous n’en avons aucune idée. Nous n’avons jamais généré de revenus. Nous n’avons actuellement aucun plan pour en générer. Nous ne savons pas comment nous pourrions un jour en générer. Nous avons vaguement promis aux investisseurs que, lorsque nous aurons créé une intelligence générale, nous lui demanderons de trouver un moyen de leur rapporter de l’argent. [Rires dans le public] Oui, cela ressemble à un épisode de la série TV Silicon Valley. Vous pouvez rire, ce n’est pas grave. Mais c’est réellement ce que je pense. »
Cette interview date de 2019. Et aujourd’hui encore, OpenAI perd de l’argent : environ 5 milliards de dollars l’an dernier.
Que faut-il en conclure ? Les grands arcs, comme les grandes manœuvres financières, trahissent toujours les passions de leurs auteurs.
Et nous, pendant ce temps, attendons simplement la chute de ces épaves colossales.
